Le Canada va-t-il acheter des sous-marins français?
La méthode Biden crée des remous parmi les alliés de toujours, et pas seulement la France. Bien que faisant parti des "Five Eyes", l'alliance des services de renseignements entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, Ottawa a, comme Paris, découvert brutalement la création du pacte de défense Aukus conclu entre Américains, Anglais et Australiens.
Hasard des calendriers, cette mise à l'écart arrive au moment même où le Canada compte renouveler les quatre sous-marins de classe Victoria achetés aux Britanniques à la fin des années 90. Cet été, le porte-parole de la Marine royale canadienne, Jordan Holder, a annoncé le lancement d'une étude pour l'acquisition de sous-marins patrouilleurs. Emmanuel Macron compte battre le fer tant qu'il est chaud. Le Président français veut rencontrer rapidement le Premier ministre canadien Justin Trudeau pour parler de stratégie dans la zone indo-pacifique, rapporte la presse canadienne.
"Il est très important de se réunir et de tenir une réunion à Paris ou à Ottawa très bientôt, et de discuter de questions stratégiques. Nous sommes impatients de renforcer notre lien transatlantique. Nous entretenons des relations de confiance et d’amitié avec le Canada", a expliqué l’ambassadrice de France à Ottawa, Kareen Rispal, précisant qu'"Emmanuel Macron veut qu’une réunion se tienne avant fin 2021".
Alex Wellstead, porte-parole du gouvernement canadien, a répondu par courriel que "le premier ministre Trudeau a hâte de s’asseoir à nouveau avec le président Macron".
La mésaventure des sous-marin britanniques
Les deux hommes, qui entretiennent de bonnes relations, parleront d'Aukus, de la Chine, mais pas seulement. Ils devraient aussi évoquer le remplacement des quatre sous-marins de seconde main à propulsion diesel/électrique dont le contrat a créé des polémiques entre Londres et Ottawa. Acquis pour seulement 750 millions de dollars par les Canadiens, qui voulaient faire des économies, ces derniers en ont eu pour leur argent comme le rappelle Le Figaro.
Leur remise en état aura finalement coûté 3 et 4 milliards de dollars et les vaisseaux n'ont pas vraiment été opérationnels. Le premier sous-marin n'est en effet entré en service qu'en 2000 et le dernier a pris feu lors de son voyage inaugural en mer d’Irlande en 2004 faisant un mort et plusieurs blessés parmi l'équipage. Il ne prendra finalement de nouveau la mer qu’en 2015. Cerise sur le gâteau, le coût d'entretien pour ces bâtiments, qui ont passé plus de temps en réparation qu'en mer, serait de 300 millions de dollars par an. Les bâtiments sont actuellement en cale sèche.
La France a-t-elle des chances de remporter un contrat? Ce n'est pas gagné. D'abord parce que les liens avec les Américains sont étroits. D'ailleurs, le gouvernement canadien a vite relativisé le pacte Aukus estimant qu'il n'avait été créé que pour vendre des sous-marins à l'Australie. De plus, Ottawa ne compte pas dépenser beaucoup. Le budget Défense du pays ne représente que 1,3% de son PIB, note le Centre d’études et de recherches internationales de Montréal (Cérium).
La France pourrait-elle faire une offre susceptible d'intéresser les Canadiens? Rien n'est perdu. Avec le contrat britannique, les Canadiens ont compris qu'ils devront mettre le prix. Mais surtout, ils veulent disposer rapidement d'une flotte opérationnelle, comme l'a souligné Jordan Holder.
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis auront des difficultés à satisfaire cette exigence. Londres, qui pourrait finalement remporter le contrat Australien, ne pourra pas livrer avant 2040. En reprenant les études menées pour le contrat australien, la France pourrait elle assurer la livraison des bâtiments avec 10 ans d'avance en proposant à Ottawa des sous-marins silencieux de dernière génération indirectement financés par les Australiens.
