Amiante: la SNCF devra indemniser 119 ex-cheminots pour préjudice d'anxiété

La SNCF a été condamnée la semaine dernière par la cour d'appel de Paris à indemniser 119 anciens cheminots pour préjudice d'anxiété, après une exposition à l'amiante sur leur lieu de travail, a-t-on appris mardi auprès de leur avocat.
La cour a condamné la SNCF à verser 10.000 euros de dommages et intérêts "en réparation du préjudice d'anxiété" à chacun de ces 119 ex-salariés, "tous retraités maintenant", a déclaré à l'AFP Me Xavier Robin, confirmant des informations du média normand Le Poulpe et du syndicat SUD-Rail.
Interrogée par l'AFP, la SNCF a répondu qu'elle ne ferait "aucun commentaire sur ce sujet".
Il y a "119 décisions favorables et identiques", dans des "dossiers analogues", et "25 arrêts défavorables" pour des dossiers qui n'avaient "pas été suffisamment étayés avec des témoignages de proches ou collègues", a expliqué l'avocat. Ces anciens cheminots travaillaient "majoritairement à la maintenance, dans des ateliers", a-t-il précisé. Cette procédure avait été lancée "en 2013 devant les prud'hommes", a-t-il ajouté.
En 2019, la cour avait rendu une première décision en faveur d'un autre ex-salarié, condamnant la SNCF à lui verser "7.000 euros" de dommages et intérêts, a rapporté Me Robin. La cour avait alors "oublié d'audiencer les autres dossiers", a-t-il dit.
"Anxiété effective"
Dans l'un des 144 arrêts rendus le 16 décembre, consulté par l'AFP, la cour note que l'ex-salarié concerné "intervenait sur des matériaux contenant de l'amiante, en les brossant ou les coupant". Le préjudice d'anxiété est "établi" et il s'agit d'une "anxiété effective", souligne la cour.
À l'encontre de la SNCF, la cour a retenu une "faute contractuelle", car l'entreprise "ne démontre pas avoir mis à la disposition de son salarié des équipements adaptés de protection, ni même l'avoir informé des dangers qu'il pouvait encourir". Or l'employeur doit "assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale" de ses salariés, rappelle la cour.
Dans un communiqué, la fédération SUD-Rail estime que ce jugement "ne met pas fin à la problématique de l'amiante" à la SNCF, où "encore aujourd'hui, il existe des manquements graves aux obligations de sécurité", accuse le syndicat.
Les condamnations pour préjudice d'anxiété se multiplient en France. Il s'agit pour la justice de reconnaître ou pas l’existence d’un préjudice psychologique, consistant à vivre dans la crainte de développer une maladie quand on est un salarié exposé dans son travail à des substances toxiques.
Un champ d'application de plus en plus large
Au départ, il s'agissait de couvrir le préjudice spécifique de salariés travaillant dans des établissements fabriquant des produits à base d'amiante listés par arrêté en 1998. Il suffisait alors de déclarer travailler pour une de ces entreprises pour être dédommagé. La discussion portait alors sur le montant du dédommagement.
Ainsi, en septembre 2020, 264 anciens salariés de Baccarat ont été indemnisés à hauteur de 9000 euros chacun pour ce préjudice tout comme 387 anciens salariés d’une usine Bosh qui ont obtenu 8000 euros chacun suite à une décision de la cour d’appel de Douai.
Mais les tribunaux ont commencé à élargir le champ d'application de ce préjudice.
Avant d'aller encore plus loin en septembre 2019 à travers une décision historique de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Elle a considère que le salarié qui justifiait d’une exposition à toute substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété résultant d’une telle exposition, pouvait agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
De quoi créer une véritable petite bombe à retardement pour les entreprises, expliquait à BFM Business, Benoit Charot, Avocat associé et responsable contentieux pour le cabinet Reed Smith (dont les clients sont des entreprises attaquées pour ce préjudice).