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Alstom fait rouler deux trains régionaux autonomes en Allemagne

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L'industriel français avance dans son projet ARTE visant à faire rouler des trains qui sont en réalité pilotés à distance, un peu comme un drone.

Etes-vous prêts à monter dans un train sans conducteur à bord? La perspective ne relève plus de la science-fiction, notamment du côté d'Alstom.

L'industriel français annonce avoir passé une nouvelle étape dans son projet ARTE (Autonomous Regional Train Evolution) en faisant rouler deux rames régionales autonomes en Allemagne à Salzgitter. Pour la première fois, des passagers (invités) étaient à bord.

ARTE est un projet de recherche conjoint d’Alstom, du Centre aérospatial allemand et de l’Université technique de Berlin, qui a reçu le soutien financier du Ministère fédéral de l’Économie et du Ministère de l’Économie de Basse-Saxe. Ce projet est en cours depuis plus de 10 ans. L’opérateur LNVG a fourni deux trains régionaux pour les essais.

Commande à distance

Les deux rames ont parcouru quelques kilomètres en mode autonome, c’est-à-dire sans l’intervention d’un conducteur. Les trains sont en réalité téléguidés à travers la technologie RTO, soit la commande à distance des trains qui permet de prendre le contrôle manuel d’un train autonome à distance.

Comment ça marche? Grâce au système de téléguidage des trains RTO, les opérateurs pourront contrôler les trains à distance: depuis le dépôt ou depuis un poste à distance, "ils pourront prendre le contrôle d’un train et le mener jusqu’à la prochaine gare. Dans son volet RTO, le projet ARTE propose une solution très simple: une tablette reliée au système de contrôle des trains", explique Alstom.

Une rame régionale d'Alstom rendue autonome et testée en Allemagne
Une rame régionale d'Alstom rendue autonome et testée en Allemagne © Alstom

"Ainsi, les opérateurs auront en permanence un œil sur la voie grâce la transmission en direct des images captées par la caméra située à l’avant du train, offrant au téléconducteur le même type de visibilité qu’à un conducteur qui se trouverait dans la cabine. Ils peuvent freiner le train et l’accélérer à distance, comme s’ils étaient à bord de la cabine du train".

L'idée principale est de pouvoir faire rouler ces trains en conduite automatisée "sur un réseau ferroviaire existant (sans le modifier), en adaptant le matériel roulant" avec nombre de capteurs (sonars, lidars, caméras) et une dose d'intelligence artificielle, explique Alstom.

Sans avoir à modifier le réseau

D'ailleurs, les deux rames utilisées sont anciennes. "Nous avons délibérément pris un train régional qui a déjà quelques années d’existence et nous lui avons appliqué une technologie de pointe. Cela nous permet de démontrer notre capacité à faire passer n’importe quel train du monde d’un fonctionnement manuel à un fonctionnement automatisé", explique Florian Kittelmann, Directeur de la mobilité autonome chez Alstom.

"La conduite automatisée nécessite des systèmes de caméras pour la détection des obstacles et, en lieu et place d’un équipement ETCS au sol, un système de reconnaissance d’images approprié qui lit les signaux ferroviaires présents au bord de la voie", poursuit le groupe.

"Alors que nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère ferroviaire, l’adoption de systèmes automatisés annonce un avenir où les trains fonctionneront de manière parfaitement prévisible, où les agglomérations se développeront et où les communautés seront connectées comme jamais auparavant", commente Florian Kittelmann.

"Dans un paysage des transports en constante évolution, la technologie sans conducteur est plus qu’une tendance, elle représente une révolution. Alors que les discussions portent souvent sur les voitures autonomes, le potentiel du transport ferroviaire autonome est tout aussi révolutionnaire", poursuit-il.

Des avantages mais beaucoup de freins

Au-delà de l'innovation, quels sont les avantages du train autonome? Pour Alstom, "les trains autonomes peuvent fonctionner 24 heures sur 24 sans les temps d’arrêt requis par les systèmes traditionnels, ce qui permet de réduire les coûts d’exploitation et d’améliorer la qualité du service" avec plus de trains en circulation.

Par ailleurs, "les systèmes de conduite autonome permettent d’améliorer considérablement la sécurité en minimisant les risques liés aux interventions humaines, ce qui réduit d’autant le risque d’erreurs. Les trains autonomes surveillent en permanence leur environnement, réagissent rapidement aux obstacles et respectent des protocoles de sécurité rigoureux", estime l'industriel.

Enfin, Alstom assure que cette conduite autonome génère des économies d'énergie car la conduite se fait de manière constante, à la différence du cheminot humain qui conduira toujours différemment que son collègue.

Reste que ces avantages ont leur revers. D'abord psychologique: les usagers auront-ils confiance dans un train dénué de conducteur?

Social ensuite: les cheminots voient évidemment d'un très mauvais oeil ces initiatives qui les font sortir de la cabine de conduite. L'idée de voir rouler des trains automatiquement 24 heures sur 24 ulcère évidemment les syndicats. De quoi provoquer des tensions. D'ailleurs, on peut s'interroger sur le fait que ces tests aient lieu en Allemagne et pas en France.

Sécuritaire enfin: la commande à distance induit des risques importants de piratage, le train autonome étant ultra-connecté afin de fonctionner. Alstom dit s'appuyer sur une équipe dédiée et souligne que le système intègre des protections solides. Reste que le risque zéro n'existe pas.

Dans le fret aussi

Fin 2022, Alstom a "fait la démonstration du plus haut niveau d'automatisation sur une locomotive de manœuvre (qui est utilisée pour composer les rames de fret avant leur départ, NDLR) près de Breda, aux Pays-Bas".

L'industriel affirme ainsi que le démarrage, la conduite et l’arrêt ont été entièrement automatisés, et que la gestion d'obstacles ou d'événements imprévus s'est faite sans l'intervention directe du personnel du train pendant les activités de manœuvre.

Pour parvenir à ce résultat, l'entreprise a développé un système intelligent de détection et de reconnaissance des obstacles qui s'interface avec le système d'exploitation automatique des trains d'Alstom, permettant ainsi au train de réagir de manière autonome à divers obstacles.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business