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Pourquoi les loueurs de voitures se convertissent à l'autopartage

Les loueurs de voitures se lancent dans l'aventure de l'autopartage avec des atouts de taille.

Les loueurs de voitures se lancent dans l'aventure de l'autopartage avec des atouts de taille. - Ubeeqo

Europcar avec Ubeeqo, Avis avec Zipcar ou encore récemment Ada, avec le déploiement de Renault électriques à Paris... Le marché de l'autopartage en libre-service séduit de plus en plus les spécialistes de la location de voitures. Le modèle économique des successeurs de l'Autolib' parisien reste pourtant incertain.

Qui saura remplacer Autolib' dans le cœur (et le portefeuille) de ses anciens utilisateurs? L'arrêt du service proposé par Bolloré l'été dernier a en effet rebattu les cartes de la mobilité partagée dans la capitale.

De nombreux acteurs, déjà en place ou qui se positionnent à cette occasion, proposent ainsi leurs services ou s'apprête à le faire. Parmi eux, on retrouve des loueurs de voitures comme Europcar, via sa start-up Ubeeqo, Avis, qui a racheté Zipcar en 2013, ou plus récemment Ada, qui déploie actuellement une flotte de Renault Zoé et Twizy 100% électriques sous le nom de Moovin'Paris.

Les loueurs se positionnent

"Il y a une transition assez naturelle du métier de loueur de voitures à celui d'opérateurs de mobilité partagée, explique Jean-Philippe Doyen, président de Sixt France. Pour le moment, il s'agit surtout de fluidifier le service au niveau de nos agences mais location de voitures traditionnelle et autopartage ne feront bientôt plus qu'un." 

Comme ses concurrents, l'entreprise allemande a accéléré sa digitalisation ces derniers temps. Elle propose notamment de tout réaliser depuis son smartphone de la réservation du véhicule à la prise en main, sans avoir à interagir avec un employé. Une offre qui vise surtout ses clients voyageurs d'affaires réguliers prêts à réaliser toutes les étapes de manière dématérialisée mais qui sera ouverte aux particuliers début 2019.

Des atouts pour réussir malgré les obstacles

Et une manière de faire passer le message: Sixt est prêt à déployer rapidement une offre d'autopartage en libre-service, à Paris ou ailleurs. De quoi mettre à profit un certain savoir-faire lié à son secteur d'origine:

"Les loueurs de voitures ont deux avantages comparatifs pour réussir dans l'autopartage. En termes de coûts tout d'abord, avec l'accès à une flotte de véhicules très récents qu'ils peuvent déployer facilement, après une année d'utilisation sur de la location classique par exemple. Ces acteurs ont aussi une connaissance dans la gestion d'un parc de voitures, avec ce que cela implique en termes d'organisation et de maintenance", explique Julien Manceaux, économiste pour ING et qui a participé à une étude récente de la banque en ligne sur ce sujet de l'autopartage.

Mais l'aventure n'est pas pour autant gagnée d'avance. Sixt reste d'ailleurs sur deux expériences avortées dans ce domaine de l'autopartage avec le lancement d'un service de location de courte durée, Sixti, en 2003 et la revente à BMW de ses parts dans DriveNow, cette année. Des exemples qui reflètent la difficulté, même pour un loueur, à percer dans l'autopartage. 

"La grande variabilité de la demande représente un défi majeur, souligne Julien Manceaux. Avec une durée d'emprunt qui se fait sur un ou plusieurs jours, un loueur peut plus facilement ajuster son offre à la demande en anticipant par exemple les pics en semaine et le week-end à des endroits donnés. Sur l'autopartage, c'est bien plus complexe: tout le monde veut une voiture à 16h00 mais personne à 2h00 du matin. Or, il est difficile d'adapter l'offre dans des délais aussi courts." 

Autre difficulté majeur: dans l'autopartage c'est le client qui réalise une partie des services réalisés par l'entreprise de location. A savoir emmener le véhicule à son lieu d'emprunt par le prochain utilisateur et s'assurer de son bon état général. Un dernier point qui avait posé certains problèmes dans les ex-Autolib' parisiennes, souvent critiquées pour leur état déplorable.

Créer une communauté et s'installer dans la durée

"La question est de savoir comment réussir à créer un effet de communauté, avec des utilisateurs réguliers mobilisées pour maintenir une bonne qualité de service, indique Julien Manceaux. Les acteurs profitables sont ceux qui sont présents depuis longtemps et qui ont réussi à créer cette communauté."

Un seuil de la rentabilité qui semble difficile, mais pas impossible à atteindre. Un acteur comme Car2Go, filiale du groupe automobile Daimler (marques Mercedes et Smart) vient d'annoncer son lancement en début d'année prochaine à Paris. Le service est déjà présent dans 25 villes réparties dans huit pays et revendique un total de 3,4 millions d'utilisateurs.

Rencontré à l'occasion du Mondial de l'Auto et de l'arrivée prochaine des Smart électriques à Paris, son patron, Olivier Reppert, nous expliquait que Car2Go était rentable dans certaines villes, sans toutefois préciser lesquelles. Entre laboratoire de la mobilité du futur et prospection de futurs clients pour les constructeurs automobiles et un relais de croissance potentiel pour les loueurs, l'autopartage semble encore à la recherche d'un modèle économique.

Julien Bonnet