Nouveaux EPR: le plan d'EDF pour éviter que Penly ressemble à Flamanville

La première réaction de fission nucléaire à peine réalisée au sein de l'EPR de Flamanville, EDF entamera les travaux préparatoires des deux futurs réacteurs de nouvelle génération sur la centrale nucléaire de Penly. Et l'ombre de Flamanville flotte sur ces nouveaux chantiers.
Début juin, l'énergéticien a en effet reçu un premier feu vert du gouvernement par le biais d'une autorisation environnementale publiée par décret. Il y a quelques jours, un second décret "d'approbation de la convention d'utilisation du domaine public maritime" a définitivement ouvert la voie au début des travaux d'aménagement principalement situés sur le territoire de la commune de Petit-caux.
"Le site d'implantation, comprend une partie artificialisée, gagnée sur la mer, et d'anciennes installations de chantiers, limitant l'expression de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques, ce qui minimise les impacts de travaux dans une zone déjà industrialisée et nucléarisée", indique le décret du 6 juin.
Parmi les "activités, installations, ouvrages, travaux", concernés par ces décrets figurent notamment des opérations telles que le "débroussaillage et déboisement, et relocalisation de la faune et la flore à protéger", "la création des installations de chantier", des opérations de "terrassement" et de reprofilage de la falaise, d'"amélioration des accès du site" ou encore la "création d'un parking".
Un retard de douze ans pour Flamanville 3
Selon la délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN), les travaux préparatoires de Penly devraient durer environ trois ans et seront lancés "de manière progressive à partir de cet été."
Alors que cette première paire d'EPR2 doit entrer en service entre 2035 et 2037, EDF entend tirer les leçons de l'épisode Flamanville pour tenir les délais de livraison. D'autant plus que deux autres paires de réacteurs de nouvelle génération doivent suivre sur les sites de Gravelines et Bugey dans le cadre du programme de relance de l'atome en France annoncé en février 2022 par le président Emmanuel Macron.
Sélectionné dès octobre 1992 pour accueillir le premier réacteur EPR, le site nucléaire de Flamanville a vu le chantier débuter fin 2007. Mais en avril 2015, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) alerte sur une anomalie "sérieuse" dans la composition de l'acier de la cuve du réacteur avant qu'EDF révèle des défauts de soudures sur le circuit primaire. Ces problèmes et d'autres entraîneront d'importants surcoûts et délais: la facture finale devrait dépasser les 13 milliards d'euros, quatre fois le montant évoqué à l'origine.
Ce n'est que le 7 mai 2024 que l'EPR de Flamanville a reçu le feu vert pour sa mise en service, avec douze ans de retard. Le chargement du combustible nucléaire s'est achevé le 15 mai, préalable à l'opération de "divergence" avant une connexion au réseau électrique et une montée en puissance progressive jusqu'à la fin de l'année. Flamanville 3 est ainsi le premier réacteur nucléaire mis en service en France depuis 22 ans.
Anticipation et gouvernance clarifiée dès le début
Pour limiter le risque de déboires sur les nouveaux chantiers, EDF souhaite d'abord anticiper davantage les différentes phases. A ce titre, la récente loi d'accélération sur le nucléaire lui permet d'entamer plus rapidement la construction de préfabriqués ou de postes électriques et surtout de démarrer dès à présenter le terrassement des terrains, "ce qui peut faire gagner un ou deux ans" selon Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Colombus Consulting.
L'autre axe majeur sur lequel l'énergéticien veut gommer les erreurs de Flamanville 3 est la gouvernance. "Au début du chantier et jusqu'en 2015, vous n'aviez pas qu'une seule personne en charge qui avait un lien direct avec le comité exécutif d'EDF à Wagram, rappelle Nicolas Goldberg. Cette fois, l'idée à travers le comité de projet est d'avoir une équipe en place pour aller droit dès le départ et d'éviter les goulots d'étranglement quand il y a des problèmes."
Un design révisé
Enfin, EDF a opté pour une version simplifiée et optimisée pour les EPR2 dans une logique de standardisation et de normalisation. Concrètement, l'énergéticien veut avancer au mieux sur les études de design détaillé qui sont encore en cours afin de solliciter les prestataires sur la base d'un cahier des charges clair.
"Plus il y a de normes et plus les prestataires savent exactement quoi acheter, ce qui fiabilise leurs relations avec EDF, explique Nicolas Goldberg. Leurs offres sont donc beaucoup plus comparables et le groupe peut choisir la plus compétitive."
Par ailleurs, la vérification des normes lors des contrôles menés par l'ASN plus tard s'en trouve simplifiée.
Les discussions entre EDF et prestataires sont primordiales car elles peuvent permettre de réduire les coûts dans certains cas, ce qui est le bienvenu dans le cadre d'un chantier se chiffrant en dizaines de milliards d'euros.
"Du coût initial du projet dépend le montant de l'avance remboursable que va demander EDF à l'Etat, insiste l'expert en énergie de Colombus Consulting. L'énergéticien a donc intérêt à présenter un coût qui soit le plus raisonnable possible."
Le design est au coeur de l'instruction de la demande d'autorisation de création des futures installations nucléaires de base par l'ASN qui se poursuit actuellement. Les travaux "nucléaires", qui correspondent à la construction de l'ouvrage, sont "subordonnés à l'obtention du décret d'autorisation de création". En revanche, le gendarme français du nucléaire ne devrait pas rendre son avis avant 2026.