"Les mots employés sont choquants": la réponse de Philippe Varin (Suez) à Antoine Frérot (Veolia)

Philippe Varin, président de Suez veut "convaincre" le gouvernement "que sur le fond, ce projet a des failles" - ERIC PIERMONT
Le bras de fer se poursuit. Jeudi matin, le PDG de Veolia, Antoine Frérot, qui cherche à mettre la main sur Suez en rachetant les parts du groupe détenues par Engie, a qualifié sur BFM Business de "pitoyable" la décision de son rival de créer un dispositif juridique compliquant fortement toute cession de sa branche Eau française.
Interrogé dans Les Echos, le président du conseil d'administration de Suez, Philippe Varin, a tenu à répondre à la charge du dirigeant de Veolia qui l'a accusé de "trahison".
"Il ne sert à rien d'hystériser la relation. Nous avons deux groupes industriels qui doivent garder leur sang-froid (...)", a-t-il déclaré, estimant que "les mots employés" par Antoine Frérot sont "choquants" et "très émotionnels, ce qui n'est pas propice à un débat serein".
"D'une manière générale, le caractère outrancier du vocabulaire peut cacher une faiblesse de l'argumentation", a-t-il ajouté.
Selon lui, "c'est un plus" d'avoir "deux leaders dans des services essentiels". "Je ne vois pas où est le problème! Les deux sociétés ont des stratégies différentes et divergentes. Et je pense que c'est mieux pour la France", a-t-il dit.
"Pas de conséquence fiscale ou sociale"
Sur le fond du dossier, Philippe Varin a assuré avoir entendu "beaucoup de choses n'ayant rien à voir avec la réalité". Pour rappel, Antoine Frérot a reproché aux dirigeants de Suez de vouloir transférer les activités "Eau France" du groupe aux Pays-Bas pour la rendre "inaliénable" et ainsi empêcher sa cession par Veolia qui prévoyait de la céder au fonds Meridiam pour répondre à la législation de la concurrence.
"Nous transférons à une fondation indépendante de droit néerlandais deux actions de nos filiales concernées par l'activité Eau France de Suez. Pour la filiale Suez Eau France, c'est ainsi seulement une action sur les 42 millions existantes. Il n'est donc pas question de transfert de dividendes à l'avenir, et il n'y a donc aucune conséquence fiscale ou sociale", a-t-il expliqué.
Philippe Varin a ainsi indiqué qu'il n'y avait "pas de transfert d'actifs" et que "le seul objectif (était) d'empêcher l'alinénation -c'est-à-dire la cession- de Suez Eau France, qui ne sera possible qu'avec l'accord du conseil d'administration de Suez". Et de préciser: "S'il devait y avoir un changement de contrôle au sein de Suez, la cession serait impossible".
"Cette fondation n'empêche pas une prise de contrôle"
Il a affirmé que cette opération avait pour unique but de "protéger un actif coeur, un actif clé du groupe" mais qu'elle n'empêchait "en aucun cas une OPA sur Suez". "Ce n'est donc pas une pillule empoisonnée. Cette fondation n'empêche pas une prise de contrôle, mais elle empêche un démembrement de Suez", a martelé Philippe Varin. Par ailleurs, cette "mesure de préservation" va permettre au conseil d'administration de Suez, jusqu'alors exclu des discussions, de revenir "dans la boucle de décision".
"Si on pense que l'initiative d'une fondation est agressive, il faut mettre ça en perspective avec le degré d'hostilité de l'offre de Veolia à Engie et le fait que Suez a été mis hors de la boucle, alors que ce qui est en cause, c'est le sort de l'avenir de dizaines de milliers de collaborateurs et d'un grand groupe industriel, leader mondial", a-t-il prévenu.
Répondant enfin aux accusations d'Antoine Frérot qui reproche aux dirigeants de Suez de vouloir "démanteler" l'entreprise via de multiples cessions, Philippe Varin a rappelé qu'il ne s'agissait que de l'application du plan stratégique du groupe présenté en octobre 2019. "Assimiler cela à un démantèlement, c'est inapproprié, un gros abus de langage. En revanche, la proposition de Veolia, elle, implique un vrai démantèlement pour des raisons de concurrence et d'abus potentiel de position dominante", a conclu le président de Suez.