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"On était le premier producteur européen de médicaments il y a 15 ans, on est passé à la sixième place": le patron de Novartis France alerte sur la perte de compétitivité du pays

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Invité de Good Morning Business lundi matin, le PDG de Novartis France Thibaut Victor-Michel a alerté contre la perte de compétitivité du pays en matière de production et d'accès aux médicaments les plus innovants.

Les industriels du médicament attendent aussi une rupture claire. Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) "s'annonce catastrophique" selon le Leem, le syndicat représentatif des laboratoires pharmaceutiques en France, Thibaut Victor-Michel, PDG de Novartis France, appelle à un changement de paradigme.

"Le médicament est un sujet essentiel, c'est un sujet de souveraineté sanitaire, un sujet de santé publique et c'est un sujet de compétitivité", a-t-il d'abord plaidé au micro de Good Morning Business ce lundi 6 octobre.

Des baisses de prix de plus en plus importantes

"Et si on regarde la politique du médicament ces quinze dernières années, ça a été deux choses. D'un côté, des baisses de prix systématiques année après année, et d'un autre côté, ça a été une augmentation des taxes, avec des taxes qui s'empilent", a-t-il soulevé.

Cela fait en effet plusieurs années que le secteur pharmaceutique est frappé de baisses de prix décidées dans le cadre des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). D'un peu plus de 600 millions d'euros en 2021, ces baisses de prix dépassent désormais le milliard d'euros en 2025. Ces baisses de prix s'accompagnent d'une restructuration du marché à la faveur d'une prédominance des médicaments génériques, ces copies des médicaments princeps (de marque) dont les prix sont environ 30% moins chers. Une telle politique s'applique dans le but de limiter le volume des remboursements dans les dépenses de l'Assurance maladie.

Et ce n'est pas tout: les labos s'acquittent aussi une clause de sauvegarde lorsque le chiffre d'affaires réalisé sur les médicaments remboursables par la Sécu augmente plus vite que le taux de progression défini chaque année dans la loi. Alors qu'elle s'élevait à 1,6 milliard d'euros l'année dernière, elle devrait cette année grimper à 1,8 milliard d'euros dans le prochain budget de la Sécu pour 2026.

Un accès dégradé aux médicaments innovants

Conséquence selon les industriels, la France devient de moins en moins attractive. "On a une perte de compétitivité, on était le premier producteur européen de médicaments il y a quinze ans, on est passé à la sixième place. Et on était le premier en recherche clinique, on est passé à la troisième place". Résultat, l'accès aux médicaments les plus innovants se dégrade.

"Sur 10 médicaments qui ont une AMM (autorisation de mise sur le marché, NDLR) en Europe, il n'y en a que six qui sont disponibles en France, contre 9 en Allemagne et 8 en Italie. Il y a vraiment urgence à changer cette trajectoire de la politique économique en France", a souligné Thibaut Victor-Michel.

Il faut dire que le processus pour commercialiser un médicament innovant est très encadré en France. Car l'autorisation de mise sur le marché européenne ne garantit pas à elle seule la disponibilité d'un traitement prometteur dans l'Hexagone.

Thierry Hulot (Président du LEEM - Président des activités du groupe Merck en France) : Médicaments, le LEEM veut des états généraux – 23/09
Thierry Hulot (Président du LEEM - Président des activités du groupe Merck en France) : Médicaments, le LEEM veut des états généraux – 23/09
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Pour être remboursé par l'Assurance maladie notamment, il faut que le traitement soit soumis à l'avis de la Haute autorité de santé qui évalue le service médical rendu (SMR), et notamment l'amélioration du service médical rendu (ASMR) par rapport à d'autres traitements existants et commercialisés sur le marché français. L'instance préconise ensuite un taux de remboursement, correspondant en général au niveau d'efficacité du médicament: 15% si le SMR est faible, 30% s'il est modéré, 65% s'il est majeur ou important et 100% s'il est considéré comme irremplaçable et coûteux.

"La grande logique des industriels du médicament, c'est d'investir là où l'innovation est reconnue. Si on veut être une terre où on fait des investissements recherche, une terre où on fait de la recherche clinique, une terre où on construit des usines, il faut être une terre qui reconnaît la valeur du médicament", a renchéri le PDG de Novartis France.

En 2021 pourtant, un dispositif d'accès précoce avait été mis en place de façon à faire bénéficier aux patients les traitements les plus innovants, avant même que l'agence européenne des médicaments ne délivre officiellement une autorisation de mise sur le marché (AMM). Mais selon Thierry Hulot, président du Leem et diganostiqué d'un lymphome, "depuis le début de l'année, il n'y a eu que deux accès précoces autorisés". Il faut dire que la dérive du déficit de la Sécu incite les pouvoirs publics à revoir toujours à la baisse les prix des médicaments, et donc se serrer la ceinture en matière de financement des traitements innovants.

"On ne peut pas avoir les prix les plus bas d'Europe, la fiscalité la plus élevée d'Europe, et imaginer derrière que les grands industriels vont investir en France. Il y a quelque chose qui ne marche pas", a insisté Thibaut Victor-Michel.
Caroline Robin