"Nous sommes prêts à tout": pourquoi les taxis sont appelés à la grève ce lundi

Elles avaient déjà exprimé leur inquiétude sur ce projet ces deniers mois. Après la présentation la semaine dernière par l'Assurance maladie de la nouvelle tarification qui va s'appliquer aux transports de malades en taxis conventionnés, les organisations représentant la profession appellent à une nouvelle "grève nationale d'ampleur" ce lundi 19 mai.
Les cinq fédérations nationales enjoignent les chauffeurs de taxi à cesser le travail et à se rassembler: "Trop c'est trop. Les chauffeurs de taxi de France sont à bout. (...) De Paris à Marseille, de Lyon à Lille, de Bordeaux à Strasbourg, des gares aux aéroports, des campagnes aux montagnes, tous les chauffeurs -taxis de ville, de gare, d'aéroport, de campagne- sont appelés à se mobiliser", écrit dans un communiqué la Fédération nationale du taxi (FNDT) qui promet que si la profession parvient à se réunir, sa colère "fera l'Histoire".
"Méprisés, asphyxiés par des décisions politiques injustes, trahis par des promesses non tenues, étouffés par une concurrence déloyale, nous refusons de voir notre profession mourir en silence", poursuit la Fédération dont les revendications sont multiples. Mais ce sont essentiellement les nouvelles règles de tarification pour le transport de malades qui crispent la profession.
Forfait de 13 euros, éviter le transport à vide...
Pour faire des économies, l'Assurance maladie souhaite en effet remplacer "l'usine à gaz" aujourd'hui en vigueur en instaurant un modèle unique sur tout le territoire, a expliqué la semaine dernière Marguerite Cazeneuve, la numéro 2 de la Cnam (Caisse nationale de l'assurance maladie). Selon ce nouveau projet, les taxis seront rémunérés sur la base d'un forfait de prise en charge de 13 euros (avec une majoration pour les départs et arrivées dans les grandes agglomérations) et d'une tarification kilométrique alignée sur le tarif fixé dans chaque département.
Des "suppléments ciblés" seront possibles, par exemple pour le transport de personnes à mobilité réduite.
"La nouvelle tarification sera favorable aux taxis conventionnés dans deux tiers des départements, notamment ruraux", a indiqué Marguerite Cazeneuve.
Dans le tiers restant, les taxis "pourront être gagnants s'ils font moins de transport à vide", a-t-elle dit. "Quand un taxi emmène un client à l'hôpital aujourd'hui, il a plutôt intérêt à faire un retour à vide, c'est cela que l'on veut changer", a-t-elle indiqué.
L'Assurance maladie veut notamment que les hôpitaux développent des "plateformes de transports" centralisant les demandes, pour rationaliser les allées et venues des taxis, les inciter à prendre plusieurs patients pendant un même trajet et éviter retours à vide et longues périodes d'attente des véhicules.
Pour favoriser la lutte contre la fraude, l'Assurance maladie va également demander la généralisation de logiciels de facturation reliés à des dispositifs de géolocalisation. Le dispositif de géolocalisation devra être installé d'ici "le 1er janvier 2027 au plus tard", a indiqué Marguerite Cazeneuve. L'Assurance maladie pourra par ailleurs refuser de conventionner de nouveaux taxis lorsque le département présentera une densité suffisante.
Une facture qui a bondi de 45% en 5 ans
Ces nouvelles règles doivent encore être approuvées par le gouvernement avant une entrée en vigueur prévue le 1er octobre 2025. L'objectif est de freiner l'envolée de la dépense de transports sanitaires qui s'est élevée à 6,74 milliards d'euros en 2024, dont 3,07 milliards pour les taxis conventionnés: c'est 45% de plus qu'en 2019. Une progression qui ne peut uniquement s'expliquer par le vieillissement de la population, assure l'Assurance maladie.
"Il faut adapter le modèle pour le rendre soutenable dans la durée", a déclaré Thomas Fatôme, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie. Les fédérations de taxis, elles, sont vent debout:
"Non à la convention Sécurité sociale imposée! Elle ignore nos territoires, nos coûts, notre réalité. Elle nie le rôle des taxis dans la santé publique de proximité", dénonce la Fédération nationale des Artisans du taxi.
"Nous ne sommes pas les figurants d'un système corrompu, mais les acteurs d'un service public essentiel", écrit de son côté la FNDT. L'organisation exige "une table ronde interministérielle en présence des ministres de tutelles" et du "directeur générale de la CNAM, Monsieur Fatome)". À défaut, "nous sommes prêts à tout: grèves, blocages, arrêt total de l'activité, jusqu'à ce que l'État, la CNAM et les décideurs nous entendent", prévient-elle.