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TOUT COMPRENDRE - Grippe aviaire: comment les autorités tentent d'endiguer sa propagation fulgurante?

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L’épidémie de grippe aviaire est de retour. Un million de volailles du Sud-Ouest pourraient être abattues pour empêcher la progression du virus. Les éleveurs s'inquiètent des conséquences économiques de ces abattages.

L’Etat projette de réaliser un “dépeuplement préventif” sur les volailles françaises. 1,3 million d’animaux sont concernés, principalement des canards, pour éviter la propagation toujours plus forte de la grippe aviaire.

• Combien d’animaux concernés ?

Canards, poules et dindes sont visés par des abattages préventifs. Si le gouvernement confirme sa volonté d’euthanasier 1.3 million d’animaux supplémentaires, cela portera à 2.5 millions le total de bêtes abattues depuis le début de cette période épidémique fin novembre 2021.

Cette accélération des décisions est due à la brusque progression de la grippe aviaire depuis le début de mois de janvier, dans le Sud-Ouest.

Selon le ministère de l’Agriculture, à la date du 19 janvier 2022, la France compte 231 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en élevage, 22 cas en faune sauvage et 5 cas en basse-cours. Le site du ministère propose une carte des communes, 226 au total, concernées. Elles sont situées principalement au sud des Landes mais aussi dans le Gers et au nord des Pyrénées-Atlantiques.

Selon Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, “il va nous falloir à peu près trois semaines pour assainir la zone”.

• Pourquoi ce chiffre d’1.3 million d’animaux à abattre ?

Pour l’heure, 1.2 million de volailles ont été abattues dans les foyers hautement pathogènes parce qu’elles étaient infectées ou préventivement. Les trois quarts d’entre elles sont des palmipèdes. Mais le gouvernement veut aller plus loin en décrétant un “vide sanitaire”. Dès lors, “sont mises en place des réquisitions d’abattoirs (...) et on fait intervenir un maximum d'acteurs pour dépeupler les élevages”, explique le ministère de l'Agriculture.

En clair, toutes les bêtes des zones concernées doivent être euthanasiées et le lieu d’élevage désinfecté avant que d’autres animaux puissent prendre place. Le nombre de foyers concernés évoluant d’heures en heures, la liste des communes s’allongent et le nombre d’animaux à abattre s’allonge. Pour le moment, les deux tiers de ces foyers sont concentrés dans le sud des Landes, territoire dense en exploitations agricoles, qui compte environ 1300 éleveurs de poulets et 850 de canards. Cette liste est donc provisoire, comme le chiffre de 1.3 million d’animaux supplémentaires à verrouiller

• Quelles conséquences économiques pour les éleveurs ?

Le gouvernement assure qu’à chaque abattage d’animaux depuis le début de l’épizootie fin novembre, les éleveurs sont indemnisés. Pour avoir une idée de ce que pourrait coûter cet épisode encore en cours, nous pouvons nous appuyer sur les précédentes.

Les deux épisodes successifs de grippe aviaire en 2015 et 2017 sont éclairants. La région la plus touchée par le virus était déjà le Sud-Ouest, pays du foie gras. Toute la filière a été touchée par les abattages qui ont concerné près de 600.000 oiseaux, selon l’article scientifique La grippe aviaire : retour sur l’épizootie française (2015-2017). En 2016, la production française a chuté de 28% par rapport à 2015 et s’est repliée de nouveau de 16% en 2017. ITAVI, institut technique de l’Aviculture, un organisme reconnu par l’Etat, assure que “la fermeture des marchés à l’export et la hausse des importations ont entrainées des pertes estimées (...) à 33.1 millions d’euros au premier épisode et à 31.1 millions d’euros au second, pour la filière foie gras française.

Surtout, les pays qui ont gagné des parts de marché sur la France pendant l’épidémie les ont gardés. C’est le cas notamment de la Hongrie et de la Bulgarie.

La diminution des volumes de foie gras a aussi eu une incidence sur le prix. Le consommateur doit débourser plus pour acquérir ce produit de fêtes, ce qui a permis à la filière de se maintenir. Conséquence de cette grippe aviaire: les modes de production ont été remis en cause avec des investissements dans les élevages.

Au total, selon Itavi, ces deux épidémies d’influenza ont coûté plus d’un milliard d’euros (440 millions pour le premier épisode, 580 pour le second). Il s’agit d’une estimation “basse” qui s’appuie sur l’absence de production de volailles et la fermeture des marchés à l’export. L’épisode de grippe aviaire de 2020-2021 devrait être du même ordre de grandeur. L’actuel dépend de la durée et de la propagation de l’épidémie.

• Quels autres précédents en France ?

Outre les épisodes de 2015 à 2017, d’autres vagues de grippe aviaire ont frappé la France. La première d’entre elles se déclare dans l’Ain, en 2006. Un canard mort retrouvé est considéré comme le premier cas d’infection. 5 jours plus tard, la présence du H5N1 est confirmée dans un élevage de 11.000 dindes, toujours dans l’Ain. Les bêtes sont euthanasiées.

Ce même virus réapparaît en 2017, dans l’Est. Trois cygnes sont découverts en Moselle. Le gouvernement décide alors de renforcer les mesures de prévention contre le risque de contamination des élevages.

Les épidémies de 2015 et 2016 instaurent le principe de “vide sanitaire”. Un protocole à nouveau mis en place en décembre 2020. 15 départements sont cette fois touchés, principalement dans le Sud-Ouest, obligeant à l’abattage de 3.5 millions de volailles.

Moins d’un an après, une nouvelle alerte est lancée après des cas détectés dans des basses-cours des Ardennes et de l’Aisne. L’épidémie se déplace dans le Nord puis, à la fin de l’année dans un élevage de canards du Gers et dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, départements actuellement au coeur de cet épisode de grippe aviaire.

Alors que plus de 200 élevages sont touchés en France, le ministre de l’Agriculture estime qu’il n’y aura “pas d’autre solution à terme” que de vacciner les élevages contre cette maladie.

Sofiane Aklouf (avec AFP)