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France Stratégie promeut une nouvelle évaluation de l'impact climatique du recyclage de l'acier

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Cette nouvelle méthode permet de moduler la note climatique d'un acier en fonction de la part de métal recyclé qu'il contient. Le secteur de la sidérurgie est très critique vis-à-vis de ce nouveau modèle.

L'organisme de réflexion France Stratégie rattaché à Matignon publie vendredi une note technique cruciale, et déjà contestée, recommandant une nouvelle méthode d'évaluation de l'impact climatique de la fabrication de l'acier.

Cette note, très attendue par le monde de la sidérurgie, est d'ores et déjà critiquée par les industriels du recyclage des métaux qui l'accusent de "fausser les règles du jeu" en leur défaveur au profit des hauts fourneaux fortement émetteurs de gaz à effet de serre.

Sur le plan technique, le document promeut notamment un nouvel outil baptisé "échelle flottante" ("sliding scale" en anglais) permettant de moduler la note climatique d'un acier en fonction de la part de métal recyclé qu'il contient. Mais plus la proportion d'acier recyclé est élevée, plus le degré d'exigence pour décrocher une bonne note l'est aussi.

Pour Olivier Le Fichous, président de la filière métal de la fédération des recycleurs Federec, cette grille est "scientifiquement et politiquement malhonnête" car "elle place l'acier produit à partir de ferrailles recyclées sur un pied d'égalité avec de l'acier produit à partir de minerai de fer qui arrive du bout du monde".

"Nous ne sommes pas les seuls à tirer la sonnette d'alarme, les sidérurgistes produisant de l'acier à partir de ferrailles le font aussi. Seul un industriel, ArcelorMittal, a été contacté pour établir cette nouvelle grille d'analyse, il n'y a eu aucune discussion avec l'ensemble de la profession", a affirmé Olivier Le Fichous à l'AFP.

"Le recyclage ne suffira pas"

Vendredi, l'organisme a répondu à ses détracteurs que "les analyses de chaque méthode de comptabilisation des émissions de l'acier" avaient été "présentées et discutées" avec l'ensemble des acteurs de la filière "dont les représentants de Federec et de producteurs d'acier à partir de ferrailles recyclées". Ces échelles flottantes visent à faire baisser les émissions de CO2 des producteurs d'acier primaire, tout en restant viable, selon France Stratégie.

L'organisme a souligné vendredi auprès de l'AFP que ces "sliding scale" ne sont pas nouvelles, ayant "déjà été mises au débat par différentes organisations internationales dont l'AIE (Agence internationale de l'Energie)".

"La note de France Stratégie en propose une lecture nuancée, soulignant l'importance de la calibrer prudemment, de manière justement à ne pas pénaliser indûment le recyclage," a ajouté France Stratégie qui dit vouloir "mobiliser le recyclage au maximum de ses capacités". Le recyclage d'acier issu de vieilles carrosseries de voitures, tôles de bateaux ou autre, est actuellement l'une des principales techniques utilisées dans le monde pour décarboner la production d'acier.

La note reconnaît néanmoins qu'il "ne suffira malheureusement pas pour atteindre la décarbonation" totale du secteur. En 2019, le recyclage de "ferrailles" ne couvrait que 32% des besoins mondiaux d'acier, selon le document qui cite l'AIE.

Période trouble pour le secteur

Le "tout recyclage reste une perspective lointaine", estiment les auteurs dans la note: "A l'horizon 2050, les ferrailles ne représenteront que 48% des intrants métalliques dans la production d'acier." Or, le besoin de décarbonation est immense pour espérer maintenir les températures de la planète à un niveau acceptable. Avec 3,7 Gt d'émissions de CO2 par an, la sidérurgie est responsable de "près de 10% des émissions mondiales de CO2 fossile".

La publication intervient au moment où les industriels européens de l'acier, dont ArcelorMittal, suppriment des emplois et menacent à mots couverts de fermer leurs hauts fourneaux en Europe en délocalisant leur production dans des pays non européens où l'énergie est moins chère et où ils sont plus compétitifs face à la concurrence internationale.

Faire à la concurrence chinoise

Ils demandent notamment des aides publiques pour faire face à la concurrence de l'acier chinois à bas tarif qui envahit les marchés mondiaux. ArcelorMittal a suspendu fin novembre les grands projets de décarbonation de ses hauts fourneaux à Dunkerque et Fos-sur-mer, en raison d'"un niveau de demande et de prix de l'acier atteignant un bas historique".

Ce projet, chiffré à 1,8 milliard d'euros dont une aide publique pouvant aller jusqu'à 850 millions d'euros, consiste à remplacer le charbon par le gaz, puis par l'hydrogène dans les hauts fourneaux pour réduire le minerai de fer utilisé pour produire de l'acier primaire, et à installer des fours électriques pour produire plus d'acier recyclé à base de ferrailles.

T.L avec AFP