Relocalisation stoppée par l'Etat: le PDG de Mercier se dit victime d'un "lynchage"

Un vélo Mercier - Mercier
"Des faits suffisamment graves pour considérer en responsabilité qu'il n'est pas possible d'engager de l'argent public". Il y a quelques jours, le couperet est tombé: l'Etat au départ enthousiaste a décidé de retirer son soutien au projet de relocalisation de la production des vélos Mercier à Revin, dans les Ardennes.
Interrogé par BFM Business, le PDG de la société, qui est également à la tête du fonds d'investissement luxembourgeois Starship Investments qui a racheté Mercier ne cache pas sa "colère" et son "incompréhension". Jean-Marc Seghezzi estime que "rien n'est clair, ni précis":
"On se moque du monde! Une telle volte-face compte tenu de l’avancement et de l’engagement de tous les acteurs de cette ré-industrialisation est inacceptable. Les annonces de l’Etat sont insuffisantes."
Le responsable dénonce en effet l'explication lapidaire de la BPI (Banque publique d'investissement) pour motiver ce refus: " des candidatures nombreuses, de très haut niveau de qualité avec critères et objectifs établis". Et celle du Préfet des Ardennes: "un certain nombre de points d’alerte sont remontés, des investigations complémentaires ont été demandées".
"Je suis en colère"
Se félicitant que le président de la région Grand Est, Jean Rottner et d'autres élus locaux demandent à l’Etat de faire marche arrière, Jean-Marc Seghezzi souhaite "obtenir un rendez-vous avec le cabinet du Premier ministre".
Le dirigeant rappelle qu'en octobre 2020, Bercy lui avait promis "son soutien et un accompagnement garanti pour les cycles Mercier, marque française centenaire" tout en le dissuadant d'opter pour une fabrication dans un autre pays de l'UE, "plus viable pour un industriel". Une aide de 800.000 euros devait compléter son investissement de 2,4 millions d’euros pour créer l’usine.
"Aujourd’hui, je suis en colère", insiste-t-il, dénonçant ce qu'il appelle "un abandon voire un lynchage". D'autant que, selon lui, tout était prêt pour mener à bien ce projet débouchant sur la création de 270 emplois d'ici cinq ans dans une région particulièrement touchée par les délocalisations et la désindustrialisation.
Et de mettre en avant les multiples étapes qu'il avait finalisées:
"Dispositif Bassin d'Emploi à Redynamiser (B.E.R.) validé, lettres de confirmation des aides d’états plan de relance, des aides régionales, européennes etc... Un plan de réhabilitation et d’implantation industriel (de la friche Porcher polluée abandonnée depuis plus de 10 ans) (...) investissement et commandes de la machinerie fait, le tout financés par mes soins. Les premières démarches d’embauches avaient démarré avec Pôle emploi, région et local, les centres de formations, etc..."
Acusations "diffamatoires et erronées"
Selon le quotidien Le Monde, "l’enquête a mis en évidence les participations du porteur de projet dans des sociétés offshore, ainsi qu’une entorse, il y a plusieurs années, à une réglementation européenne concernant l’importation de vélos: l’entrepreneur (Jean-Marc Seghezzi, NDLR) aurait contourné des droits de douane antidumping concernant les vélos venant de Chine, en faisant croire que les vélos venaient du Sri Lanka, par l’intermédiaire de sociétés créées dans ce pays".
Bercy estime que "sur l’opportunité d’un projet de relocalisation de vélos par quelqu’un dont il a été démontré qu’il s’était pendant de longues années livré à des importations frauduleuses de vélos chinois, cela peut paraître à contre-emploi".
Pour Jean-Marc Seghezzi, ces accusations sont "diffamatoires et erronées".
Interrogé par Le Point, Jean-Luc Warsmann député (indépendant) des Ardennes va dans le même sens: "J’ai demandé s’il existait des décisions de justice définitives contre M. Seghezzi: personne ne m’a répondu! Et concernant le contentieux antidumping, un arrêt de la Cour de justice européenne du 19 septembre 2019 donne raison à M. Seghezzi! Cette manière d’agiter des rumeurs pour tenter de discréditer quelqu’un auprès des élus n’est pas digne d’un État de droit. Il existe un élémentaire devoir de respect du principe du contradictoire…".
Comme lui, des élus de la région dénoncent "l'amateurisme" du gouvernement dans ce dossier qui a pourtant suscité beaucoup d'espoir.