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Loi sur les énergies renouvelables: sur quelles mesures travaillent les députés ?

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Le texte lancé par l'exécutif doit permettre de simplifier et d'accélérer les installations de sites de production d'énergie renouvelable. Il a été amplement modifié lors de sa première lecture au Sénat.

Rattraper le retard. L'Assemblée Nationale se penche depuis ce matin sur le projet de loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables, pour combler les manques nationaux dans le domaine. La France était en effet en 2020 le seul pays européen à ne pas respecter l'injonction de l'Union concernant le recours aux énergies renouvelables pour plus de 23% de son mix énergétique.

L'exécutif s'est emparé de la question en 2022, Emmanuel Macron appelant dans son discours à Belfort en février à déployer 50 parcs éoliens offshore (marins), à doubler la production d'éoliennes terrestres, et à multiplier par dix la production solaire. Un projet a vu le jour fin septembre en commission, avant de partir pour le Sénat, qui l'a profondément remodelé.

L'Assemblée s'y penche à son tour mais, particularité importante, la procédure accélérée ayant été engagée, cette "lecture" de la chambre basse sera la seule, et le texte qui résultera des votes pourrait être définitif, si aucun point de blocage majeur avec le Sénat n'apparait. En cas de blocage, en revanche, Matignon pourrait convoquer une commission mixte paritaire - qui réunit sénateurs et députés - pour trancher.

Des processus accélérés, des maires sans droit de veto

L'un des objectifs du texte est de rendre beaucoup plus simple et rapide les projets renouvelables, alors que le gouvernement mentionne des délais allant de 5 à 10 ans de discussions pour la mise en place de parc solaires ou éoliens - onshore comme offshore. A cette fin, la participation électronique du public est encouragée et les préfets pourraient se passer d'enquêtes publiques - et donc de longs débats - quand une simple participation en ligne s'impose. Les modalités, elles, restent à fixer.

Par ailleurs, la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), l'une des trois raisons administratives qui permettent de ne pas s'embarasser des mesures de protection des espèces animales protégées, doit être étendue à plus de projets renouvelables. Les gestionnaires de réseau électrique pourront aussi être autorisés à anticiper des travaux quand un projet est lancé, avant sa validation, pour gagner de précieux mois.

Au Sénat, les élus y sont allés de quelques modifications, dont certaines majeures. S'ils souhaitent créer un guichet unique dans chaque préfecture pour rendre plus transparente la procédure de dépôt de dossiers pour les énergéticiens, ils ont aussi fait sauter un verrou qui avait fait beaucoup parler en commission: les maires n'auront plus de droit de veto à opposer à des projets.

Les élus définiront plutôt les zones où pourront s'installer des projets, et un conseil municipal pourra s'opposer à la création d'une zone d'implantation prioritaire sur sa commune, mais pas refuser de facto l'installation d'éoliennes, par exemple.

Parkings solaires, éoliennes en mer

Autre modification apportée par le Sénat: les parkings extérieurs de plus de 80 places (et non plus supérieurs à 2500 m2) devront être équipés d'ombrières générant de l'énergie renouvelable - des panneaux solaires notamment.

Plus globalement, le second objectif du texte est d'accorder du foncier aux projets énergétiques, de façon plus souple: les projets éoliens devraient ainsi bénéficier d'un statut juridique simplifié, qu'ils aient à l'échelle d'une façade maritime entière ou d'un projet plus restrieint. RTE, gestionnaire de réseau, pourra plus facilement anticiper des travaux.

Surtout, le Sénat s'est positionné une fois de plus plus radicalement que la commission initiale, en rayant la limite des 40 kilomètres, qui devait favoriser les projets éoliens situés à plus de 40 kilomètres des côtes. La limite, juge la chambre haute, est néfaste à l'emploi dans le secteur. Des pales pourraient ainsi tourner dans les "zones économiques exclusives" situées à 22 kilomètres des terres.

A noter qu'en dehors de ces discussions, le texte doit permettre le développement de l'agrivoltaïsme - l'installation de panneaux solaires sur les terres agricoles - en encadrant juridiquement les conditions d'implantation de cette double activité.

Contrats d'achats, ristournes et prêt à taux zéro

Le projet de loi "renouvelables" doit enfin permettre de "mieux partager la valeur des énergies renouvelables", selon les pouvoirs publics. Il s'agit concrètement de mieux définir qui bénéficie de cette manne.

Un cadre juridique plus strict sur les contrats d'achat d'électricité doit être défini: il s'agit d'un maillon essentiel aux entreprises constructrices, qui peuvent se projeter dans des investissements en sachant à quel prix sera ensuite achetée leur production électrique.

Le Sénat a décidé dans sa lecture unique de renverser, par ailleurs, le "partage territorial de la valeur": si le gouvernement souhaitait au départ permettre aux riverains de voir leur facture baisser, il a préféré accorder ces ristournes principalement aux communes, façon d'attirer, à l'échelon politique, des projets. Il a en revanche instaurer une nouvelle mesure sur le volet solaire: un "éco-prêt" à taux zéro pour la construction de panneaux solaires. Un fonds va aussi couvrir les risques pour les producteurs, en cas de litige avec les riverains ou des communes.

Valentin Grille