Scinder Renault en deux, une opportunité pour relancer l'Alliance avec Nissan?

L’épisode pourrait s’intituler "Retour vers le Futur". Luca de Meo, directeur général de Renault, l’a confirmé ce mardi, il est bien question d’accélérer encore la création de valeur au sein du groupe Renault. Au cœur de cette réflexion, une scission entre les activités thermiques et électriques du constructeur, évoquée pour la première fois lors de la présentation des résultats financiers du groupe en février.
Cette activité véhicules électriques pourrait à nouveau être regroupée dans une entité de développement unique, comme à l’époque Ghosn (Renault ZE, chargé spécifiquement du développement des Zoé, Twizy et Kangoo électrique). Mais avec des objectifs sans doute encore plus ambitieux qu’à l’époque en termes de création de valeur.
"Une scission de l’activité et une cotation en bourse à part? C’est la piste à laquelle on réfléchit, dit Luca De Meo, interrogé hier lors d’un évènement organisé par le Journal de l’Automobile, comme le précise l'agence Reuters. Le véhicule électrique, c’est une autre technologie, c’est un business bien spécifique, et ça mérite un périmètre d’organisation spécial. Ca va permettre de montrer au monde qu’on fabrique de très bonnes voitures électriques".
En clair: créer plus de valeur. Et surtout attirer les investisseurs alors que l'action Renault a perdu 37% depuis un an.
Retrouver la "Poule aux Œufs d’Or"
Il faut rappeler qu’après l’affaire Ghosn et la reprise en mains opérationnelle du constructeur par Thierry Bolloré, Renault avait, étonnement, décidé de réintégrer le pôle Renault ZE au sein de l’ensemble de sa gamme. Le constructeur a lancé une Twingo électrique, voiture qui on le savait à l’époque était déjà en fin de vie, a confié à Dacia la construction de son petit SUV électrique Spring, des versions hybrides rechargeables de certains best-sellers comme la Clio ou le Captur sous le label E-Tech… puis la Mégane 100% électrique sortie récemment, sans compter la promesse d’une nouvelle R5 électrique. Mais le tout au milieu de tout un tas de projets et de nouvelles sorties thermiques également. Un sentiment de confusion qui a pu dérouter en interne, et sans doute les investisseurs financiers, estimant que Renault avait peut-être, en quelque sorte, tué sa poule aux œufs d’or.
Grâce à cette réflexion en cours, Luca de Meo donnerait une première réponse convaincante à la question du moment, comment faire passer Renault de statut de constructeur de flux à constructeur à marge. Grâce à cette meilleure valorisation des activités électriques, il pourrait ainsi avoir un contrôle bien meilleur des flux financiers, des stratégies d’avenir et de la rentabilité, surtout sur un marché européen où il a tout intérêt à se recentrer pour résister notamment à Stellantis et Volkswagen.
Motorisation thermique: l’option Nissan?
Mais pour financer cette transition et ce reformatage et de croissance qui demande beaucoup de moyens, il faut bien sûr assurer le quotidien, et la vente de véhicules de flux, en l’occurrence à motorisation encore largement thermique. Et là, Luca de Meo propose de déclencher le 2ème étage de fusée. Pourquoi ne pas regrouper les activités moteurs thermiques (et/ou hybrides) et les mettre sous la responsabilité de Nissan?
Même si le partenaire japonais de Renault a lui aussi largement entamé sa transition électrique, et reste le constructeur de la Nissan Leaf, historiquement première expérience réussie en termes de voiture mondiale de production de masse zéro émission, en réalité les ventes de Nissan sont toujours dans leur écrasante majorité des ventes de voitures thermiques, sur des marchés où Renault n’a plus trop intérêt à intervenir.
"Nous discutons avec notre partenaire pour arriver à des synergies plus fortes à ce niveau. On veut trouver un accord, soit avec Nissan s’ils veulent sauter dans le train, soit avec d’autres investisseurs de long terme", affirme Luca de Meo ce sujet.
Vers une organisation bipôle?
L’idée finale, déjà évoqué en février dernier, étant d’arriver également à une entité spécifique qui aurait en charge les activités thermiques et hybride. Et au vu de son expérience à ce niveau, on peut aussi imaginer une intensification des coopérations et des synergies avec le "petit" partenaire de l’alliance, Mitsubishi, à la technologie hybride rechargeable largement éprouvée. D’une pierre deux coups, Luca De Meo raviverait ainsi l’Alliance, en redéfinissant les rôles de chacun, Renault garant de la marge et de la montée en gamme, avec du coup des coopérations technologiques consolidées avec Nissan et Mitsubishi… Et peut-être d’autres.
Renault ainsi précise ainsi le cap et ses choix en matière de création de valeur, et le signal, attendu depuis bien longtemps par la communauté financière, est sans doute un pas décisif dans une direction bien meilleure avec plus de cohérence industrielle. Un horizon prometteur de nature à faire oublier les "tracasseries" de court terme, entre pénurie de composants, fluidité de la chaine d’approvisionnement et exposition au marché Russe. Pour mémoire, le titre Renault en bourse perd 27% depuis le début de l’année, contre un indice sectoriel qui n’en perd que 15.