Ce que va changer le raccordement de l'EPR de Flamanville au réseau électrique français

17 ans après le début d'un chantier aux multiples déboires, l'EPR de Flamanville, dans la Manche, a (sauf aléa de dernière minute) enfin été raccordé au réseau électrique français ce samedi 21 décembre.
"Samedi 21 décembre 2024 à 11h48, l'EPR de Flamanville a été connecté au réseau électrique français et a commencé à produire ses premiers électrons. C'est un évènement historique pour toute la filière nucléaire française. Le dernier démarrage d'un réacteur en France remonte à celui de Civaux 2, il y a 25 ans", a annoncé le PDG d'EDF Luc Rémont sur son compte LinkedIn.
Concrètement, cela signifie que l'EPR va injecter ses premiers megawatts sur les lignes d'électricité. Une première en France depuis 25 ans et le démarrage du réacteur nucléaire 2 de Civaux, dans la Vienne.
Le réacteur le plus puissant de France
Initié le 3 septembre, le démarrage du réacteur EPR de Flamanville a marqué le début de sa montée en puissance progressive et d'une phase de tests. Vendredi, il devrait en théorie avoir atteint 25% de sa puissance maximale, seuil minimal pour être raccordé au réseau.
L'EPR, un réacteur à eau pressurisée de nouvelle génération, est le 4e de ce type installé dans le monde. C'est aussi le 57e réacteur du parc nucléaire français, et le plus puissant sur le territoire (1.600 MW). Il porterait ainsi la puissance du parc nucléaire français à 63 gigawatts (GW) contre 61,4 jusqu'alors. À terme, il doit alimenter en électricité environ deux millions de foyers.
En attendant, son fonctionnement "sera marqué par différents paliers de puissance, jusqu'à l'été 2025, qui solderont la phase d'essais", précise EDF.
Il fonctionnera ensuite à pleine puissance jusqu'en 2026, avant de s'arrêter pour une première maintenance.
La France, exportatrice nette d'électricité
Avec ce nouveau réacteur, la France sera mieux armée pour affronter des crises énergétiques comme celle de 2022, lorsque la production nucléaire d'EDF avait chuté à 279 TWh, son plus bas niveau depuis 30 ans, en raison de vérifications ou réparations de réacteurs. Ce qui avait contraint la France à importer de l'électricité, une première depuis 42 ans.
Mais depuis, la situation s'est largement améliorée: en 2024, EDF a revu à la hausse à deux reprises se prévision de production nucléaire qui devrait atteindre entre 358 et 364 TWh, sans compter l'EPR de Flamanville. L'Hexagone devrait également battre son record d'exportation d'électricité datant de 2002 en affichant cette année un solde net de 85 à 90 TWh exportés, après 50 TWh en 2023.
La France restera donc largement surcapacitaire. De quoi lui permettre d'aborder avec plus un peu plus de sérénité l'électrification des usages dans les prochaines années. Même si pour l'heure, et depuis la crise énergétique, la consommation d'électricité stagne et demeure encore inférieure de 6% à sa moyenne des années 2014-2019, selon RTE.
Se projeter sur les futurs EPR2
La filière nucléaire compte aussi sur l'expérience de l'EPR de Flamanville pour ne pas répéter les mêmes erreurs lors des futurs chantiers, alors qu'Emmanuel Macron a décidé de commander six réacteurs EPR2 (et huit supplémentaires en option) à EDF.
Le démarrage de la troisième tranche de Flamanville accuse en effet 12 ans de retard sur le calendrier initial en raison de nombreux déboires techniques qui ont fait exploser la facture, désormais estimée à 13,2 milliards d'euros par EDF, soit quatre fois le devis initial de 3,3 milliards.
Son raccordement n'en reste pas moins hautement symbolique. Pour Christian Buchel, président de l'Union française de l'électricité (UFE), "l’électricité décarbonée est une chance pour la France, pour notre compétitivité, pour nos entreprises et pour notre souveraineté". Il appelle les pouvoirs publics "à se fixer une vision de long terme. Cela vaut tant à l’amont, pour la production d’électrons décarbonés, qu’à l’aval, pour les usages".
Reste à savoir si le consommateur va profiter des capacités produites par ce nouveau réacteur en bénéficiant d'une baisse de prix sur sa facture d'électricité. Interrogé par BFM Business sur ce point il y a quelques mois, Nicolas Goldberg, expert de l'énergie au sein du cabinet Colombus Consulting, se montrait prudent: "Sur les marchés, cela fera forcément bouger le curseur vers plus d'électricité disponible donc ça pourrait jouer à la baisse sur les prix mais cela dépendra aussi de plein d'autres facteurs comme le niveau de demande et la réaction des marchés".