Rivalités et querelle sur le salaire: guerre de succession à La Poste

La nomination du futur patron de La Poste tourne au bras de fer interne. Le PDG Philippe Wahl quittera ses fonctions à l’assemblée générale du 25 juin et a déjà pris position. Aux manettes depuis 2013, il "privilégie une candidature interne", assure son entourage. Le choix final reviendra à Emmanuel Macron sur proposition de la Caisse des Dépôts (CDC), actionnaire de La Poste à 66%.
Une liste de quatre noms doit être présentée ces jours-ci au conseil d’administration de La Poste. Selon plusieurs sources proches de l’entreprise publique, elle contient deux candidats internes et deux externes. En interne, Nathalie Collin, directrice générale adjointe en charge du réseau et du numérique fait face à Stéphane Dedeyan, directeur général adjoint qui pilote La Banque Postale.
Les deux profils extérieurs ne sont pas favoris. Jérôme Fournel, ancien directeur général des Douanes et des Finances Publiques, a dirigé les cabinets de Bruno Le Maire à Bercy et de Michel Barnier à Matignon. Proche de la majorité présidentielle, sa candidature risquerait de se heurter au veto du Parlement qui peut la retoquer avec 60% des votes.
La challenger Claire Waysand, directrice générale adjointe d’Engie, a l’avantage de connaitre La Poste pour en être administratrice. Ces quatre candidats doivent passer des entretiens avec le conseil d’administration de l’entreprise publique en avril, avant une décision d’Emmanuel Macron attendue en mai.
"Rumeurs et boules puantes"
Ces dernières semaines, la tension est montée d’un cran au sein de La Poste, sur fond de rivalité entre Nathalie Collin et Stéphane Dedeyan. Plusieurs sources proches de La Poste rapportent que l’actuel PDG pousse le patron de La Banque Postale après avoir positionné la patronne du réseau comme sa dauphine depuis trois ans. "Philippe Wahl le fait savoir auprès de plusieurs dirigeants politiques", assure un cadre du groupe.
"Il n’a pas pris position, promet son entourage. C’est une chance d’avoir deux bons candidats internes."
La direction tente de calmer le jeu alors que l’ambiance s’électrise entre "rumeurs et boules puantes", reconnait un dirigeant.
Au point que les puissants syndicats de La Poste s’en mêlent. "Nous privilégions également une candidature interne mais le choix doit se faire sur le projet des candidats, prévient Stéphane Chevet, représentant de la CFDT au conseil d’administration. Il faut éviter une guerre de succession qui déstabiliserait l’entreprise."
Le ministre de l'Économie se "déporte" de la nomination
Nathalie Collin est la candidate historique. Proche de Philippe Wahl depuis 11 ans, elle dirige le tentaculaire réseau de La Poste de 17.000 points de vente et pilote sa transformation numérique. En face, Stéphane Dedeyan préside La Banque Postale depuis un an et demi et emprunte le même parcours que Philippe Wahl, lui aussi passé par là à ses débuts dans le groupe. Il contrôle la filiale CNP Assurances, le centre de profit du groupe qui a généré 1,4 milliard d’euros de bénéfices quand La Banque Postale a perdu 396 millions d’euros en 2024.
Stéphane Dedeyan a aussi l’avantage de bien connaitre le ministre de l’Économie. Il a été son bras droit chez Generali France entre 2014 et 2017. Puis, Éric Lombard l’avait choisi pour diriger CNP Assurances en 2021 lorsqu’il dirigeait la Caisse des Dépôts. Le cabinet du ministre assure qu’il ne se mêle pas de cette nomination et qu’il a signé une "lettre de déport" sur les nominations du patron de la CDC et de La Poste pour éviter tout conflit d’intérêt.
Entre Nathalie Collin et Stéphane Dedeyan, "ce sera le choix du service public ou de la trajectoire financière", résume un bon connaisseur de l’entreprise.
"Nous avons soutenu le rapprochement avec CNP Assurances pour développer l’offre commerciale de La Poste mais désormais il faut se concentrer sur le parcours client quels que soient les produits proposés", estime le représentant de la CFDT, en guise de soutien à Nathalie Collin.
Pas d'augmentation de salaire pour le prochain PDG
Le premier syndicat de La Poste s’agace aussi d’une autre polémique naissante autour de la rémunération du futur PDG. Les salaires des deux candidats internes sont supérieurs au plafond de 450.000 euros annuels, imposé dans toutes les entreprises publiques. "Les deux candidats pourraient conserver leur salaire", estime un proche de l’entreprise qui précise que cette limite n’est plus en vigueur. La Poste n’est plus soumise à cette loi depuis que la Caisse des Dépôts est devenue son actionnaire en 2021 à la place de l’État.
Celui de Stéphane Dedeyan s’élève à près de 600.000 euros et celui de Nathalie Collin, non public, est un peu inférieur. Mais cette idée n’ira pas loin.
"Il n’y a aucune raison de changer les règles existantes en matière de rémunération pour le PDG de La Poste", assure la Caisse des Dépôts à BFM Business.
Le salaire du directeur général est aussi plafonné à 450.000 euros annuels, tout comme celui de Bpifrance, Nicolas Dufourcq. Les deux candidats internes savent à quoi s’attendre.