Aérien: le C919 du chinois Comac représente-t-il une menace pour Airbus et Boeing?

C'est une étape cruciale pour l'industrie aéronautique commerciale chinoise. Ce dimanche, le premier avion de ligne de conception et de fabrication chinoise, le Comac C919, a réalisé son premier vol commercial inaugural.
Le vol MU9191 de la compagnie China Eastern Airlines a atterri "en douceur" à l'aéroport international de Pékin avec environ 40 minutes d'avance. Le vol "a été extrêmement fluide, confortable et mémorable. Je pense que je m'en souviendrai longtemps", a déclaré à CCTV un passager à bord de l'avion après l'atterrissage.
Pour Pékin, cet appareil fabriqué par Comac, entreprise d'Etat, doit devenir le bras armé du pays pour réduire sa dépendance à Airbus avec ses A320 et Boeing avec son 737MAX. Il s'agit en effet d'un appareil court-moyen courrier capable de transporter 158 à 174 passagers sur 4075 kilomètres.
Pas d'autorisation de vol en Europe et en Amérique
Une menace pour ce duopole qui se partage le colossal marché de l'aéronautique civil dans le monde? En dehors de la Chine et de quelques pays d'Afrique, le C919 n'est pas autorisé à voler ailleurs, l'appareil n'ayant pas été certifié par la FAA (Federal Aviation Administration) et l'EASA (European Aviation Safety Agency).

L'industriel chinois ne pourra donc pas profiter pour le moment des nombreuses commandes des compagnies aériennes américaines, européennes ou asiatiques qui renouvellent actuellement leurs flottes.
Mais dans le ciel chinois, Comac pourrait faire mal à Airbus et Boeing qui se partagent 98% du marché. Il faut en effet rappeler que la Chine est devenue un marché stratégique pour les avionneurs avec des compagnies qui passent de très importantes commandes. Pas plus tard qu'il y a un an, deux compagnies chinoises achetaient pas moins de 292 avions à Airbus pour 37 milliards de dollars.
Il faut dire que la Chine représente désormais 20% du trafic aérien mondial, un chiffre qui progresse de plus de 5% par an.
1200 commandes déjà engrangées
Des compagnies qui ont immédiatement joué la carte du patriotisme économique. Zhang Yujin, directeur général adjoint de Comac, a indiqué en janvier au média The Paper que l'entreprise avait déjà enregistré plus de 1200 commandes pour son appareil dont China Eastern, la deuxième compagnie aérienne du pays en termes de nombre de passagers.
Le constructeur prévoyait d'accroître d'ici cinq années ses capacités de production annuelle à 150 modèles, avait alors déclaré Zhang Yujin.
"Ils ont un marché un peu captif où ils vont pouvoir commencer à vendre, à mettre en service ces avions et donc on va observer avec énormément d'attention ce qui se passe avec Comac", soulignait d'ailleurs sur BFM Business Guillaume Faury, PDG d'Airbus.
Le groupe européen s'est d'ailleurs mis en ordre de bataille dans l'empire du Milieu en annonçant construire une deuxième chaîne d’assemblage de l’A320 à Tjianjin afin d'être au plus près de la demande.
Pékin ne veut moins de pièces occidentales dans le C919
Comac pourrait en outre profiter des déboires de Boeing en Chine. Le 737 MAX est resté cloué au sol pendant 4 ans après deux crashs meurtriers même si désormais les commandes repartent. L'avionneur américain souffre également des tensions commerciales persistantes entre Pékin et Washington et par l'accident meurtrier l'an passé d'un Boeing 737-800, la pire catastrophe de l'aviation civile chinoise avec 132 victimes.
Pour autant, le C919 est également une chance pour l'industrie occidentale. L'aéronef est en effet largement composé de pièces occidentales, notamment ses moteurs (le Leap-1C) fabriqués par le consortium franco-américain CFM International regroupant General Electric et Safran.
Une situation qui doit être transitoire, presse Pékin qui exhorte Comac à réduire rapidement leur utilisation. Un objectif qui prendra du temps.