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Automobile: la malédiction des numéros 1

Carlos Ghosn, en 2012, à Détroit (Etats-Unis). Le dirigeant de Renault a été arrêté ce lundi, au Japon, soupçonné de malversations financières.

Carlos Ghosn, en 2012, à Détroit (Etats-Unis). Le dirigeant de Renault a été arrêté ce lundi, au Japon, soupçonné de malversations financières. - STAN HONDA / AFP

Toyota, Volkswagen, Renault-Nissan, tous ces constructeurs ont connu une grave crise alors qu’ils étaient devenus numéro 1 mondial en termes de volumes de ventes.

"Environ un véhicule sur neuf vendu dans le monde", c’est ce que revendiquait en juillet l’Alliance Renault-Nissan Mitsubishi, soit 5,54 millions de voitures au 1er semestre 2018. Depuis le début de la semaines, les millions servent plutôt à compter le montant des salaires que Carlos Ghosn aurait dissimulé entre 2011 et 2015. Numéro 1 mondial, l’Alliance vacille, pas certaine de survivre à l’incarcération de son charismatique PDG ce lundi.

Volkswagen, au sommet comme dans la tourmente

La situation rappelle le sort d’un autre grand groupe du secteur automobile. En juin 2015, Volkswagen rafle la place de premier constructeur au monde, devant le japonais Toyota. Mais le 18 septembre, à la veille de la grand-messe allemande de l’automobile, le salon de Francfort (Allemagne), éclate le scandale du dieselgate. Le 23 septembre, le tout-puissant PDG du groupe, Martin Winterkorn, démissionne. Les millions ne servent plus à compter les Golf écoulées, mais le montant des amendes et des voitures à rappeler.

"Dans le cas Volkswagen comme dans le cas Renault, il existe un phénomène d’enfermement dans un dispositif managérial et de gouvernance, résume Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux. Chez Volkswagen, les salariés étaient tenus par la terreur, prêts à faire n’importe quoi par crainte du chef. Chez Nissan, le patron Hiroto Saikawa s’est tu jusqu’à justement ce qu’il soit sûr de tuer le chef".

Le chercheur met en avant des organisations "à l’ancienne": un capital patient, des règles de gouvernance floues, avec pour résultat des dirigeants présents depuis longtemps. Et deux personnalités très fortes. "Cette longévité permet de mettre en place de gros dispositifs industriels, avec des prises de risques comme le véhicule électrique ou le low-cost chez Renault, poursuit Bernard Jullien. Si ça fonctionne, ces dirigeants peuvent se croire tout-puissants. Il n’y alors plus forcément de contre-pouvoir".

Comme chez Volkswagen, c’est ce qui semble s’être passé au sein de l’Alliance Renault-Nissan. "Un seul homme rendait Carlos Ghosn nerveux: Louis Schweitzer [PDG de Renault jusqu’en 2005, ndlr], raconte un "historique" de l'Alliance dans Challenges ce jeudi. Quand il a pris le contrôle de Renault, ce dernier ne l'a plus supervisé. C'est à partir de là que la dérive a commencé".

Le cas Toyota

Un troisième constructeur, Toyota, a connu une crise de la même ampleur. Alors que le groupe est numéro 1 mondial, champion de la fiabilité, une famille meurt dans un accident aux Etats-Unis. Entre 2009 et 2011, le constructeur japonais rappelle plus de 16 millions de voitures à travers le monde, pour des problèmes de pédales d’accélérateur bloquées.

"Le cas Toyota est différent", tempère Bernard Jullien. Le président, membre de la famille fondatrice, Akio Toyoda présente ses excuses, dans un vibrant discours en 2010, et la société mise sur la transparence. Volkswagen a aussi joué cette carte avec la justice américaine, amenant à un accord comprenant amendes, rappel et rachat de véhicules. Que fera l’Alliance? Rien n’a filtré, aussi bien de la cellule de Carlos Ghosn concernant sa défense, que de la rencontre ce jeudi entre le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et son homologue japonais Hiroshige Seko.

Pauline Ducamp