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Nissan négocie au prix fort son entrée dans la filiale électrique de Renault

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Le constructeur français a besoin de Nissan pour lancer sa nouvelle société spécialisée dans l’électrique. Il lui fait miroiter une remise à plat de l’Alliance, demandée par les Japonais depuis l’affaire Ghosn.

Nissan a une occasion unique de se séparer de Renault. Hier, les deux entreprises ont confirmé avoir engagé des discussions sur l’avenir de l’Alliance qui dure depuis vingt ans. L’entourage de Renault reconnait être prêt à étudier une baisse de sa participation dans Nissan. Un tabou depuis l’éclatement de l’affaire Ghosn, fin 2018. Aujourd’hui, Renault détient 43% du constructeur japonais qui, lui, ne détient que 15% du losange, sans droits de vote associé.

La proposition de Renault illustre sa volonté très forte de "nous convaincre d’investir dans leur filiale électrique", explique une source proche du constructeur nippon.

Son patron Luca De Meo veut loger dans une même société les activités liées aux véhicules électriques, aux batteries et aux logiciels dédiés. Selon nos informations, Renault espère valoriser sa filiale de 10.000 salariés à 10 milliards d’euros lors de son introduction en Bourse l’an prochain. Le constructeur conservera au moins 51% du capital et espère lever sur les marchés plusieurs milliards d’euros afin de financer les investissements dans l’électrique.

L'ombre de Google

Pour convaincre les investisseurs d’investir dans cette filiale, baptisée "Ampère", Renault a besoin de Nissan. Il souhaite que son partenaire investisse environ 1 à 1,5 milliard d’euros pour environ 15% du capital. "Renault ne peut pas faire cette opération seul", tranche un proche de Nissan conscient du rapport de force qui leur est favorable. "C’est mieux s’ils la font avec nous", reconnait-on sobrement dans l’entourage du Losange.

Pour le moment, Nissan temporise pour faire monter les enchères. Il y a encore un an, Renault était prêt à baisser sa part de 43% à environ 30% au capital. Aujourd’hui, Nissan réclame qu’il descende encore plus bas, à 15%. La technologie est aussi au cœur des discussions. Il y a deux ans, Nissan avait refusé de partager la sienne dans l’électrique, se bornant à mutualiser avec Renault les usines de construction comme à Douai. "Nissan n’est toujours pas prêt à partager sa technologie, assure cette source, encore plus avec Google".

Le géant américain de la tech a signé en 2020 un partenariat remarqué, et très critiqué, avec Renault pour fournir le système Android dans ses véhicules. La rumeur circule que Renault a même envisagé de le faire entrer au capital de sa future entité, Ampère, ce que dément le groupe. "Il n’en a jamais été question", assure un proche de la direction.

Renault ne bradera pas ses parts dans Nissan

Chez Nissan, on souligne aussi qu’il n’y aucun intérêt à être actionnaire de la filiale 100% électrique de Renault et de rester dans le même temps au capital de Renault. C’est l’autre caillou dans la chaussure du camp français: Nissan milite pour un rééquilibrage complet des relations avec Renault mais aussi avec l’Etat français. Il détient 15% du capital de Renault, comme Nissan, mais le Japonais ne dispose d’aucun droit de vote.

"Toutes les règles de gouvernance vont être revues, reconnait un proche de l’Alliance. Le projet Ampère est l’occasion de tout remettre à plat".

L’accord global entre Renault et Nissan devra donc aussi être validé par un accord politique entre les gouvernements français et japonais.

Pour autant, Renault entend bien ne pas "brader" sa part de près de 30% qu’il sera amené à vendre dans Nissan. Ses 43% du capital sont valorisées à un cours compris entre 1000 et 1200 yens alors que le cours de Bourse cote sous 500 yens… "On ne va pas vendre à perte", souligne un proche de Renault. L’idée serait de mettre un place un mécanisme de vente d’actions sur plusieurs années qui se déclenche en fonction du niveau du cours de Bourse. Ce bloc de 30% serait ainsi géré comme une réserve financière, utilisée selon les besoins de financement de la filiale Ampère. Un sauvetage de Renault par son partenaire qui signera la fin de l’Alliance. En écho à celui de Nissan par le Losange il y a 20 ans, qui donna naissance à l’Alliance.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business