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"N'allez pas croire qu'on dort bien la nuit": le patron d'Arcelormittal France s'explique sur le dernier plan social annoncé

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Alain Le Grix de la Salle a été auditionné par une commission d'enquête parlementaire sur les licenciements devant laquelle il a insisté sur "la nécessité d'adapter l'organisation" du sidérurgiste à son marché alors que la demande d'acier a fortement baissé depuis dix ans.

C'était une audition parlementaire particulièrement attendue par les organisations syndicales. Mardi à la mi-journée, le président d'Arcelormittal France Alain Le Grix de la Salle a répondu aux questions des députés de la commission d'enquête sur les licenciements. Une audition qui survient à peine un mois après l'annonce d'un plan social envisagé par le sidérurgiste pour la France et qui prévoit la suppression de quelque 636 postes à travers 7 sites industriels, dont une partie dans le cadre d'une délocalisation de 1.400 postes postes des fonctions supports de l'Europe vers l'Inde. "Prendre une décision de restructuration est lourde de conséquences", a souligné le patron.

"Quand vous prenez cette décision et que vous n'avez pas d'autres solutions, c'est quelque chose de très difficile et n'allez pas croire qu'on dort bien toutes les nuits."

Alain Le Grix de la Salle a rappelé que si le groupe réalise des bénéfices au niveau mondial, ce n'est pas le cas sur la zone française. "Quand vous avez revérifié toutes les mesures possibles et imaginables pour corriger la situation, vous en venez à prendre cette décision, a-t-il expliqué. Mais ce n'est pas parce que vous êtes dans un groupe mondial qui fait des résultats que vous ne devez pas la prendre. Vous devez protéger votre base industrielle en France car sinon, c'est l'ensemble qui tombe et la conséquence est beaucoup plus importante."

Chute du marché français et explosion de la production asiatique

Cette situation dont parle le président d'Arcelormittal France est celle d'une demande d'acier qui s'est effondrée en Europe et plus particulièrement dans l'Hexagone où elle est passée de 9 millions de tonnes en 2007 à seulement 3,8 millions de tonnes l'année dernière. "Aujourd'hui, nous ne pouvons plus compenser la baisse d'activité en France et en Europe par de l'exportation, estime le dirigeant. Même si nous avons des quotas de CO2, ceux-ci ne couvrent pas la totalité de nos émissions donc nous payons des droits de CO2."

"Il est devenu quasiment impossible pour nous d'exporter des commodités du fait de la structure de nos coûts et des surcapacités mondiales. Nous payons le CO2, pas les autres pays : les règles ne sont pas homogènes."

"On est dans un environnement mondial extrêmement difficile de surcapacités astronomiques : 550 à 600 millions de tonnes, a-t-il ajouté. C'est un phénomène structurel qui n'est pas prêt de s'arrêter. Vous avez plus de 550 millions de tonnes de capacités actuellement en construction en Asie du sud-est. Dans 80% des cas, les Chinois font partie de ces sociétés."

"Toujours en dernier recours"

Avant d'évoquer le récent plan social, Alain Le Grix de la Salle a tenté de mettre en avant la résistence des effectifs d'Arcelormittal France malgré le fort recul du marché français. "En 2014, Arcelormittal comptait 17.200 salariés et en 2024, 15.400 soit une baisse de nos effectifs d'environ 10% en dix ans, a-t-il assuré. Lorsqu'on enlève les variations de périmètres, les entrées et les sorties d'entités, la baisse réelle de nos effectifs à périmètres constants est de 900 personnes, soit une baisse réelle sur 10 ans de 5% alors que le marché a baissé de plus de 50% en France."

"Si les effectifs n'ont pas suivi la baisse du marché français, c'est parce que nous faisons partie d'un groupe [...] Les sites français arrivent à compenser la baisse d'activité en locale par des expéditions en Europe. Pour Dunkerque et Fos, 20 à 25% des expéditions se font sur la France et plus de 60% sur l'Europe."

Le dernier projet de réorganisation d'Arcelormittal France Nord est la conséquence de trois facteurs cumulés : des effectifs stables, une baisse de volume de production de l'ordre de 30% et une augmentation des coûts de production de 32%. "Les suppressions de postes ou les licenciements, lorsqu'ils ont lieu, interviennent toujours en dernier recours, lorsque tous les outils dont nous disposons ont été utilisés, insiste le dirigeant. Ce sont des décisions très difficiles à prendre qui impactent des collaborateurs, des familles et nous en sommes tout à fait conscients."

"Prêts à nous engager sur le long terme"

Le président d'Arcelormittal France a toutefois souhaité témoigner de la vision durable du sidérurgiste dans l'Hexagone : "En confirmant notre intention d'investir 1,2 milliard d'euros dans un premier four électrique à Dunkerque afin de lancer la décarbonation de nos sites industriels, nous montrons que nous croyons en l'avenir et que nous sommes prêts à nous engager sur le long terme." Mais il attend également de Bruxelles la mise en place de "mécanismes efficaces de défense commerciale et d'ajustement carbone aux frontières".

D'autant plus que cet investissement conséquent s'ajoute à d'autres récemment annoncés : 254 millions d'euros à Dunkerque, 53 millions d'euros à Fos-sur-Mer et un demi-milliard d'euros pour la nouvelle unité de production à venir d'ici la fin de l'année sur le site de Mardyck.

"Sur les 10 dernières années, hors décarbonation, il n'y a pas eu un tel investissement en Europe et lorsqu'il a été décidé, c'est la France qui a été choisie par Arcelormittal."
Timothée Talbi