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Eclairage, piscines, patinoires... Les petites communes prises à la gorge par les factures d'énergie

La fin de l'éclairage public la nuit dans une communauté de communes

La fin de l'éclairage public la nuit dans une communauté de communes - RMC

Alors que le surcoût de l'énergie devrait atteindre 11 milliards d'euros en 2022 aux collectivités territoriales, les petites communes sont contraintes de prendre des décisions impopulaires. Tour d'horizon.

"Une situation catastrophique". En voyant l'évolution de ses factures d'électricité, le patron de la société Vert Marine qui gère 80 piscines publiques en France a pris peur. "On a des surcoûts de l'ordre de 1,5 million d'euros par semaine", indiquait-il ce mardi sur BFMTV. Avec la flambée des prix, le patron de l'entreprise estime que c'est 100% du chiffre d'affaires qui allaient être absorbés par les factures d'électricité ou de gaz. D'où la fermeture brutale de 30 de ses piscines en gestion.

Dans la foulée, la même entreprise a annoncé la fermeture de la patinoire de Champigny-sur-Marne dans le Val de Marne. En cause, une multiplication par sept des factures d'énergie.

"Si cette hausse était impactée sur le prix d'entrée dans les établissements, ces derniers seraient multipliées par trois, c'est impensable", assurent dans un communiqué les responsables de Vert Marine.

Pour l'heure, ce sont principalement les établissements gérés en délégation de service public par des entreprises privées qui ferment, mais les collectivités envisagent elles aussi des mesures drastiques pour réduire leurs coûts.

"Toutes les solutions sont mises en oeuvre, indique Christophe Bouillon, le maire de Barentin en Seine-Maritime et président de l'association des Petites villes de France. Aujourd'hui je vois des villes qui ferment un jour ou deux par semaine des équipements: les musées, les gymnases, les piscines... Mais ça ne suffira pas."

"Noël, ce n'est plus un sujet"

Dans les mois qui viennent, les collectivités qui -à la différence de l'Etat- sont tenues de boucler leur budget à l'équilibre devront prendre des décisions drastiques.

"Il faudra peut-être fermer les gymnases pour continuer à chauffer les écoles, Sonia Brau, maire UDI de Saint-Cyr-l'Ecole dans les Yvelines. Il va aussi falloir parler du prix des cantines. Les décorations de Noël, ce n'est plus un sujet. C'est quelque chose de très important mais est-ce qu'aujourd'hui ça me préoccupe? Non. Peut-être qu'elles seront supprimées."

Si toutes n'iront pas jusqu'à priver leurs administrés de lumières de Noël, l'éclairage public va faire les frais de cette flambée des prix de l'électricité qui a atteint 1000 euros le mégawattheure il y a deux semaines sur les marchés.

A Barentin, commune de 12.000 habitants, les factures d'énergies ont atteint en juillet 600.000 euros pour 2022, soit plus que sur l'ensemble de l'année 2021 (500.000 euros). Si le maire a fait remplacer toutes les ampoules par des LED moins gourmandes de 30%, ça ne suffira pas.

"Nous avons fait un référendum pour demander aux administrés s'ils acceptaient qu'on éteigne l'éclairage public de minuit à 4 heures du matin, ils ont voté "oui", assure Christophe Bouillon. Concernant les lumières de Noël, nous avions acheté nos propres décorations en 2021 pour 50.000 euros. Ca nous permettra de maîtriser cette dépense. Mais elles seront éteintes en même temps que l'éclairage public."

Et après l'eau? Le chauffage?

Plus inquiétant, des services essentiels pourraient être touchés comme l'eau et le chauffage. Les hausses des prix de l'énergie entraînant une flambée de l'ensemble des marchés publics. C'est ce qu'expliquait ce mardi sur BFMTV Jean-Luc Dupont, vice-président LR de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.

"Malheureusement, la situation actuelle va induire un impact global sur l'ensemble des services publics, déplore-t-il. On en parle peu mais les régies d'eau et d'assainissement des collectivités locales sont des budgets annexes qui doivent être équilibrés en dépenses et en recettes. Or, dans l'eau potable, l'énergie représente 15 à 20% de la facture et dans l'assainissement."

Concernant le chauffage, si les crèches devraient être épargnées (la législation oblige à maintenir une température constante d'au moins 21 °C), les écoles elles pourraient être moins chauffées.

"On essaie de voir école par école comment varier l'intensité du chauffage grâce à des capteurs, précise Christophe Bouillon, le maire de Barentin. Certaines sont exposées plein sud, on a peut-être moins besoin de les chauffer. Mais ce qui est compliqué c'est qu'avec la législation Covid on nous oblige à aérer..."

11 milliards d'euros de surcoût

Chauffer, aérer, limiter les dépenses le tout sans augmenter les impôts. Une quadrature du cercle à résoudre qui fait s'arracher les cheveux des maires de ces petites communes.

"Le choc est fort, reconnait Françoise Gatel, sénatrice Union centriste d'Ille-et Villaine sur BFMTV. C'est sans doute une alarme qui résonne pour tout le monde. Au Sénat, avant l'été, nous avons fait un rapport pour alerter et donner des chiffres. Le surcoût de l'énergie pour les collectivités, c'est 11 milliards d'euros. C'est une hausse de 30 à 300%. Les collectivités vont être frugales."

Alors que la plupart des petites collectivités ne bénéficient pas du bouclier tarifaire comme les particuliers et les entreprises (seules celles de moins de 10 employés y ont droit), l'élue réclame des tarifs règlementés pour tous.

"Aujourd'hui, les collectivités achètent l'électricité sur un marché libre qui est volatil, explique Françoise Gatel. Il faut un tarif régulé. Peut-on accepter que la cantine ou la piscine soient soumises à des effets yoyos du prix du marché de l'électricité comme à la bourse?"

Le gouvernement rappelle qu'une enveloppe de 500 millions d'euros a été votée cet été pour venir en aide aux factures énergétique et de restauration pour les collectivités. Une goutte d'eau par rapport aux 11 milliards d'euros de surcoût estimé en 2022.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco