Prix plafond de l'électricité, quantité régulée… les négociations entre EDF et le gouvernement entrent dans le vif

Après un bras de fer il y a dix jours, le gouvernement et EDF ont entamé une phase de négociation intense. Dans les deux camps, on joue désormais l’accalmie et le temps des discussions. "On échange, tout le monde a envie que ça converge", résume une source proche du dossier. L’intervention d’Emmanuel Macron, qui a déclaré vouloir "reprendre le contrôle des prix" de l’électricité, a incité l’entreprise publique et le ministère de la Transition énergétique à trouver un accord.
Le gouvernement a fixé le cadre de son dispositif. Il souhaite limiter les prix de l’électricité pour protéger les consommateurs et les entreprises. S’ils venaient à flamber au-delà de ce plafond, l’État "récupérerait ces 'surprofits' gagnés par EDF pour les répercuter sur la facture des clients", explique un bon connaisseur du dossier.
"C’est exactement ce qui a été fait l’an passé pendant la crise énergétique."
Fourchette entre 70 euros/MWh et 100 euros/MWh
D’abord, le gouvernement doit fixer ce prix maximum. Sans le dire officiellement, EDF souhaitait qu’il soit élevé, à 120 euros le mégawattheure (MWh) pour se laisser de la souplesse financière, alors que les prix actuels tournent autour de 130 euros/MWh.
"On ne va pas reprendre le contrôle des prix comme l’a dit Emmanuel Macron en fixant un plafond à 120 euros/MWh alors que les prix à horizon 2026 sont estimés à 110 euros/MWh", tranche un proche du ministère de la Transition énergétique.
En réalité, EDF a déjà revu ses ambitions à la baisse. Il y a deux semaines, le groupe a commercialisé des offres pour fournir de l’électricité à horizon 2027 dont les prix se situent un peu en dessous de 100 euros/MWh.
Le gouvernement, lui, raisonne en partant d’un prix minimum même s’il n'était pas appliqué car la Commission européenne le refuserait. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) estime que les coûts du parc nucléaire à 60 euros/MWh.
"On peut discuter d’une petite marge d’auto-financement de 8 euros/MWh pour couvrir aussi les investissements dans les futurs EPR", admet une source proche du gouvernement.
D’ici 2030, EDF va dépenser 3 milliards d’euros d’investissement par an pour lancer le chantier des premiers EPR à Penly. RTE a même publié une première estimation d’un coût de 85 euros/MWh à horizon 2035.
Chaque camp fait un effort et la fourchette de prix se resserre. "Entre l’estimation du régulateur et les futurs EPR, il sera difficile d’aller en dessous de 70 euros/MWh, estime Nicolas Goldberg,associé chez Colombus Consulting. En face, les prix à terme sont autour de 100 euros donc la fourchette est large".
Jouer sur les volumes d'électricité nucléaire
Ensuite, le gouvernement et EDF discutent de la quantité d’électricité qui sera soumise à ce futur prix plafond. Aujourd’hui, le ministère de la Transition énergétique rappelle que la production nucléaire qui bénéficie de prix avantageux pour les particuliers et les PME tourne autour de 280 térawattheures (TWh).
EDF vendra le reste de sa production au prix de marché. Sauf qu’elle va rester à des niveaux bas jusqu’en 2030, à environ 360 TWh, et ce reliquat de 80 TWh ne pèserait donc que 22% de sa production.
"C’est bien trop peu pour fournir des prix de marché et dégager suffisamment de marges pour redresser nos comptes", estime une source proche d’EDF.
L’exécutif pourrait accepter de réduire un peu cette quantité régulée si EDF acceptait d’en baisser le prix. "L’objectif de ce système est de pousser EDF à produire plus d’électricité, explique un bon connaisseur du dossier. Chaque électron supplémentaire pourra être vendu plus cher sur les marchés."
La quantité d’électricité qui serait ainsi "sortie" des prix régulés pourrait être prise sur la consommation des grandes entreprises, les plus riches qui n’ont pas besoin d’être subventionnées. EDF pourrait alors signer avec elles des contrats de long terme, plus chers. Le groupe estime qu’elles en sont demandeuses.
C’est un énième paramètre que l’entreprise publique et le gouvernement vont devoir trancher dans les semaines à venir. L’objectif est de parvenir à un premier accord mi-octobre. La nouvelle régulation doit être décidée pour la fin de l’année afin d’être appliquée fin 2025.