BFM Business
Transports

Aéroports français: l'obligation de sortir liquides et ordinateurs des bagages cabine bientôt terminée?

Scanner CT/3D testé à Orly du fabriquant Smiths Detection

Scanner CT/3D testé à Orly du fabriquant Smiths Detection - Smiths Detection

De nouveaux équipements de sécurité sont actuellement testés à Paris-Orly (bientôt à Roissy) et à Lyon-Saint Exupéry. Les premiers retours sont très satisfaisants. Mais leur généralisation n'est pas pour tout de suite.

C'est l'un des rituels du voyage en avion que l'on aimerait tous oublier surtout en été quand les aéroports sont bondés: l'obligation de sortir et de présenter liquides et ordinateurs de son bagage cabine au moment des contrôles de sécurité avant l'embarquement.

Outre cette obligation, il faut également veiller à ce que ces liquides respectent des critères de taille (100 ml) et d'emballage (transparents) sous peine de les voir être confisqués.

Ce protocole de sécurité visant à repérer les explosifs allonge évidemment les délais d'embarquement (et constitue un irritant pour les passagers), une situation particulièrement délicate dans un contexte de pénurie de personnels dans les aéroports.

"On passe des rayons X à l'IRM"

Mais il y a du nouveau en la matière. Grâce aux dernières générations d'équipements de sécurité, il est théoriquement possible aujourd'hui de repérer des explosifs sans avoir à sortir quoi que ce soit d'un bagage.

Ces scanners CT/3D de dernière génération qui utilisent la tomographie par ordinateur (initialement utilisées dans les hôpitaux) sont aujourd'hui une réalité dans les aéroports américains, tels que John F. Kennedy à New York, Hartsfield-Jackson d'Atlanta et O'Hare de Chicago.

En Europe, ces solutions sont aujourd'hui en phase de test ou de pré-déploiements notamment en Grande-Bretagne, au Portugal, aux Pays-Bas et dans au moins deux sites en France.

A Paris-Orly, un test a démarré à Orly 3 en octobre 2022, et se déroulera pendant un an en situation réelle sur deux lignes de contrôle.

"Les résultats sont encourageants, c'est comme si on passait des rayons X à l'IRM" explique à BFM Business, Justine Coutard, directrice de l'aéroport. 
Scanner CT/3D testé à Orly du fabriquant Smiths Detection
Scanner CT/3D testé à Orly du fabriquant Smiths Detection © Smiths Detection
"Les possibilités techniques sont impressionnantes, on peut faire pivoter l'image, l'observer sous tous les angles, "sortir" certains objets de l'image comme l'ordinateur portable afin de mieux pouvoir analyser le reste" détaille-t-elle.

Fin de la limite des 1 litre?

"Le gain pour les passagers est clair, le temps de préparation lors du contrôle baisse d'un tiers à 60 secondes. On obtient après analyse moins de fouilles corporelles qui représentent un vrai irritant pour les passagers. On passe de 13% à 8% de fouilles manuelles" poursuit la responsable.

Cette innovation pourrait également permettre de lever la limite d'un litre de liquides emportés en cabine (10 x 100ml). La question se pose pour les bouteilles d'alcool achetées avant de passer en dutyfree.

Déjà levée en Australie ou en Nouvelle-Zélande pour les vols intérieurs, ou encore à Milan ou dans un aéroport de Londres, cette limite pourrait être abolie en Espagne l'an prochain. En France, la règlementation n'est pas explicite et les tests de ces nouveaux équipements devraient permettre de faire évoluer ces règles.

Un gain de temps pour les passagers clairement établi

A l'inverse, le temps d'analyse de l'image par l'agent est plus long. "C'est assez logique, cette nouvelle technologie nécessite une formation spécifique et un apprentissage devant l'écran. Il faut prendre en main l'outil, savoir lire une image en 3D, l'analyse est plus complexe" explique Justine Coutard.

Selon nos informations, des tests de ces nouveaux équipements vont être également menés cette année à Roissy Charles-de-Gaulle.

Depuis presque un mois, ce dispositif est également éprouvé à Lyon-Saint Exupéry pour une période de six mois sur "deux lignes de PIF (Poste d’inspection Filtrage). Ce test vient d'être officialisé par Vinci Airports qui exploite l'aéroport.

"Les équipes de Vinci Airports à l’aéroport de Lyon se mobilisent aux côtés des services de l’Etat pour mettre en œuvre des solutions innovantes permettant de fluidifier le parcours de nos passagers tout en garantissant la fiabilité des contrôlesEn fédérant les différents acteurs impliqués (l’exploitant d’aéroport, la DGAC, le prestataire sûreté et l’équipementier), cette expérimentation permettra une évaluation in situ d’un nouvel équipement de sûreté et contribuera à la réflexion française sur le déploiement de ce type de dispositif" commente Ludovic Gas, directeur des opérations d’Aéroports de Lyon. 

Comme le souligne ADP ou encore Vinci, ces tests ont été impulsés et encadrés par l'Etat au travers du programme d’innovation national "Vision Sûreté" de la DGAC lancé en 2014. Il a déjà permis des tests de cabines de scan pour les passagers ou encore d'analyseurs de chaussures (shoescan) qui détectent les menaces métalliques et explosives.

"Une vraie volonté commue d'avancer sur ce sujet"

La seconde phase de ce programme initiée en 2018 (par Elisabeth Borne, alors ministre des Transports) vise justement à "promouvoir l’innovation en matière de sûreté pour accompagner la croissance du transport aérien. Les solutions innovantes proposées concerneront l’inspection-filtrage des passagers et de leurs cabines, mais également de l’inspection-filtrage des bagages de soute et du fret et courrier".

Reste que ces initiatives se résument pour le moment à des tests. "Les projets seront évalués, entre autres, sur l’efficacité de la détection des menaces, sur l’efficacité opérationnelle et sur l’efficacité économique" peut-on lire dans le document détaillant le projet "Vision Sûreté" aux porteurs de projets.

"Nous travaillons en étroite collaboration avec la DGAC, on construit le protocole avec eux. L'aviation civile est motrice sur cette question, il y a une vraie volonté commune d'avancer sur ce sujet" poursuit Justine Coutard.

Impossible donc pour le moment de parler de calendrier de généralisation. Il faudra attendre les retours d'expérience, les analyses du rapport fluidité/sécurité et les validations officielles qui prendront du temps.

Pas encore de calendrier

"On peut imaginer de nouveaux déploiements dans les prochains mois mais une généralisation dépendra beaucoup de la DGAC qui elle seule peut faire infléchir la réglementation" souligne la patronne d'Orly qui évoque également la question du coût et des contraintes techniques avec des machines beaucoup plus grosses que les précédentes, ce qui exige des aménagements dans les zones de contrôle.

D'autant plus que c'est la réglementation européenne qui prime en matière de sécurité aéroportuaire et il faudra adapter les textes en vigueur. "Le cadre européen est strict mais chaque pays peut y intégrer des adaptations nationales. Et ce cadre n'est pas incompatible avec ces nouvelles technologies" tempère-t-elle.

Fluidifier les flux est pourtant urgent: la reprise du trafic et l'arrivée massive d'athlètes pour les JO de Paris l'an prochain, dont certains seront accompagnés de leur équipement (javelot, perche...) risque de faire peser une pression sans précédent sur les flux de passagers dans les aéroports français qui doivent également résorber des pénuries chroniques de personnels notamment dans la sécurité.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business