Nucléaire: la guerre en Ukraine fait (doucement) bouger les lignes des pays réfractaires à l'atome
Décrié, le nucléaire fait un retour à pas feutré sur la scène européenne, à la faveur de la crise ukrainienne. Ce lundi, la Belgique affirme "réévaluer" sa position sur la question, alors qu'un accord gouvernemental daté du 23 décembre dernier devait entraîner l'arrêt des sept réacteurs du pays en 2025 au plus tard. Sous conditions: sécurité garantie et prix maîtrisés.
Or la flambée du gaz et du pétrole remettent clairement en cause la trajectoire de fermeture. "La situation actuelle est bien différente que lorsqu'on a pris la décision fin décembre" a déclaré le Premier ministre belge Alexander De Croo sur la RTBF.
"On doit donc faire des choses à court terme, mais la perspective de faire ce virage vers un système d'énergie qui soit plus durable, qui a moins d'émissions, c'est clairement cette perspective qu'il faut garder", a-t-il souligné. L'accord n'évacuait pas d'ailleurs le nucléaire nouvelle génération type EPR.
Même le parti écologiste reconnaît l'impasse actuelle et propose de "réétudier" le plan de sortie avec une éventuelle prolongation de deux réacteurs actuels au-delà de 2025. Si la Belgique dépend peu du gaz russe, elle est évidemment touchée par la flambée des prix. La décision finale sur la fermeture des centrales nucléaires doit être prise, en théorie, le 18 mars prochain.
Débat explosif
En Allemagne, la sortie du nucléaire, actée après la catastrophe de Fukushima, a aussi relancé le débat sur un éventuel report de l'arrêt des dernières centrales. Une option finalement rejetée, le processus étant, de tout façon, trop avancé pour être suspendu.
Reste que le débat sur l'atome refait surface dans un pays qui avait fait une croix dessus mais qui dépend pour moitié de son gaz des importations russes. Le ministre-président de Saxe Michael Kretschmer (CDU) a récemment déclaré "que les décisions d'arrêter progressivement le charbon ou le nucléaire devraient être à nouveau discutées."
L'Italie, où le nucléaire est devenu un tabou depuis la catastrophe de Tchernobyl, le sujet est explosif. Fin décembre, le ministre de la Transition écologique, Roberto Cingolani, a reçu une volée de bois vert en expliquant que ce "serait une folie de ne pas envisager" cette technologie. L'attaque de la centrale ukrainienne de Zaporijia ne plaide pas, il est vrai, en sa faveur...
L'Est ve se renforcer
Les lignes bougent aussi en Grèce. Le pays ne possède qu'une centrale de recherche, qui sera fermée en 2025. "La Grèce n'a pas de centrales nucléaires, et elle n'en n'aura jamais" avait tranché le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis en décembre. Trois mois et une crise énergétique plus tard, Athènes est en pourparlers avec la Bulgarie pour acheminer de l'électricité nucléaire, ce qui était jusqu'à présent tabou.
Pour d'autres, il s'agit désormais de renforcer les structures existantes. Plusieurs pays d'Europe de l'Est avaient décidé, avant la guerre en Ukraine, de relancer leur industrie nucléaire. C'est le cas de la Pologne, pays pour lequel EDF a fait une offre pour quatre à six réacteurs. En Roumanie, l'unique centrale est en cours de rénovation et le pays mise sur les petits réacteurs (SMR) pour se passer du gaz russe.
Mais pour beaucoup de pays européens, l'avenir passera plutôt par le gaz naturel liquéfié, venu en tanker, ou par les gazoducs qui amènent du gaz algérien en Europe.