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Collision entre un TER et un car scolaire en 2023: le rapport d'enquête pointe la maîtrise insuffisante du français du conducteur portugais

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L'autocar opéré par Transdev était heureusement vide, tandis que trois passagers du train ont été blessés. L'enquête du BEA met en avant un problème technique dans le véhicule mais indique que le car était conduit par un salarié non-francophone recruté au Portugal.

L'accident aurait pu être bien plus meurtrier. Le mardi 24 janvier 2023, un train express régional (TER) circulant entre Bourg‑Saint‑Maurice et Aix-les-Bains percute un autocar de transport scolaire immobilisé sur un passage à niveau à Cevins en Savoie. Le train circulait à près de 90 km/h au moment du choc, avec 52 personnes à bord, dont le conducteur et un chef de bord. Trois passagers sont blessés. L’autocar de son côté s’est disloqué en deux parties mais il était heureusement vide car il n’avait pas encore débuté son service.

Le BEA-TT (le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre) vient de publier son rapport d'enquête. On peut lire: "la cause directe de l’accident est l’immobilisation de l’autocar sur les voies ferrées peu de temps avant l’arrivée du train, possiblement liée à une défaillance d’un équipement de l’autocar (sur la boîte de vitesses, NDLR)", peut-on lire.

Un conducteur expérimenté

Le rapport pointe également d'autres facteurs. L'autocar, opéré par Transdev, était conduit par un salarié portugais ne maîtrisant pas le français. "La société de transport par autocar a recruté pour une mission de quelques mois un conducteur d’un autre pays européen. Ce conducteur était autorisé à conduire l’autocar en France, ayant obtenu son permis de conduire et ayant suivi sa formation initiale au Portugal", peut-on lire. Pour autant, il semble qu'il n'avait pas toutes les connaissances pour assurer en toute sécurité son service.

"Pendant son audition, le conducteur a expliqué ne pas savoir qu’un téléphone d’alerte était présent à proximité du passage à niveau (PN)", souligne le BEA.

En effet, alors que son car est bloqué sur la voie, le conducteur est resté assis au volant de son véhicule selon le rapport, sans prévenir les secours, alors qu'un téléphone dédié était disponible et aurait permis à la SNCF d'arrêter le train en urgence.

"Il a également indiqué avoir été surpris de la brièveté du temps entre la fermeture des barrières du PN et l’arrivée du train. Ces éléments de base de sécurité ont vocation à être portés à la connaissance des conducteurs routiers professionnels. Il a indiqué avoir été destinataire de certains documents, rédigés en français, utiles pour réaliser ses missions, par exemple comment mettre en place des chaînes à neige. Toutefois, aucune information sur le fonctionnement des PN n’est mentionnée", relate le rapport.

"Son employeur, lors de la consultation sur le projet de rapport d’enquête, précise que 'le conducteur était expérimenté et formé, dans sa langue maternelle, lors d’un tutorat sur les spécificités du véhicule et du trajet qui lui étaient confiés'".

Le cahier des charges impose la maîtrise de la langue française

Toutefois, "sa faible connaissance et maîtrise de la langue française apparaît dans ses auditions devant les enquêteurs judiciaires. Il explique notamment avoir eu des difficultés pour comprendre son contrat de travail rédigé en français", peut-on encore lire. D'autant plus que le Cahier des Clauses Techniques Particulières dans le cahier des charges rédigé par la région stipule bien que les conducteurs doivent maîtriser la langue française.

"Le personnel de conduite doit également être en capacité de gérer immédiatement les événements imprévus, les situations d’urgence et, de manière générale, tout incident survenant au cours du transport susceptible de porter atteinte à la sécurité des usagers. À ce titre, le personnel de conduite doit être en mesure de dialoguer avec les personnes à bord du car ainsi qu’avec les services d’urgence et de secours", explique le BEA.

"Afin de satisfaire ces exigences d’intérêt général, et notamment de garantir la sécurité des usagers, le titulaire s’engage à n’affecter que des personnels de conduite maîtrisant suffisamment la langue française", peut-on encore lire.

Toujours selon le rapport, le conducteur concerné avait déjà signalé un problème similaire de boîte de vitesse sur ce véhicule. Cependant, il n'avait pas rempli la fiche de signalement prévue à cet effet. "Après l’accident avec le train, il a déclaré avoir appris que deux autres conducteurs avaient constaté le même problème", peut-on lire.

Pour Transdev, une "panne imprévisible"

"Le transporteur indique, lors de sa réponse à la consultation sur le projet de rapport d’enquête, qu'"il convient de préciser que ce passage spontané au neutre, ou la défaillance de la marche avant, n’ont jamais été rapportés précédemment à Transdev Savoie par le conducteur ou l’un de ses collègues"", indique le BEA. Interrogé par BFM Business, Transdev met en avant "une panne technique imprévisible" et réfute un problème de langue ou de compréhension du conducteur portugais.

"Notre secteur a recours à l’emploi saisonnier de conducteurs issus de l’Union européenne, notamment lors des périodes de pénuries de conducteurs, ce qui a été particulièrement le cas en 2023. Dans ce cadre, des dispositifs d’accompagnement sont mis en œuvre, dès le recrutement, pour s’assurer de la bonne connaissance et compréhension des spécificités de conduite en France, ainsi que de la capacité des conducteurs à exprimer toutes situations d’urgence en français", nous explique le groupe.

"Dans ce cas précis, ce conducteur expérimenté a été formé dès sa prise de poste dans sa langue maternelle à nos process, grâce à un tutorat mené par un conducteur encadrant maîtrisant le portugais et le français. La sécurité est notre priorité et nous diffusons les principes de sécurité du Groupe, ainsi que nos règles d’Or, dans tous nos dépôts (en Français et en anglais)", poursuit-il.

"S’agissant plus particulièrement des passages à niveaux, nos encadrants animent des sessions de sensibilisation régulières sur la sécurité, dont les risques liés au franchissement de passage à niveau, et nos conducteurs sont formés en e-learning et sur le terrain", souligne Transdev.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business