TOUT COMPRENDRE - Électricité: que veut dire Macron quand il souhaite "reprendre le contrôle des prix"?

C'est l'une des formules fortes d'Emmanuel Macron issues de sa présentation ce lundi de la "planification écologique" du gouvernement. "Nous pourrons en octobre véritablement annoncer des prix de l'électricité qui sont compatibles avec cette compétitivité et qui vont donner de la visibilité à la fois à nos ménages et à nos industriels, a déclaré le président de la République. Nous allons reprendre d'ici la fin de l'année le contrôle sur les prix de notre électricité aux niveaux français et européen." Mais derrière ce champ lexical ambitieux, que signifie un tel engagement concrètement?
En quoi ce contrôle des prix est-il nécessaire à la stratégie d'électrification?
Si l'exécutif souhaite une électricité pas chère, c'est parce qu'il s'agit du fer de lance de la transition énergétique. Parmi les mesures évoquées lundi, Emmanuel Macron veut produire un million de véhicules électriques en France d'ici à 2027 ainsi qu'un million de pompes à chaleur, soit trois fois plus qu'aujourd'hui. Le chef de l'État a également annoncé 700 millions d'euros d'investissements dans la construction de 13 RER métropolitains. Enfin, le président de la République souhaite aussi accélérer la décarbonation des 50 sites industriels les plus polluants et réduire leurs émissions de 45% d'ici à 2030.
Or, le rôle des industriels est primordial dans cette stratégie d'électrification. "L'électrification est un moyen de contrôler son énergie, son coût et surtout son rythme de montée en puissance", insistait Xavier Barbaro sur le plateau de BFM Business mardi. Le PDG de Neoen dénonce notamment un "mille-feuille administratif français qui tourne à plein régime" et fait perdre un temps précieux dans la réalisation des projets d'énergies renouvelables, en particulier le solaire, qui doivent concentrer les efforts dans l'attente de la mise en service des futurs réacteurs nucléaires après 2035.
"Les coûts [du nucléaire] sont difficiles à définir parce que ce sont des projets qui s'étalent sur des décennies, rappelle-t-il. L'urgence climatique, de souveraineté énergétique, de compétitivité rendue à la France pour une phase de réindustrialisation ne passera pas à court et moyen terme par le nucléaire: il faut aussi développer le reste."
Pourquoi les relations entre l'exécutif et EDF ne sont pas au beau fixe?
La bataille fait rage entre Emmanuel Macron et Luc Rémont. Après une convocation la semaine dernière à Matignon et le rapport publié par Agnès Pannier-Runacher sur le coût du nucléaire, le patron d'EDF s'est vu imposer un délai de 15 jours pour fixer un prix moyen de l'électricité le plus bas possible. Le couperet devrait tomber début octobre.
Alors que l'Europe travaille sur une réforme du marché de l'électricité, l'exécutif veut un prix compétitif pour les entreprises et de la visibilité pour les ménages dans la lignée de l'évaluation de la commission de régulation de l'énergie à 60 euros le MWh et donc bien en-dessous du tarif demandé par Luc Rémont autour de 90 euros le MWh.
Les deux camps se retrouvent dans une véritable guerre de position, EDF ne pouvant faire fi de sa situation financière. En plus des nouveaux EPR et du prolongement de la durée de vie des centrales qui vont nécessiter des investissements annuels à hauteur de 25 milliards d'euros, le groupe est déjà lesté d'une soixantaine de milliards d'euros de dettes et 18 milliards d'euros de pertes enregistrées l'année dernière.
Quelles sont les problématiques aux niveaux national et européen?
L'expression "reprendre le contrôle sur les prix de notre électricité aux niveaux français et européen" peut revêtir plusieurs significations et intervient quelques jours après que le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a indiqué que le tarif réglementé de vente ne connaîtrait pas une hausse supérieure à 10% au mois de février, ce qui prolonge le bouclier tarifaire.
À l'échelle nationale, l'Etat pourrait donc imposer un prix de vente, ce qui fait écho à la discussion très dure entre Élisabeth Borne et Luc Rémont, la Première ministre souhaitant le prix le plus bas possible tandis que le patron d'EDF fait valoir le fait qu'il gère une entreprise qui dépend d'un prix de marché. C'est pourtant l'État qui aura le dernier mot, la renationalisation de l'entreprise ayant été achevée il y a quelques mois.
Au niveau européen, la formule employée par Emmanuel Macron peut faire référence à la réforme du fonctionnement actuel du marché européen de l'énergie, lequel fonctionne selon un principe de la tarification au coût marginal: la dernière unité produite d'électron donne le prix à l'ensemble du marché. Aujourd'hui, c'est l'unité au gaz qui prime, ce qui fait que le prix de l'électricité en Europe a beaucoup augmenté comme celui du gaz était monté particulièrement haut l'année dernière.
Les échanges autour de cette réforme du marché européen de l'énergie sont marqués par des tensions importantes entre la France et l'Allemagne et ne devrait probablement pas aboutir à un accord dès le mois prochain.
Comment ce contrôle des prix va-t-il se traduire?
D'après Le Parisien, une option est envisagée par l'exécutif pour que les ménages et entreprises aient accès au coût réel de l'électricité nucléaire: un prélèvement obligatoire sur une partie des bénéfices réalisés par EDF. Cette "rente nucléaire" serait ensuite intégralement redistribuée aux ménages et aux entreprises.
Concrètement, il s'agirait de recourir au "tarif pour différence", c'est-à-dire garantir une rémunération au producteur et un prix fixe au consommateur. En fonction du marché, si le producteur fait des gains, il en reverse une partie à l'État et si le producteur enregistre des pertes, l'État lui reverse de l'argent, ce qui permet d'assurer un prix de marché fixe.
Mardi matin, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a indiqué que le gouvernement présenterait deux lois sur l'énergie avant la fin de l'année, l'une sur la réforme de la sûreté nucléaire, l'autre sur le climat et un "dispositif pérenne" permettant "de conserver parmi les prix les plus bas d'Europe de l'électricité".
"Il s'agit de mettre en place un dispositif pérenne qui permette de conserver parmi les prix les plus bas d'Europe tout en empêchant l'envolée des prix qu'on a connue ces derniers mois, contenue par le dispositif d'urgence qu'est le bouclier", a précisé la ministre.