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"Pas le juste prix": les petits industriels déplorent des exigences des distributeurs "décorrélées de la réalité"

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Les négociations commerciales annuelles se sont achevées au 1er mars entre distributeurs et fournisseurs. Dressant un premier bilan, les industriels ne cachent pas leur mécontentement.

La ligne d'arrivée est franchie, mais l'issue contrarie l'un des deux coureurs. Rengaine immuable, les négociations commerciales annuelles se sont achevées samedi à minuit entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs de produits alimentaires sous marque nationale. S'attardant pour un premier état des lieux, les industriels ne cachent pas leur mécontentement. "C'est loin d'être satisfaisant pour nos adhérents", regrette Léonard Prunier, à la tête de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef), qui représente un millier de PME et ETI.

"Nous n'arrivons pas à vendre au juste prix, sinon nous n'aurions pas un tiers de PME-ETI déficitaires", souligne Léonard Prunier.

Les premières remontées du terrain laissent entrevoir une stabilité moyenne des tarifs fournisseurs voire une légère déflation pour les entreprises adhérentes de la Feef, "alors qu'elles demandaient +3% en moyenne" à l'ouverture des discussions commerciales, appuie-t-il.

Du côté de Pact'Alim, qui regroupe d'autres PME et ETI du secteur agroalimentaire, le ton n'est pas différent. "À la fin, nous arrivons entre 0 et -1% en moyenne", soupire son président Jérôme Foucault, déplorant des demandes "totalement décorrélées de la réalité économique" de la part des distributeurs.

"Un climat désagréable"

Opaques et fastidieuses –et surtout régies par un strict cadre législatif, évoluant au gré des lois Egalim– ces tractations tarifaires annuelles déterminent les conditions auxquelles les distributeurs achètent à leurs fournisseurs une bonne partie de ce qu'ils vendent dans leurs magasins pour les douze prochains mois. Sans surprise au regard des interventions médiatiques de part et d'autre, le round 2025 a été agité par des négociations tumultueuses entre les deux parties, chahutées par la récente crise inflationniste.

"Le climat a été désagréable", confirme Jérôme Foucault.

Pour les industriels, la "guerre des prix" entre les distributeurs joue le rôle de coupable idéal. "On parle uniquement de prix, et de prix bas, on ne parle pas de coopération commerciale, de nouveaux produits", souffle Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, chargée de défendre les intérêts des coopératives agricoles françaises.

Ces discussions "stériles" aboutissent à des "comportements inappropriés" de certains acteurs de la grande distribution, observe-t-il, évoquant "des personnes qu'on laisse patienter pendant des plombes dans des salles d'attente".

Ces dernières négociations ont vu revenir "des pratiques qui avaient peu ou prou disparues", comme des menaces de déréférencement ou des alignements tarifaires forcés, confirme Jérôme Foucault.
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Concentration du secteur

La concentration de la distribution alimentaire, qui s'est nettement accélérée au cours des deux dernières années, a d'autant plus pesé sur les négociations, désignent les voix industrielles. Les lourdes difficultés financières du groupe Casino l'ont contraint à se séparer de la quasi-totalité de ses supermarchés et de ses hypermarchés au profit de ses concurrents, en grande partie Intermarché et Auchan. Le groupe Carrefour, lui, a mis la main sur une soixantaine d'hypermarchés Cora et une centaine de supermarchés Match, passant les premiers sous ses propres couleurs.

Le rapport de force "est complètement déséquilibré", abonde Dominique Chargé. Selon les données du panéliste Kantar, E.Leclerc faisait toujours la course en tête en fin d'année passée, avec 24,5% de part de marché sur les produits de grande consommation (PGC) et les produits frais en libre-service, suivi par le groupe Carrefour (21,9%). Le groupement Les Mousquetaires (16,9%), qui regroupe les enseignes Intermarché et Netto, s'est récemment associé à Auchan et Casino au sein d'une même alliance aux achats, baptisée Aura Retail, pesant un tiers de la distribution.

Pour un industriel, à plus forte raison une PME, impossible de disparaître des rayons de l'une des grandes enseignes – s'il ne signe pas un contrat, le trou est béant dans son chiffre d'affaires. "Comment dire non à un distributeur qui peut peser 20% de son chiffre d'affaires?", s'interroge Jérôme Foucault.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV