La crise énergétique actuelle "comparable" au choc pétrolier de 1973?

Alimentée par la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l'énergie se poursuit. A tel point que Bruno Le Maire a estimé ce mercredi que la crise actuelle était "comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973".
En mettant un terme à la période faste des Trente Glorieuses, cet événement inédit à l'époque a eu de lourdes conséquences pour les économies industralisées. Parmi les éléments déclencheurs: la guerre du Kippour, lancée en octobre 1973 par une coalition de pays arabes contre Israël.
Ce conflit a largement contribué à l'explosion des prix du pétrole dans les années 1970. En cause, la réduction de la production à hauteur de 25% décidée par les pays de l’OPEP en réponse à l’aide militaire fournie par les pays alliés à l’Etat hébreu. L'Arabie Saoudite - qui représente alors 21% de la production mondiale de brut - ira même jusqu'à imposer un embargo de ses exportations vers les Etats-Unis.
Cette modification brutale de l’offre a fait flamber le prix du baril qui sera multiplié par quatre, passant de 4 à 16 dollars (équivalant à un passage de 25 à 100 dollars en 2022). Après quoi, les économies développées, largement dépendantes de l'"or noir" importé du Moyen-Orient, ont plongé dans la crise.
A 3% en 1974, le taux de chômage en France a atteint 6% en 1980 tandis que l’inflation flirtait avec les 10% par an. Les Trente Glorieuses laissaient alors la place à des années de stagflation.
Fin des accords de Bretton Woods
Les experts s’accordent toutefois à dire que "la crise pétrolière de 1973 a lieu bien avant le déclenchement de cette guerre", comme l’explique dans Le Monde l’économiste Michel Lepetit.
"Le conflit est prétexte à un embargo pétrolier, qui durera jusqu’en mars 1974, et à une spectaculaire envolée des prix du brut imposée par l’OPEP. Même sans la guerre, le quintuplement des prix du brut aurait été atteint dès la mi-1974", souligne-t-il.
En réalité, le premier choc pétrolier de l’histoire est aussi la conséquence de la fin des accords de Bretton Woods en 1971, lorsque les Etats-Unis annoncent que le dollar ne sera plus convertible en or, mais qu’il deviendra "flottant". Cette décision de Richard Nixon provoque la panique sur le marché des changes. Résultat, la valeur du dollar se déprécie. En réaction, les pays de l’OPEP annoncent que les prix du pétrole ne seront plus basés sur la monnaie américaine mais sur l’or.
Par ailleurs, les Etats-Unis annoncent en 1971 avoir atteint un pic de production de pétrole, ce qui les contraint à s’alimenter dans les pays du Moyen-Orient pour répondre à la demande énergétique interne. Ces deux événements ont in fine contribué à faire doubler les prix du pétrole entre 1970 et 1973.
Eviter la stagflation
Comme pour le choc de 1973, l’augmentation actuelle des prix du pétrole est antérieure à la guerre en Ukraine et liée à la forte reprise post-Covid, l’offre ne parvenant à répondre à la hausse de la demande.
Mais le conflit a rendu les marchés particulièrement nerveux ces derniers jours, précipitant un peu plus la flambée des prix du pétrole, désormais proches de leurs niveaux historiques, au-dessus des 120 dollars le baril, contre moins de 100 dollars la veille de l’invasion russe.
A l’image, là encore, de 1973, "nous vivons indubitablement un choc pétrolier avec une modification brutale de l'offre. Les prix, qui étaient déjà très hauts avant le début du conflit ukrainien, s'emballent. Plus personne ne veut du pétrole de Russie", souligne dans L’Express Alexandre Andlauer, analyste financier spécialiste de l’énergie chez Kplr.
Si la crise énergétique actuelle présente quelques similitudes avec le premier choc pétrolier de l’histoire, Bruno Le Maire veut en revanche éviter d’apporter les mêmes réponses qu’en 1973. Le ministre de l’Economie s’est notamment dit opposé à un plan massif d’aides publiques qui "ne ferait qu’alimenter l’augmentation des prix".
"En 1973, cette réponse a provoqué le choc inflationniste que vous connaissez, conduit les banques centrales à augmenter massivement les taux, ce qui avait tué la croissance", a-t-il dit.
"Cela porte un nom, la stagflation, c'est précisément ce que nous ne voulons pas revivre en 2022", a déclaré le locataire de Bercy.