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SNCF, La Poste, Caisse des Dépôts… Les candidats d'Emmanuel Macron menacés de veto

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L’Assemblée nationale vote aujourd’hui sur la nomination du PDG d’Aéroports de Paris. Viendront ensuite celles des patrons de la Caisse des Dépôts, La Poste et de la SNCF. Des candidats proches du camp présidentiel craignent de faire les frais des jeux politiques.

Ils comptent les députés un à un pour évaluer leurs chances d’être adoubés. Pour la première fois, ces candidats aux directions d’entreprises publiques sont menacés par l’absence de majorité. Ce mercredi matin, Philippe Pascal est auditionné par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale pour devenir PDG d’Aéroports de Paris (ADP). Rebelote dans une semaine par les sénateurs de la même commission. Son profil interne et apolitique devrait lui permettre de décrocher le feu vert des parlementaires.

Mais certains candidats proches d’Emmanuel Macron craignent, eux, d’être piégés par les jeux politiques. Dans les prochains mois, le Président de la République devra nommer les futurs patrons de la Caisse des Dépôts, de La Poste et de la SNCF. Lorsque la majorité parlementaire était claire, ces auditions s’apparentaient à des formalités.

Mais aujourd’hui, "le risque de censure existe", reconnaît un proche du gouvernement.

Pour retoquer une nomination, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat doivent voter contre à 60%. Or, le "bloc central" du camp présidentiel ne pèse que 35% à l’Assemblée nationale, insuffisant pour éviter un veto.

Un macroniste candidat à la Caisse des Dépôts

"Pendant les fêtes, l'Élysée comptait les voix une à une pour préparer la succession à la Caisse des Dépôts", abonde un habitué des cabinets ministériels. L’ancien directeur général, Éric Lombard, est devenu ministre de l’Économie. Des hauts fonctionnaires, qui ont subi le chamboule-tout politique en 2024, se positionnent. Le nom du secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, a circulé. Mais cette hypothèse semble aujourd’hui "abandonnée", selon un connaisseur du dossier.

C’est en réalité Emmanuel Moulin qui brigue le poste. Ancien directeur de cabinet de Gabriel Attal à Matignon et de Bruno Le Maire à Bercy, il porte l’étiquette "macroniste" qui pourrait lui coûter cher face aux députés de La France insoumise et du Rassemblement national. Lui fait valoir ses quatre années à la tête du Trésor entre 2020 et 2024 pour dépolitiser son profil. Contacté, l’intéressé n’a pas souhaité nous répondre.

Les candidats internes favorisés

Emmanuel Moulin parie sur le soutien des députés Les Républicains, mettant en avant son parcours de conseiller de Christine Lagarde et de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012.

"Il est très légitime mais il peut subir le dommage collatéral d’oppositions qui n’auront pas osé voter la censure (sur le Budget, NDLR), prédit un cadre de Bercy. C’est en tout cas le risque que pointe le ministre de l’Économie."

Un argument que plusieurs sources proches du dossier tempèrent et justifient par le soutien discret d’Éric Lombard à son ancien bras droit, Olivier Sichel. Même si officiellement, le ministre ne veut pas se mêler de sa succession. Il vient d’ailleurs de signer une "lettre de déport" sur les nominations à la Caisse des Dépôts et dans sa filiale La Poste, assure son cabinet.

Le PDG de La Poste, Philippe Wahl, quittera, lui, ses fonctions le 30 juin. Là aussi, un haut fonctionnaire lorgne le poste et pourrait être concerné par ce risque de veto politique. Jérôme Fournel, ancien directeur de cabinet de Michel Barnier à Matignon et de Bruno Le Maire à Bercy, envisage de candidater pour la direction de La Poste. Lui aussi a commencé son parcours sous la présidence de Nicolas Sarkozy avant de rejoindre les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron. Contacté, il n’a pas souhaité nous répondre.

"Jérôme Fournel et Emmanuel Moulin peuvent craindre une vengeance de députés LR qui leur feraient payer d’avoir rejoint Macron", estime un de leurs proches. "Mais ils épluchent aussi les voix du PS au Sénat."

La fragilité de la candidature de Jérôme Fournel pourrait, là aussi, renforcer l’option interne de la directrice générale adjointe de La Poste, Nathalie Collin.

Éviter d’ouvrir la succession à la SNCF et chez RTE

Ces combinaisons politiques multiples entre l’Assemblée nationale et le Sénat pourraient aussi jouer lors des changements de gouvernance à la SNCF. Jean-Pierre Farandou doit quitter son poste lors de l’assemblée générale, prévue en mai, juste avant qu’il n’atteigne la limite d’âge de 68 ans en juillet. Son successeur devra passer devant les commissions du développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat.

"Contrairement à la commission des Finances, il n’y a pas de jeux politiques chez nous", confirme un de ses membres, qui rappelle avoir reconduit Jean Castex à la tête de la RATP l’automne dernier.

Un nom circule avec insistance depuis de longs mois: celui de Xavier Piechaczyk. Or, le président du Réseau de transport d’électricité (RTE) est lui aussi proche d’Emmanuel Macron, ce qui pourrait handicaper sa candidature. Son départ provoquerait par ailleurs un effet domino et obligerait le gouvernement à ouvrir sa succession chez RTE, entreprise publique sensible, coincée entre son actionnaire EDF et des syndicats puissants.

Selon plusieurs sources, le gouvernement étudie une dissociation des fonctions de président et de directeur général de la SNCF. Contactée, la direction n’a pas souhaité commenter. Cette solution permettrait à Jean-Pierre Farandou de rester président encore deux ans, pour désigner un dauphin en douceur, tout en évitant les enjeux politique et social. Elle éviterait aussi à l’exécutif de remplacer Xavier Piechaczyk. Le patron de RTE, âgé de 55 ans, pourrait alors rempiler pour un second mandat à partir du 1er septembre prochain.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business