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Nouveau bras de fer entre Vincent Bolloré et ses petits actionnaires

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Le groupe Bolloré a lancé une vaste réorganisation de ses holdings avec trois retraits de la Bourse de Paris. Des fidèles investisseurs de la famille Bolloré s’insurgent d’être mal traités.

C’est une tradition chez Vincent Bolloré, chaque opération boursière donne lieu à des batailles avec ses petits actionnaires. Le mois dernier, des investisseurs ont contesté la scission de Vivendi entre Canal+, Havas et Lagardère. Cette fois, le propriétaire du groupe Bolloré a lancé un meccano plus discret mais encore plus complexe. Une vaste réorganisation de son empire familial lui permettra de mettre la main sur la totalité des 200 millions d’euros de dividendes annuels du groupe et ses 6 milliards d’euros de cash.

Cette simplification passe par trois retraits de la Bourse de Paris de sociétés cotées aux noms exotiques: Compagnie du Cambodge, Société industrielle de l’Artois et Financière Moncey. Cette galaxie de holdings, qui s’entremêlent les unes entre les autres, contrôlent aujourd’hui 66% du groupe Bolloré. L’industriel breton, qui les détient indirectement à plus de 95%, va les retirer de la Bourse de Paris.

Mais une dizaine d’actionnaires individuels, détenteurs de quelques pourcents de leur capital, critiquent les conditions financières des offres. Cette "expropriation" qui doit se payer au juste prix, selon Jean-François Delcaire, qui détient 10 millions d’euros dans la Compagnie du Cambodge à travers le fonds HMG Découvertes qu'il gère. Lui et les autres actionnaires estiment que leur valeur est deux à trois fois supérieure au prix proposé par Vincent Bolloré. Lui s’est basé sur leurs cours de Bourse qui subissent d’importantes décotes. Contacté, le groupe Bolloré n’a pas souhaité commenter.

Des courriers envoyés à l'Autorité des Marchés Financiers

Depuis trois mois, une trentaine de courriers ont été envoyés à l’Autorité des marchés financiers qui a tapé du poing sur la table. Fin octobre, le régulateur s’est opposé à la nomination de l’expert Accuracy par le groupe Bolloré au motif qu’il n’était pas indépendant. Un veto rarissime pour l’AMF qui "n’a pas apprécié les cotations en Bourse d’Havas et de Canal+ hors de France", selon un proche du dossier.

Tous les yeux sont désormais tournés vers le nouvel expert, Pierre Béal, qui, selon nos informations, doit rendre son rapport dans les jours qui viennent. Contacté, il n’a pas souhaité commenter. Entretemps, le groupe Bolloré a légèrement relevé le prix de ses offres pour calmer le jeu avec ses actionnaires. Mais cela n’a pas suffi. "L’augmentation du prix est très faible compte tenu de la valeur comptable des sociétés, assure Hervé Rousseau", qui dirige la société familiale Vitamine Capital.

"Ces opérations vont coûter 300 millions d’euros au groupe Bolloré, ce qui est peu compte tenu de l’augmentation de valeur qui suivra."
La galaxie Vivendi perd de la valeur depuis sa scission – 20/12
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Leur objectif: rester chez Bolloré

Les minoritaires estiment que cette kyrielle de holdings contrôle la moitié du groupe Bolloré. Et que leur "débouclage" va doubler son cours de Bourse. À défaut de prendre du cash, ils veulent rester dans l’aventure aux côtés de Vincent Bolloré. L’homme d’affaires leur propose aussi d’échanger leurs titres contre des actions Universal Music Group (UMG). "La plupart des actionnaires préfèrent des actions plutôt que du cash pour ne pas être taxés", explique Jérémy Allam, un des frondeurs qui dispose de plusieurs millions d’euros dans ces sociétés.

"Mais nous préférons des actions Bolloré aux actions Universal pour continuer à profiter de sa création de valeur."

C’est tout le paradoxe: ces frondeurs sont aussi des afficionados de Vincent Bolloré qui le suivent depuis parfois 30 ans. Hubert Jeannin-Naltet compte plusieurs dizaines de millions d’euros dans ces holdings héritées de la Banque Rivaud, que le raider breton avait prise d’assaut dans les années 90.

Gaël Birotheau, lui, ne veut pas insulter l’avenir. Sa fortune familiale, dont il a hérité, est dispersée un peu partout dans l’empire Bolloré depuis 35 ans. Il a aussi suivi Vincent Bolloré dans ses raids sur Havas, Lagardère et récemment Rubis grâce auxquels il a gagné beaucoup d’argent. Il a écrit fin décembre à l’expert indépendant Pierre Béal en espérant que sa pression poussera le patron du groupe Bolloré à faire un dernier effort.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business