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E-commerce: les entrepôts sont-ils en train de se multiplier en France?

Un entrepôt Amazon

Un entrepôt Amazon - Phil Noble

En Europe, près de 27 millions de m² d'entrepôts seront nécessaires d'ici 2025 pour répondre à la demande du e-commerce. En réalité, les projets très médiatisés d'Amazon restent rares…

C'est la partie immergée de l'iceberg. Des tonnes de béton et de tôle qu'on aurait un peu tendance à oublier en commandant ses produits en ligne. Si le e-commerce grignote toujours un peu plus de parts de marchés aux magasins et boutiques, il reste pourtant totalement dépendant des entrepôts, bien réels eux, qui vont continuer à pousser sur tout le territoire dans les années

Environ 27 millions de m² seront nécessaires en Europe d'ici 2025 pour répondre à la demande, selon les chiffres du groupe Immobilier CBRE. Les entrepôts, pierre angulaire de la logistique, permettent de stocker, d'emballer et préparer les millions de colis commandés sur internet et, forcément, les confinements ont accéléré les achats en ligne. Ces derniers ont représenté 112 milliards d'euros l'année dernière en France, soit une hausse de 8,5% sur un an. Une bonne nouvelle pour les grandes chaînes de magasins qui ont compensé les fermetures avec les envois mais un nouveau casse-tête pour acheminer en temps et en heure les colis.

Difficile de trouver des m²

Alors ces derniers mois, les inaugurations se multiplient. La semaine dernière, le spécialiste de la fourniture de bureau Manutan a inauguré une extension de 9000m² pour son entrepôt de Gonesse, qui représente désormais une superficie 41.000 m² pour "stocker 2 fois plus de produits" et "traiter 4 fois plus de commandes quotidiennement." Plus tôt dans le mois, la foncière Argan livrait d’un nouvel entrepôt de 22.000 m² près d'Orléans déjà loué au groupe FGD, leader sur le marché non-alimentaire en grande distribution.

"C'est un marché tendu où il est très difficile de trouver des m² en plus" commente Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog, une association qui rassemble les acteurs du secteur.
L'entrepôt de Manutan
L'entrepôt de Manutan © Manutan

Aujourd'hui, les entrepôts de plus de 5000 m² représentent près de 90 millions de m², pratiquement la surface de Paris. Si on étend ce chiffre à la superficie de terrain mobilisée par les sites entiers, on se rapproche même des 300 millions de m² pour un peu plus de 4000 établissements. Et le chiffre est en croissance: "on a construit 16 millions de m² ces dix dernières années, on prévoit la même chose pour les dix prochaines années" résume Diana Diziain.

Meilleur acteur de ces chantiers hors normes, Amazon, dont chaque projet tourne souvent au bras-de-fer politique et militant. La création d'une plateforme logistique de 38.000 m² près du Pont-du-Gard cristallise ces tensions. Il n'est pas le seul et, désormais, les projets de grands entrepôts provoquent une levée de boucliers, même lorsque le géant américain n'est pas concerné.

Dynamique modérée

En réalité, cette dynamique reste finalement modérée et 2020 a même été une petite année: 2 millions de m² créés conte 2,4 millions en 2019 et 3,9 millions en 2018. Peut-être faut il y voir un report de projets qui pourrait faire gonfler les chiffres des années à venir.

"Il va y avoir une légère croissance mais pas aussi forte qu'aujourd'hui" tempère pourtant Jean-Claude Le Lan, le patron d'Argan. "Le e-commerce est un secteur en progression mais ce sont avant tout les pure players qui ont besoin de nouveaux entrepôts. "

Les pure players, ce sont donc Amazon ou encore Cdiscount. Le premier a construit près de 800.000 m² entre 2015 et 2019, contre 268.000 m² pour le Français. Une croissance qui va probablement se tasser. "La demande continuera d'être stimulée mais pas vraiment par les pure players" juge Diana Diziain.

La plupart des entrepôts actuels n'ont rien à voir avec ces acteurs. "La grande distribution représente 50% des entrepôts" rappelle Jean-Claude Le Lan. Ils n'ont pas forcément besoin de créer des extensions mais doivent souvent adapter des locaux devenus obsolètes. "Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est l'entreposage en milieu urbain avec de petites surfaces" poursuit le patron. Des surfaces évidemment très chères…

En clair, on est loin d'une explosion de la construction.

Gagner en mètres-cubes

Mais pour les acteurs de la logistique, la question des entrepôts est évidemment sensible. Mardi, le Sénat a décidé d'inclure, contre l'avis du gouvernement, un amendement pour limiter fortement l'implantation de nouveaux grands entrepôts. Une façon de "stopper l’Amazonisation de la France" selon un sénateur écologique. "Il y a une réticence dogmatique" souffle Diane Diziain.

L'Afilog estime pourtant que le secteur a fait des efforts, notamment sur le plan écologique. En témoigne le méga-entrepôt de Casino, utilisé pour la marque Monoprix, qui se veut "carbone neutre" avec l'utilisation de la géothermie, de l'éclairage LED ou du pilotage à distance. Les industriels préparent d'ailleurs une charte avec le gouvernement, espérée ce mois-ci, pour renforcer leurs engagements environnementaux.

En échange, ils espèrent pouvoir profiter plus facilement des friches (destinées généralement aux logements et aux bureaux) et surtout pouvoir rehausser la hauteur limite des entrepôts, de douze actuellement à quinze ou vingt mètres. Car pour éviter de s'étendre, les entrepôts doivent s'élever. "En réalité, on ne réfléchit pas en mètres-carrés mais en mètres-cubes" insiste Diane Diziain. Une façon de calmer les critiques?

Thomas Leroy Journaliste BFM Business