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Comment le nouveau patron d'EDF veut éviter de brader l'électricité nucléaire "made in France"

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Instauré en 2011, l'Arenh vise à garantir aux fournisseurs alternatifs un approvisionnement en électricité à un tarif bon marché auprès d'EDF. Mais avec la flambée des prix du marché, le dispositif pèse de plus en plus lourd sur les finances de l'énergéticien.

Un dispositif "à bout de souffle" pour reprendre les mots de Luc Rémont. Lors de son audition au Parlement mercredi dernier, le nouveau patron d'EDF s'est exprimé sur la situation financière de l'entreprise dont la dette pourrait atteindre 60 milliards d'euros avant 2023. Il a notamment évoqué l'Arenh, l'Accès réglementé à l'électricité nucléaire historique, qui participe à plomber les finances d'EDF en induisant selon lui "une sous-rémunération".

"L'objectif qui était de créer une concurrence réelle n'est pas atteint", a-t-il estimé devant les parlementaires.

Des demandes formulées auprès de la CRE

Issu de la loi NOME sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité, l'Arenh est entré en vigueur en 2011. L'Etat cherche alors à ouvrir ce marché à la concurrence en favorisant l'émergence de fournisseurs alternatifs. Pour ce faire, ces derniers bénéficient d'une partie de la production d'électricité issue des centrales nucléaires d'EDF qui représentent environ deux tiers du mix énergétique.

Sur ce marché spécifique, ils ont la possibilité de contracter un volume qui est déterminé en fonction des prévisions de consommation de leurs clients pendant les heures où la demande est faible, c'est-à-dire au mois de juillet et août, les week-ends et jours fériés et la nuit entre avril et octobre. Une fois déterminée la partie de leur consommation éligible à l'Arenh, les fournisseurs formulent leur demande auprès de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et passent un accord cadre avec EDF.

Le plafond annuel ramené à 100 TWh après une brève hausse à 120 TWh

Depuis dix ans, le volume d'électricité proposée chaque année via le dispositif Arenh était de 100 TWh, ce qui représente aujourd'hui un tiers de la production annuelle totale d'EDF. Ce volume a été brièvement augmenté à 120 TWh à partir du 1er avril 2022 pour aider à contenir la hausse des prix de l'électricité à 4% sur les factures. Bruno Le Maire a annoncé jeudi que le plafond allait être ramené à 100 TWh dès l'année prochaine.

"C'est cohérent avec les engagements que nous avons pris", a expliqué le patron de Bercy.

Et pour cause, l'intérêt de l'Arenh est qu'il permet aux fournisseurs de bénéficier d'un tarif de l'électricité bien souvent moindre que celui sur le marché. Ce prix est établi par la CRE en prenant en considération les coûts d'exploitation, de maintenance, des charges à long terme ou encore la rémunération des capitaux puis est validé par le gouvernement. Cela fait une décennie que l'Arenh commercialise son mégawattheure à une quarantaine d'euros... sauf qu'en 2022, le prix du marché a pu atteindre jusqu'à 1000 euros le mégawattheure durant l'été. En d'autres termes, EDF a dû racheter de l'électricité à prix d'or sur les marchés pour la revendre à prix cassé.

Une deadline aujourd'hui pour les PME

Dans le contexte actuel de forte tension, la demande couvre très largement le volume maximum d'électricité prévu dans le cadre de l'Arenh. Invité de Good Morning Business il y a deux semaines, le président du Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l'électricité (CLEE) Frank Roubanovitch rappelait l'importance vitale du dispositif pour les PME françaises :

"On a une contrainte qui est le 31 octobre, c’est pas nous qui l’avons inventée [...] Mais pour bénéficier de cet Arenh en 2023, il faut que nos contrats soient signés avant le 31 octobre dans le cas des PME."

Dans ce cas de déséquilibre qui est systématique depuis 2020, le CRE écrète l'Arenh, ce qui signifie que les fournisseurs alternatifs reçoivent un pourcentage similaire de leur demande respective. Pour l'année 2022, le volume des demandes avait atteint plus de 160 TWh, ce qui avait entraîné un écrètement de 37,5% des différentes requêtes des fournisseurs.

Une réforme de dispositif après 2025?

Et cela a des répercussions sur les consommateurs puisque les fournisseurs sont alors contraints de s'approvisionner sur les marchés, aux tarifs bien plus onéreux, afin de compenser la part de leur demande qui n'a pas été satisfaite via les quotas de l'Arenh. De plus, ces mêmes fournisseurs doivent acheter des garanties supplémentaires sur le marché de capacités, ce qui pousse un peu plus vers le haut les prix pratiqués dans le cadre des contrats.

Cette situation incite certaines fournisseurs alternatifs à réclamer un relèvement du plafond de l'Arenh alors que ce dernier devrait de nouveau être dépassé pour l'exercice 2023. Dans tous les cas, le gouvernement doit se pencher de manière imminente sur la réforme du dispositif initialement prévu pour courir jusqu'en 2025.

TT avec AFP