Les médicaments sont 4 fois moins chers qu'aux Etats-Unis: comment l'obsession française du prix prive les malades des médicaments les plus innovants

Les labos haussent le ton. Lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, Thierry Hulot, le président du Leem, le syndicat des industries pharmaceutiques a alerté contre les baisses de prix des médicaments qui rendent la France moins attractive. Dans un contexte marqué par l'instabilité politique et des volontés d'économies massives pour redresser les finances publiques de l'État, le prochain budget de la Sécu pour 2026 "s'annonce catastrophique", a déclaré celui qui est également PDG de Merck dans l'Hexagone.
"On va arriver à une baisse record du niveau des prix", a-t-il insisté. "On peut dire ce qu'on veut, en France en moyenne, les prix des médicaments sont les plus bas d'Europe, ils sont même quatre fois plus bas qu'aux États-Unis.
Cela fait plusieurs années que le secteur pharmaceutique est frappé de baisses de prix décidées dans le cadre des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). D'un peu plus de 600 millions d'euros en 2021, ces baisses de prix dépassent désormais le milliard d'euros en 2025.
Et à ces baisses, s'ajoute une clause de sauvegarde que les laboratoires doivent régler lorsque le chiffre d'affaires réalisés sur les médicaments remboursables par la Sécu augmente plus vite que le taux de progression défini chaque année dans la loi. Alors qu'elle s'élevait à un "montant déjà historique" de 1,6 milliard d'euros l'année dernière, elle devrait cette année grimper à 1,8 milliard d'euros dans le prochain PLFSS.
L'accès aux médicaments innovants s'est dégradé
Thierry Hulot a aussi, et surtout, été particulièrement critique en matière d'accès aux médicaments innovants. Partageant à la fois son point de vue d'industriel et de patient (il a été diagnotiqué d'un lymphome en début d'année), il a souligné que "depuis le début de l'année, il n'y a eu que deux accès précoce autorisés".
Cette procédure initiée en 2021 permet pourtant aux patients de bénéficier de traitements prometteurs avant même l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché (AMM).
"On était pourtant très fiers, en sortie du Covid, de l'accès précoce qui avait permis de traiter plus de 100.000 patients en impasse thérapeutique".
D'après les chiffres du Leem, seuls 60% des nouveaux médicaments ayant eu une AMM octroyée entre 2020 et 2023 sont disponibles en France au 31 décembre 2024. C'est six points de pourcentage en moins par rapport aux médicaments autorisés entre 2016 et 2019, dont 66% étaient disponibles fin 2020.
En matière d'accès précoce aux médicaments innovants, la France se classe avant-dernière du top 5 européen: seuls 39% des médicaments innovants font l'objet d'un accès précoce en France, loin derrière l'Allemagne (70%), l'Italie (61%) et le Royaume-Uni (50%).
Il faut dire que les nouveaux médicaments, qu'ils soient en accès précoce ou déjà autorisés, sont particulièrement coûteux. Dans une enquête publiée le 18 septembre, l'association de consommateurs UFC Que choisir a notamment dénoncé la flambée des prix des anticancéreux. Elle cite en exemple le Keytruda, l'anticancéreux le plus vendu au monde et dont le remboursement a coûté plus de 2 milliards d'euros en France en 2024, soit 5,2% des dépenses de la Sécu en matière de médicaments remboursables. Et le prix de ce traitement ne devrait pas baisser avant quelques années puisque son brevet lui assure un monopole jusqu'en 2031.
Mais le Leem se défend de ces pratiques tarifaires: "Il faut bien que l'investisseur récupère son investissement, sinon il n'y a plus d'innovation. Ce sont des investissements extrêmement importants, sur plus de dix ans, environ 3 milliards d'euros d'investissements sur chacune de ces innovations", a plaidé Clarisse Lhoste, présidente de MSD France et administratice du Leem.