BFM Business
Energie

Loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables: un an après, où en est-on?

placeholder video
Plus d'un an jour pour jour après l'adoption du texte, la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables se trouve déjà confrontée à des limites dans son application concrète.

C'est l'un des principaux faits d'armes de l'ancienne ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. Adoptée en mars 2023, la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables (loi Aper) s'organise autour de trois grands principes afin de contrer le retard de la France sur ses voisins en la matière.

Elle prévoit d'abord d'accélérer les procédures administratives, notamment les délais de traitement et les consultations publiques. Elle met également en place des zones d'accélération où les recours seront réduits et une planification maritime pour déterminer les zones d'implantation des projets éoliens offshore. Enfin, elle libère des espaces disponibles dont l'exploitation était empêchée par un certain nombre de contraintes.

Charles Fournier, député EELV et chef de file sur le projet de loi Energies renouvelables - 06/12
Charles Fournier, député EELV et chef de file sur le projet de loi Energies renouvelables - 06/12
6:43

Sur le papier, les objectifs de cette loi semblent tout à fait louables et en phase avec les stratégies de décarbonation prônées aussi bien au niveau national qu'européen et même mondial. Pourtant "l'accélération" peine encore à se faire ressentir selon l'ancienne ministre de la Transition écologique Corinne Lepage, présente au Powr Earth Summit 2024: "On a une législation européenne très ambitieuse sur l'énergie en général et le renouvelable. Nous mettons un temps fou à retranscrire les textes et on fait le minimum".

Un mur énergétique à escalader

L'avocate associée cofondatrice du cabinet Huglo-Lepage estime que le texte "ne résout qu'une partie des problèmes". Réduire les délais de consultation et les recours ne protège pas de litiges administratifs ultérieurs tandis que les problématiques du raccordement des projets et de leur rentabilité demeurent.

"On va avoir besoin de renouvelable pendant une petite période avec du nucléaire historique qui vieillit et produit de moins en moins, autour de 300 TWh alors qu'on a besoin de plus de 400 TWh donc soit on importe mais c'est cher soit il faut du renouvelable, souligne l'ancienne membre du gouvernement Juppé. L'Ademe dit qu'en 2050 on doit être à 80% de renouvelable pour 20% de nucléaire."

"C'est le meilleur moyen de s'attaquer aux émissions de gaz à effet de serre et un moyen exceptionnel de réindustrialisation et j'ai peur que la France passe à côté de cette révolution."

Rapporteur du texte, le député des Hauts-de-Seine Pierre Cazeneuve partage ce constat: "On n'a pas le choix en France car on va prendre un mur énergétique avec un parc nucléaire à échéance alors qu'on est en train d'électrifier nos usages et qu'on va arrêter d'importer des énergies fossiles. Il faut du nucléaire et des énergies renouvelables car il n'y a pas d'alternatives. On va devoir réduire d'un tiers l'énergie qu'on consomme et sur cette énergie consommée on va devoir augmenter la part d'énergie décarbonée et accélérer sur les autres formes d'énergies renouvelables comme la géothermie."

Des zones d'accélération qui génèrent de l'incertitude

Mais plusieurs piliers de la loi Aper se révèlent être des obstacles au développement des énergies renouvelables, à commencer par les zones d'accélération ajoutées par les sénateurs lors du parcours législatif du texte. "La conséquence est qu'on va prendre le temps de définir des zones sauf que le temps qu'on le fasse, ça génère de l'incertitude", déplore Antoine Huard, PDG de France territoire solaire.

"Certains projets peuvent avoir un coup d'arrêt s'ils ont finalement le malheur de se trouver en dehors des zones d'accélération. Et le processus pour définir ces zones est assez longs, cela peut prendre jusqu'à mi-2025."

Si le projet ne se trouve pas en zone d'accélération, les projets doivent passer par des comités dédiés, ce qui "pose un problème de confiance entre les pouvoirs publics et les développeurs" d'après Antoine Huard. "Est-ce que les réunions actuellement menées alors que les zones d'accélération ne sont pas encore déterminées valent comités de projet ou faudra-t-il recommencer une fois que la zone d'accélération sera déterminée?"

À ce titre, Corinne Lepage rappelle qu'un texte européen permet d'implanter des projets d'énergies renouvelables dans des lieux ne faisant pas partie des zones d'accélération mais cela induit une procédure plus longue.

Timothée Talbi