BFM Business
Energie

TOUT COMPRENDRE - Nouveaux réacteurs nucléaires, simplification administrative... que contient le "Projet EPR2" du gouvernement?

Le gouvernement présentait ce matin son projet de loi pour accélérer sur le nucléaire. Dans un contexte de crise énergétique, le texte prévoit la mise en service de six réacteurs EPR2 à l'horizon 2035 mais souhaite surtout faciliter les démarches administratives préalables à leur construction.

Le gouvernement Borne tient son calendrier sur le nucléaire. Un peu plus d'un mois après le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables qui est en ce moment examiné au Sénat, c'était au tour de celui dédié à l'atome d'être présenté en conseil des ministres ce mercredi.

Sans surprise, il contient les différentes directives qu'avait données Emmanuel Macron sur la stratégie française en matière de nucléaire lors de son déplacement à Belfort en février dernier et que le président de la République avait rappelées plus récemment en marge de l'inauguration du premier parc éolien off-shore de l'Hexagone, à Saint-Nazaire. BFM Business fait le point sur ce texte baptisé "Projet EPR2".

• Quels sont les objectifs du projet de loi?

Tout comme son semblable sur les énergies renouvelables, le projet de loi d'accélération du nucléaire s'inscrit dans l'ambition du gouvernement d'atteindre la neutralité carbone en 2050.

"Si nous voulons à la fois avoir une indépendance énergétique mais également tenir nos objectifs climatiques, il faut remplacer les énergies fossiles par des énergies bas carbone. Le nucléaire est aujourd'hui l'énergie le plus bas carbone de toutes les solutions dont nous disposons", a expliqué vendredi dernier la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher au cours de sa visite à la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire).

Parallèlement à l'essor des énergies renouvelables, solaire et éolien marin, la France prévoit donc d'agir sur le nucléaire pour atteindre cette objectif. Pour ce faire, six réacteurs EPR 2 seront construits. La première paire d'EPR 2 émergera à Penly (Seine-Maritime) et sa première pierre pourrait être posée avant la fin du mandat d'Emmanuel Macron pour une mise en service souhaitée en 2035 au plus tard. Les deux autres paires se trouveront à Graveline (Nord) et probablement dans la vallée du Rhône, à Bugey ou Tricastin, et devraient être respectivement fonctionnels aux alentours de 2038 puis 2042.

"EDF est à la manœuvre, on essayera de faire le calendrier le plus ambitieux possible", indique le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, qui précise que le chantier de Penly commencera dès 2023.

Le débat public sur ces trois paires de réacteurs est déjà en cours. A plus long terme, huit EPR2 supplémentaires pourraient sortir de terre conformément au souhait du président de la République. Des travaux préliminaires sont actuellement menés afin d'étudier les potentiels lieux mais aussi la problématique des sources d'eau. Le ministère de la Transition énergétique fait état d'un "engouement" de plusieurs sites, pour se porter volontaires et accueillir ces nouvelles infrastructures dans le cadre de ce second volet d'EPR2.

• Comment le projet de loi souhaite "accélérer"?

Agnès Pannier-Runacher l'a dit elle-même ce mercredi matin au micro de France Inter: "Ce texte porte sur les procédures administratives, il ne porte pas sur combien d'EPR dans notre mix énergétique en 2050." En résumé, le gouvernement souhaite déployer le projet EPR2 le plus vite possible et gagner plusieurs années sur la mise en oeuvre des futurs réacteurs nouvelle génération grâce à des améliorations procédurales.

Afin d'aller plus vite, plusieurs axes sont évoqués. Tout d'abord, il s'agit de réduire le nombre de procédures d'autorisations pour faire en sorte qu'une seule décision administrative soit nécessaire et non pas une succession de décisions comme c'est encore le cas aujourd'hui. Le gouvernement veut également accélérer les expropriations des jachères et autres sites non utilisés par les propriétaires qui sont en proximité immédiate avec le futur emplacement des EPR2. Le ministère de la Transition énergétique ajoute qu'aucune expropriation de logements n'aura lieu.

Enfin, l'exécutif espère démarrer une partie des travaux sans même attendre la délivrance de l'autorisation, dès lors que le volet environnemental est validé. Il s'agirait alors de travaux préliminaires comme le terrassement préalables aux immeubles de bureaux qui entoureront les futurs réacteurs.

C'est dans cette logique de facilitation que les nouveaux réacteurs seront placés sur des sites hébergeant déjà des infrastructures nucléaires et ce pour deux raisons, comme l'expliquait le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher il y a quelques semaines: "D'abord de commodité, car ils seront faciles à brancher comme le courant est déjà présent et ensuite pour le terrain, car EDF avait déjà prévu des réserves foncières dans les années 1970."

• Y a-t-il un risque environnemental et démocratique?

Plusieurs acteurs émettent des craintes sur une stratégie nucléaire qui pourrait outrepasser ou négliger certaines étapes dans son objectif de rapidité d'exécution. Le directeur général de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) avait pointé du doigt une "parodie de consultation" concernant les différents projets de construction.

Le ministère de la Transition énergétique renouvelle sa volonté d'assurer la participation du public au débat, de garantir la protection de la biodiversité autour des sites mais aussi de se soustraire aux enjeux liés à la sécurité. "Le projet de loi ne touchera pas à la profondeur d'analyser du cadre de sûreté de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire)", indiquait le cabinet de la ministre il y a quelques semaines.

Toujours est-il que le Conseil national de la transition énergétique (CNTE), qui regroupe syndicats, patronat, ou encore des ONG, a "regretté les délais insuffisants" qui lui ont été laissés pour se prononcer sur le texte dont il a connaissance depuis le 26 septembre. L'instance a ainsi souligné que le projet de loi "ne saurait préjuger des conclusions du cébat public" à l'occasion de sa présentation en conseil des ministres.

• Quel est le calendrier législatif?

Un débat public, constituant une obligation légale pour EDF, permettra aux Français de s'exprimer sur la construction des six EPR jusqu'au 27 février. Auparavant, le gouvernement organise jusqu'à la fin de l'année une autre concertation, numérique et plus large, portant sur l'énergie. Les scénarios à 2050 du gestionnaire du réseau RTE et de l'Ademe, qui envisagent une part variable de nucléaire, pourront servir de base pour ces deux processus.

"C'est la première fois qu'on fait une consultation aussi large et qu'on pose les questions de manière aussi claire: combien on consomme en 2050, quel mix énergétique on veut et comment on le finance", a insisté Agnès Pannier-Runacher, mentionnant le chiffre de 7000 contributions déjà reçues sur le site gouvernemental.

Au sujet de l'examen législatif du texte, le gouvernement reste sur les bases des premières semaines de 2023 pour un passage à l'Assemblée nationale afin que les différentes dispositions du projet de loi prennent effet au cours du second semestre de l'année prochaine.

Timothée Talbi