Malgré le retard du TGV M, la SNCF continue à transférer des trains en Espagne pour Ouigo

Ces transferts de TGV entrent dans le cadre des engagements de la SNCF dans le pays. Mais ils devaient être compensés par l'arrivée du TGV M, qui se fait attendre. L'offre en France, déjà tendue, est-elle réduite? L'opérateur assure que non.

Déjà sous dimensionnée par rapport à la hausse de la demande lors des grands départs, l'offre en TGV de SNCF Voyageurs en France se réduit encore un peu plus.

En effet, dans le cadre de ses engagements vis à vis du régulateur espagnol et de son plan de développement en Espagne acté en 2021, l'opérateur a transféré par phases des rames à l'Espagne pour son offre Ouigo qui monte en puissance avec de nouvelles liaisons.

Récemment, selon nos informations, cinq rames ont passé les Pyrénées et une dernière doit encore rejoindre l'Espagne pour atteindre une flotte cible de 16 trains Ouigo.

"Il n’y a pas de nouveauté, Ouigo España est prévu dès le départ pour opérer avec une flotte de 16 trains", nous indique un porte-parole de SNCF Voyageurs. Et en effet, ces transferts étaient programmés et annoncés.

Engagement contractuel

Compte tenu de ses engagements (et des pénalités qui peuvent être appliquées en cas de manquement), l'opérateur n'a pas vraiment le choix et il ne s'agit donc pas de délaisser le marché français pour privilégier l'Espagne.

Néanmoins, ces transferts peuvent questionner au vu du parc exploité en France.

Moins de rames en circulation, implique a priori moins de places disponibles, ce qui indirectement fait monter plus rapidement les prix. La tarification dynamique s'appuyant notamment sur le remplissage des trains.

Or la demande des Français en train est historiquement élevée (+11% entre 2019 et 2024) et cette surchauffe dépasse les capacités de l'opérateur.

En réalité, ces transferts devaient être compensés par l'arrivée du nouveau TGV M qui on le sait accumule les retards.

Plus de deux ans de retard pour le TGV M

D'abord attendues fin 2023-début 2024, puis pour le second semestre 2025, puis pour l'hiver, les premières circulations commerciales du TGV M sont finalement prévues pour début 2026. Soit neuf ans après la commande passée à Alstom.

"Comme les rames Ouigo sont d’anciennes rames Inoui transformées, je pense que la SNCF avait misé sur l’arrivée des premières rames TGV M en 2024 pour la France, ce qui aurait permis de transférer d’anciennes rames à l’Espagne sans réduire le nombre de sièges en France", explique à BFM Business Julien Joly, expert transport au cabinet de conseils Wavestone.

Faut-il alors s'attendre à moins de places disponibles, notamment pour cet été? Pas vraiment.

"Je ne pense pas qu’il y ait des impacts sur les grands départs sur les axes soleil (Atlantique, Sud-Est), car j’imagine que les rames sont prises sur des liaisons moins demandées", estime Julien Joly.

"Comparer le nombre de rames n'a pas de sens"

Par ailleurs, il faut plus raisonner en termes de sièges proposés que de trains. Comme depuis plusieurs années, SNCF Voyageurs "optimise" les circulations de ses trains.

"Comparer le nombre de rames n'a pas de sens, ce n'est pas le seul facteur pour offrir plus de places", explique ainsi Alain Krakovitch, directeur de TGV/Intercités.

Il s'agit ainsi de faire rouler les TGV plus longtemps sur une journée, de les doubler, d'optimiser les circulations, de mieux les répartir en fonction de la demande...

"On aura cet été encore une offre de sièges encore en augmentation, dans des proportions qui devraient être similaires aux +300.000 de l’été dernier", confirme le porte-parole de SNCF Voyageurs.

Et ce n'est pas tout. Lors des maintenances à mi-vie des TGV, les aménagements intérieurs sont modifiés permettant d'avoir plus de places par rames: +10% depuis 2019, affirme la compagnie, soit 556 places contre 509.

"Des rames qui vont perdre de l'argent là-bas"

Il y a également la montée en puissance de l'offre Ouigo avec des trains qui embarquent plus de passagers qu'un TGV Inoui et qui va bénéficier de nouvelles rames (50 au lieu de 38 mais seulement d'ici 2027).

Ou encore l'opération Botox qui doit permettre d'allonger la vie de 104 TGV qui auraient dû être radiés. Mais tout cela prend du temps.

Malgré tout, la SNCF affirme avoir anticipé, à la fois le transfert de rames vers l'Espagne et le retard du TGV M pour continuer à augmenter son offre, même si l'absence du nouveau fleuron industriel n'est pas une bonne nouvelle et agace la direction de l'opérateur et le ministre des Transports.

Côté syndical, on s'agace également mais pas pour les mêmes raisons. Un responsable assène: "Cinq rames en Espagne, c'est cinq rames qui vont perdre de l'argent là-bas au lieu de gagner de l'argent en France", pointant les pertes successives essuyées par Ouigo Espagne.

Pour autant, ces transferts, même en partie compensés, tendent un peu plus la machine SNCF. Encore une fois, aucun des 350 TGV ne dormira au garage cet été. le moindre grain de sable pourrait être fatal car comme nous le confirme un syndicat, "il n'y a pas de rames en stock l'été, tout roule".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business