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Audi, Volkswagen, Porsche… Déjà 50.000 emplois détruits: jusqu'où ira la saignée dans l'automobile allemande?

Une usine automobile du groupe Volkswagen au Portugal.

Une usine automobile du groupe Volkswagen au Portugal. - CARLOS COSTA / AFP

La transition électrique plonge l'industrie automobile allemande dans une crise sans précédent. 50.000 emplois ont déjà été supprimés depuis 2019 et ce n'est que le début.

Covid, récession en Chine, guerre en Ukraine, inflation des prix de l'énergie, arrivée des constructeurs chinois et maintenant Donald Trump et ses droits de douane… Depuis maintenant cinq ans, rares sont les mois qui n'apportent pas leur lot de mauvaises nouvelles dans l'industrie automobile allemande.

Ce lundi c'est Audi qui a fait part de son intention de supprimer 7.500 postes d'ici à 2029 dans ses sites allemands.

Le PDG de la marque Gernot Döllner évoque "des conditions économiques se durcissant de plus en plus, la pression de la concurrence et les incertitudes politiques (qui) posent d'énormes défis à l'entreprise".

Le fabricant de véhicules haut de gamme emploie 87.000 personnes, dont 55.000 sur ses sites allemands. Audi a fermé fin février son usine de Bruxelles, en Belgique, qui employait quelque 3.000 personnes et fabriquait le SUV électrique haut de gamme Q8 e-tron.

La marque a livré plus de 164.000 modèles "tout électrique" l'an dernier, soit un recul de 8% sur un an. Et le marché chinois, qui représente près de 40% de ses livraisons globales (650.000 sur 1,67 million), a décliné de 11%.

200.000 emplois supprimés d'ici 2035

Regagner de la compétitivité en s'allégeant. Pas un constructeur ou équipementier allemand n'y échappe. Porsche a ainsi annoncé deux fois en 2025 son intention de supprimer 2.000 postes (4.000 au total donc), Volkswagen a déjà annoncé son plan 2030 avec 35.000 emplois supprimés à la clé, Daimler négocie avec les syndicats mais la presse allemande évoque des réductions d'effectifs de l'ordre de 20.000 à 30.000.

Une saignée sans précédent qui concerne évidemment aussi les équipementiers. Le groupe ZF devrait supprimer près du quart de ses effectifs en Allemagne (12.000 postes), Continental parle de 7.150 emplois et Bosch de 3.200.

Au total, depuis 2019, on dénombre une destruction nette de 46.000 emplois dans ce secteur d'activité, selon une étude du VDA, l’Union de l’industrie automobile allemande. Dans le détail, ce sont 29.000 postes qui ont été créés mais 75.000 qui ont été supprimés.

Et ce n'est peut-être qu'un début. Selon l'étude, si la dynamique reste identique, ce sont 140.000 nouveaux emplois qui pourraient être rayés d'ici 2035 outre-Rhin. La transition électrique aura donc coûté au secteur près de 200.000 emplois.

Selon EY, le secteur, qui représente 17% des exportations du pays, a vu son chiffre d'affaires se contracter de 5% en 2024 à 536 milliards d'euros. Selon l'institut IW, la production a même chuté de 25% depuis 2018.

Des difficultés de tous ordres

Plus que le reste de l'industrie allemande, l'automobile souffre de plusieurs maux qui sont à la fois structurels et conjoncturels.

Le structurel c'est la transition électrique donc le point d'orgue est l'année 2035 avec l'interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs.

"Assembler une voiture électrique demande beaucoup moins d’ouvriers, explique au Parisien Boris Schwürz qui dirige le sous-traitant Mahle spécilisé dans les moteur thermiques. Et les modèles sont également plus économes en pièces."

De plus ce changement de motorisation a permis l'émergence de nouveaux constructeurs plus agiles que les mastodontes allemands. D'abord ça a été Tesla (dont les ventes sont depuis en chute libre) et surtout depuis quelques mois les constructeurs chinois comme BYD qui ne se contentent plus d'être moins chers et qui semblent en avance sur le plan technologique.

À ces problèmes de fonds s'est greffée la crise conjoncturelle des coûts de l'énergie, conséquence notamment de la guerre en Ukraine. La compétitivité de l'industrie allemande reposait en grande partie sur la fourniture russe d'un gaz peu coûteux. C'est dans ce contexte que les gouvernements en Europe ont commencé à raboter les aides à la transitions automobiles, nouvelle épine dans le pied d'un secteur déjà fragilisé.

Entre fermetures de sites, suppressions d'emplois et délocalisations, notamment en Europe de l'est, l'automobile allemande ne semble pas prête à voir le bout du tunnel.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco