Entreprises: pendant la crise de l'énergie, le prix de l'électricité a grimpé de 38%, celui du gaz a doublé

Quel a été le prix de la récente crise énergétique qu'ont traversé les entreprises françaises? Plus de deux ans après le début de cet épisode accentué par la guerre en Ukraine, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dévoile plusieurs chiffres afin d'illustrer les conséquences de cette crise de l'énergie sur les entreprises françaises.
Entre 2019 et 2022, le prix du gaz a ainsi doublé pour les entreprises, passant en moyenne d'à peine 35 euros le MWh à presque 70 euros le MWh l'année dernière. Du côté de l'électricité, la hausse est certes moins conséquente mais reste significative puisque le prix a augmenté de 38% sur la période pour se situer autour des 130 euros le MWh.
Ces évolutions sont d'autant plus spectaculaires que le prix du gaz était sur une tendance baissière depuis 2013 et celui de l'électricité ne progressait que de 3% pour an depuis 2010. En revanche, des disparités surviennent en fonction du niveau de consommation des entreprises et ce sont logiquement les plus énergivores qui ont été confrontées aux hausses de prix les plus importantes bien qu'elles continuent de payer un tarif de l'électricité largement inférieur à celui des entreprises qui consomment le moins.
Une explosion des tarifs lors du renouvellement des contrats, notamment ceux à prix fixe
Dans ce dossier spécial issu de la publication annuelle "Les entreprises en France", l'Insee se penche notamment sur les établissements du secteur industriel, souvent très énergivores et donc sujets à une envolée de leur facture d'énergie durant cette période. Que ce soit pour le gaz ou l'électricité, les petits consommateurs privilégient des contrats à prix fixe tandis que les plus gros ont plutôt recours à des contrats dont le prix est indexé sur les marchés de gros. Dans ce dernier cas, les établissements sont évidemment exposés aux variations des prix du marché. Dans le premier, ils peuvent être protégés de la flambée des prix sur la durée de leur contrat (qui ne dépasse pas trois ans) mais y être exposés au moment du renouvellement si celui-ci a expiré en pleine crise énergétique.
Presque 30% établissements industriels ont dû renouveller leur contrat d'énergie l'année dernière, ce qui s'est traduit par une hausse de prix supérieure à 150% dans près d'un cas sur deux pour des contrats d'électricité et 42% pour ceux de gaz à prix fixe (contre 28% des établissements renouvelant un contrat indexé sur le prix de gros). Pour un établissement sur cinq dont le contrat est lié au tarif réglementé d'électricité, il n'y a en revanche pas eu de hausse de prix.
"L’ampleur de la hausse des prix de l’électricité et du gaz varie même en fonction de la période à laquelle l’établissement a renouvelé son contrat d’électricité et/ou de gaz, précise l'Insee. Ceux qui renouvellent leur contrat dans la première moitié de l’année 2022 subissent des hausses bien moins élevées que ceux ayant renouvelé leur contrat en fin d’année, lorsque les prix de marché atteignaient leur sommet".
Hausse de la facture des industriels de 43% pour l'électricité et de 104% pour le gaz en 2022
Alors que l'électricité et le gaz représentent chacun plus d'un tiers de l'énergie consommée dans l'industrie, la hausse de leurs prix a entraîné une explosion des factures des établissements du secondaire: +54% en 2022 après déjà +40% en 2021.
"En deux ans, cette facture fait plus que doubler (+116%), souligne l'Insee. Elle atteint 22 milliards d’euros, soit un niveau très supérieur à celui enregistré en 2012 (14 milliards d’euros), année pour laquelle la facture a été la plus élevée sur la période 2005‑2020."
Cette augmentation de la facture est d'ailleurs uniquement liée à la hausse des prix puisque la consommation d'énergie du secteur sur les deux années est stable (+7% en 2021 puis -5% en 2022) tout comme la production qui ne progresse que de 1%.
Dans le détail, le prix du gaz a augmenté successivement de 66% en 2021 puis de 104% en 2022 pour les établissements industriels. Du côté de l'électricité qui était le type d'énergie le moins soumis à des variations d'ampleur sur les quinze dernières années (entre -8% et +7% entre 2007 et 2020), le prix a tout de même augmenté de 43% l'année dernière.
Baisse de la consommation... et de la production
Ces différences d'ordres de grandeur entre le gaz et l'électricité se retrouvent dans les niveaux de consommation respectifs des industriels: elle baisse de 9% en 2022 pour le gaz et de "seulement" 3% pour l'électricité. De plus, cette tendance baissière est accentuée chez les plus gros consommateurs pour lesquels la baisse de la consommation d'énergie globale atteint 7% l'année dernière alors qu'elle est en réalité quasi-stable pour les plus petits consommateurs, à -1%.
Autre répercussion de cette flambée des prix, le niveau de production réagit également avec des baisses marquées au second semestre 2022 par rapport à la même période en 2021 pour les branches industrielles énergivores comme la sidérurgie (-16%) ou encore la fabrication de produits chimiques de base (-17%). L'Insee ajoute d'ailleurs que cette baisse se poursuit au premier semestre 2023.
Face à la flambée des prix de l'énergie, plus de la moitié des établissements industriels ont augmenté leurs prix l'année dernière, 45% d'entre eux ont comprimé leurs marges et près d'un sur trois a pioché dans leur trésorerie. Fin 2022, deux tiers des établissements industriels anticipaient une répercussion à la hausse sur leurs prix de vente contre 31% des entreprises de services. La diminution des marges était également davantage prévue par les entreprises du secondaire (plus d'un tiers) que par celles du tertiaire (moins de 20%).
Les établissements industriels agissent aussi sur d'autres leviers pour limiter les effets de la hausse des prix de l'énergie. Ainsi, 36% d'entre eux indiquent avoir adapté leurs méthodes de production l'année dernière et 29% ont investi pour réduire et optimiser leur consommation à moyen terme. "Les comportements de sobriété énergétique, en particulier des entreprises qui n’avaient pas encore amélioré leur efficience énergétique, se sont développés, relève l'Insee. Au cours du second semestre 2022, les entreprises qui ont le plus amélioré leur efficience énergétique seraient souvent celles qui avaient fait le moins preuve de sobriété entre 2018 et 2021".
"Ces adaptations s’inscrivent dans une tendance amorcée avant la crise énergétique, pour répondre en particulier à des préoccupations environnementales."