RTE alerte sur un risque élevé de tensions sur le réseau électrique en janvier
RTE revoit à la hausse le risque de tensions sur le réseau électrique au début de l'année 2023. La faute à un retard, estimé à environ deux semaines, de disponibilité du parc nucléaire.
Plusieurs raisons expliquent ce retard à commencer par les mouvements sociaux qui ont touché plusieurs centrales nucléaires d'EDF et causé la mise à l'arrêt des travaux de rechargement pendant une à trois semaines selon les sites le mois dernier. A cela s'ajoute des retards et des aléas techniques liés à la maintenance courante, une cause qu'écarte le gestionnaire du réseau.
"En revanche, cette situation n'est pas due aux travaux liés à la corrosion sous contrainte", insiste Thomas Veyrence, directeur exécutif Stratégie, prospective et évaluation chez RTE.
Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité estime désormais qu'il est improbable, bien que pas impossible, que l'énergéticien atteigne les 45GW de puissance disponible en janvier en raison des retards accumulés sur certains réacteurs. "Une disponibilité de l'ordre de 40GW est plus probable, ajoute-t-il. Pour aller au-delà, cela dépendra du bon avancement des travaux sur la corrosion sous contrainte et de la fin des activités de maintenance sur les réacteurs du palier N4".
Sur l'antenne de BFMTV, l'ingénieur Nicolas Meilhan, spécialiste de l'énergie, rappelle que ces 40GW "correspondent au deux tiers du parc nucléaire disponible". "A cette époque-là entre 2010 et 2020, on était plutôt entre 50 et 60GW", poursuit-il.
"Un certain nombre de réacteurs vont faire l’objet de réparations qui s’achèveront en février donc on ne compte pas vraiment sur eux, précise Thomas Veyrence. La production nucléaire devrait être de l’ordre de 280 TWh en 2022 contre 380 TWh avant le Covid."
Cette diminution de l'offre globale de production d'électricité s'accompagne toutefois d'une baisse accentuée de la consommation d'électricité depuis la rentrée, ce qui réduit pour le moment le risque sur la sécurité d'approvisionnement pour l'hiver à venir. RTE l'évalue à environ 5 à 7% par rapport à la moyenne d'avant-crise sanitaire entre 2014 et 2019 et l'attribue en grande partie au secteur industriel incité par un effet prix.
De ce fait, les perspectives à court terme du gestionnaire sont bonnes avec un risque qui diminue sur la fin du mois de novembre et qui est "jugé" moyen pour le début du mois de décembre. Difficile de tracer des perspectives au-delà en raison des prévisions météorologiques qui ne sont pas complètement fiables au-delà de 15 jours.
"Sur la base des dernières prévisions météorologiques, l’apparition d’une vague de froid dans les prochaines semaines apparaît peu probable", anticipe cependant RTE.
"RTE explique bien que ce sont uniquement dans des cas qui sont assez peu probables qu’on verra des coupures. Pour un scénario moyen, on devrait pouvoir passer au travers de ces coupures", explique ce vendredi sur BFMTV François-Marie Bréon, directeur adjoint au Laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement.
"Si l’hiver est très rude, comme nous avons eu en février 2012, alors il est certain que nous aurons des coupures d’électricité au mois de janvier", estime-t-il cependant.
Des relais à disposition
La bonne nouvelle est que la France disposent de leviers pour faire face, au moins partiellement, à une éventuelle dégradation de la situation. C'est le cas des stocks hydrauliques qui suscitaient des inquiétudes à la sortie de l'été et dont les niveaux de remplissage sont à présent proches de leur moyenne historique. RTE l'impute à "la gestion prudente des exploitants et des conditions climatiques chaudes qui ont conduit à moins solliciter les barrages."
Par ailleurs, l'Hexagone peut aussi compter sur l'amélioration de ses interconnexions avec ses voisins. Des travaux de renforcement d'une liaison transfrontalière se sont ainsi achevés au début du mois tandis que les gestionnaires de réseau allemand ont de leur côté mis en oeuvre des mesures permettant d'augmenter les capacités d'échange. "Ces travaux conduisent à augmenter le potentiel d’import pour la suite de l’hiver", indique RTE qui mentionne un solde net d'échanges d'électricité de nouveau dans le vert, une première depuis six mois.
Un seuil de consommation non délestable à 38%
Jean-Paul Roubin, directeur exécutif Clients, marchés et exploitation chez RTE, apporte également des précisions sur la stratégie de délestage qui ne s'appliquera qu'en dernier recours. "On répond à une exigence européenne [Network Code on Emergency & Restoration] qui fixe les modalités pour garantir que chaque pays a un niveau délestable, explique-t-il. On a fixé un seuil de consommation non délestable à 38% par département. Dans un département, il peut par exemple y avoir 500 clients prioritaires protégés mais comme ils sont alimentés par 500 lignes différentes, les autres consommateurs liés à ces mêmes lignes sont aussi protégés."
Le représentant du gestionnaire a cependant insisté sur le caractère équitable du délestage qui n'épargnera aucun département et sera mis en place par rotation: un département sollicité le matin, un autre le soir.
"Il n’y a pas de schéma qui prévoit de délester d’abord les régions les plus consommatrices, souligne-t-il. En revanche, si je déleste à hauteur de 10% sur le département du Rhône et autant sur le département de la Loire, il y aura forcément plus d’habitants touchés dans le premier que dans le second en raison de la différence démographique."
EcoWatt est de plus en plus utilisé
Lancé il y a déjà deux ans, le dispositif EcoWatt, surnommé "la météo de l'électricité", a été remis au goût du jour à l'approche d'une période hivernale marquée par des efforts de sobriété dans un contexte de crise énergétique. Il était d'ailleurs présenté comme un outil essentiel lors de la présentation du plan de sobriété énergétique par le gouvernement en octobre. A ce jour, sa nouvelle application enregistre plus de 100.000 téléchargements toutes plateformes confondues tandis que son site Internet recense 350.000 utilisateurs inscrits.