Les candidats se multiplient pour racheter des filiales de Suez

Tout le monde se rue sur Suez. Le groupe tente de fédérer autour de lui plusieurs investisseurs capables de monter une offre alternative à celle que Veolia a promis de lancer. L’objectif de Suez est ainsi de proposer une autre offre pour que ses actionnaires tranchent entre Veolia et le projet soutenu par sa direction.
En plus d’Ardian et Antin, déjà présents en septembre, le fonds canadien Brookefields serait sur les rangs, ainsi que le fonds souverains d’Abu Dhabi, Mubadala. En revanche, celui de Singapour GIC, qui était dans le jeu en septembre n’est pas revenu, pour le moment.
Tous les grands fonds d’infrastructures internationaux regardent le dossier", confie une source.
Pour le moment, tous sont dans l’attente. Le PDG de Veolia, Antoine Frérot, a assuré début novembre qu’il lancerait son OPA "quoi qu’il arrive". En attendant, tous ces investisseurs restent très prudents. "Nous voulons un climat apaisé entre Suez et Veolia et que tout le monde sorte pas le haut", explique le patron d’un de ces fonds.
La patronne d’Ardian, Dominique Senequier, a toujours fixé comme ligne de ne pas participer à une bataille boursière. "Il faut d’abord que nous réglions nos problèmes avec Veolia, concède un proche de Suez. Et ce n’est pas gagné".
La tension reste très forte entre les deux groupes. Pour le moment, Veolia n’a aucun droit chez Suez en raison de la suspension du rachat de leur part de 29,9% par la justice. La décision en appel sera rendu ce jeudi. "Si Veolia récupère ses droits de vote, c’est fini", reconnait ce proche de Suez.
Racheter un "petit" Suez
Plusieurs scénarios sont à l’étude. D’abord une offre sur 100% du capital de Suez. Il y a un mois déjà, avant que Veolia ne devienne le premier actionnaire de Suez, Ardian était prêt à proposer un prix de 18,5 voire 19 euros par action. Un montant supérieur à celui de 18 euros que Veolia a finalement payé à Engie pour racheter sa part dans Suez. Aujourd’hui, la donne a changé: le chemin est étroit pour présenter une offre globale sans être hostile à Veolia, alors que le groupe dirigé par Antoine Frérot détient désormais 29,9% de Suez.
Ardian ne se mettra jamais en travers de Veolia, confirme un bon connaisseur du dossier. Il cherche à récupérer les activités cédées pour des raisons de concurrence".
Tous ces fonds visent aussi à s’inviter à la table des négociations avec Suez et Veolia pour récupérer des actifs qui devront être revendus pour éviter un véto des autorités de la concurrence. C’était d’ailleurs déjà l’idée de l’engagement d’Ardian fin septembre. A l’époque, Veolia était prêt à revendre un périmètre de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Selon plusieurs sources, Ardian vise ainsi l’ensemble de Suez Eau France ainsi que des filiales à l’étranger dans l’eau que Veolia ne pourra pas conserver. Un "petit" Suez recentré sur l’eau: des activités régulées et donc aux revenus récurrents et prévisibles, indispensables au modèle de financement des fonds d’investissement. Il s’agit par exemple des activités en Grande-Bretagne ou à Hong-Kong. Ardian lorgne aussi quelques activités plus grandes comme aux Etats-Unis, au Chili ou en Espagne.
Paprec dans les starting blocks
Suez chercherait aussi à conserver ses activités de déchets en France. Même si Ardian ne s’y est jamais vraiment intéressé. Elles sont d’ores et déjà convoitées par un acteur industriel: Paprec. Selon nos informations, le groupe fondé par Jean-Luc Petithuguenin prépare aussi plusieurs scénarios pour proposer de racheter toute ou partie des activités de déchets de Suez en France que l’autorité de la concurrence obligera de revendre.
Il s’agit surtout des incinérateurs de Sita, la filiale de Suez, ou des activités de déchets dangereux. Ceux-ci intéressent aussi le groupe Séché. Dans les déchets toujours, Veolia pourrait aussi devoir céder les activités de Suez au Maroc, en Grande-Bretagne ou en Australie.
Un lien avec la vente de Photonis?
Ces fonds disposent de peu de marges de manoeuvre même s'ils continuent de jouer leur va-tout. Plusieurs sources s’interrogent toutefois sur le double intérêt d’Ardian. Le gouvernement a encouragé, poussé même selon certains, Ardian à entrer dans le jeu pour proposer une alternative de rachat de Suez à Veolia, mi-septembre.
En parallèle, le ministère de l’Economie a refusé qu’Ardian ne vende Photonis, une société du secteur de la défense, à l’américain Teledyne. Une décision qui a provoqué la colère de la patronne d’Ardian Dominique Senequier. Avant que, sans explication, la vente de Photonis soit relancée quelques jours plus tard.
Beaucoup s’étonnent de la concordance des deux processus. "Ardian a demandé à Bercy de débloquer la vente de Photonis en échange de son engagement sur Suez", estiment plusieurs sources. Un scénario formellement démenti par Ardian. Là où Bercy assure que c’est "Teledyne qui a stoppé les négociations avant de revenir. Les conditions du gouvernement n’ont pas changé". Un exemple très révélateur des méandres que prend le dossier Veolia-Suez.