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Les Australiens auront-ils un jour les sous-marins nucléaires dont ils rêvent?

Le PDG de Naval Group sera auditionné mardi par deux commissions de l'Assemblée nationales sur l'affaire des sous-marins australiens

Le PDG de Naval Group sera auditionné mardi par deux commissions de l'Assemblée nationales sur l'affaire des sous-marins australiens - Naval Group

L'Australie envisagerait de signer un contrat avec les Britanniques qui lancent un programme de modernisation de leurs sous-marins nuclaires d'attaque. La situation de Canberra devient de plus en plus complexe et onéreuse.

La stratégie navale de l'Australie prend l'eau alourdie par le pacte Aukus signé avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Après avoir cassé un contrat pour douze sous-marins à propulsion hybride (thermique/électrique) passé avec Naval Group pour acheter des modèles nucléaires américains de classe Virginia, Canberra pourrait en fait changer de cap, selon une presse australienne de plus en plus dubitative sur la stratégie du Premier ministre Scott Morrison. L'Australie pourrait finalement opter pour des sous-marins britanniques.

Il s'agirait de la nouvelle génération de la classe Astute produit par BAE et Rolls Royce. L'affaire semble moins improvisée qu'en apparence. Le 17 septembre, soit deux jours après la rupture du contrat avec la France, Londres a attribué à chacune des deux entreprises un contrat de 85 millions de livres, soit 100 millions d’euros, pour concevoir ses nouveaux SNA (sous-marin nucléaire d'attaque), selon un communiqué de la Royale Navy. A en croire la presse anglo-saxonne, ce sont au final ces tout nouveaux sous-marins que pourrait choisir l'Australie.

Ce passage d'un matériel américain à des sous-marins britanniques pourrait bien avoir des conséquences industrielles, militaires et économiques. Ces sous-marins - qui entrent dans le programme britannique SSNR (Submersible Ship Nuclear Replacement) - ne seront livrables à l'Australie qu'en 2040, soit quatre ans après la fin de service de ses six sous-marins Collins qu'ils devront remplacer.

Canberra devrait donc remettre à niveau les Collins pour qu'ils restent opérationnels plus longtemps que prévus. De quoi faire encore grimper la facture: le coût de cette remise à flot est évaluée à plus de 6 milliards de dollars australiens, soit 4 milliards d'euros.

Et comme le signale le site spécialisé Opex360, la Royal Australian Navy déjà confrontée à des problèmes de recrutement, devra en plus former des équipages à ces nouveaux sous-marins britanniques et donc les retirer des effectifs opérationnels.

L'Australie envisage de louer des sous-marins

Pour jouer les sous-marins "école", la marine devra louer "à court terme" des SNA au Royaume-Uni comme l'ont évoqué Peter Dutton, ministre australien de la Défense, et Simon Birmingham, ministre des Finances. Le montant de cette location n'a pas été estimé.

Ces dépenses supplémentaires, qui s'ajouteront à la facture qui risque d'être très salée, ne seront même pas amorties par un partage de savoir-faire puisque l'Australie ne peut construire sur son territoire des dispositifs nucléaires. Cette hausse des dépenses va-t-elle contraindre les Australiens à commander moins de sous-marins que les 12 initialement prévus dans l'accord avec Naval Group tout en demandant aux Américains et aux Britanniques de l'aider à veiller sur son territoire marin via le pacte Aukus? Ce serait au final un coup porté à la souveraineté de défense de l'Australie.

Après avoir été durement critiquée par des personnalités politiques, dont deux anciens premiers ministres, la décision de Scott Morrison d'annuler le contrat avec la France, ses conséquences et l'annonce du pacte Aukus devient un sujet de moqueries en Australie. Une vidéo devenue virale critique la décision de "Scotty" de rejoindre l'alliance Aukus qualifiée de "Fuckyas".

Mais surtout, des analystes militaires craignent que les sous-marins, qu'ils soient ou non nucléaires, pourraient ne pas être un bon choix. En 2040, des drones submersibles les rendront obsolètes car ils seront détectables même s'ils sont silencieux. Un rapport du National Security College estime que bientôt la furtivité ne sera même plus un enjeu.

En 2050, les océans deviendront "probablement" ou "très probablement" transparents, selon ces experts. La Chine développe en effet des lasers capables de détecter des engins à 160 mètres de profondeurs en repérant les signatures chimiques, biologiques, acoustiques et infrarouges. En annulant son contrat avec Naval Group, l'Australie a ouvert une boite de Pandore dont le contenu est incertain.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco