Électricité: que va changer le raccordement au réseau du nouvel EPR de Flamanville?

Le PDG d'EDF Luc Rémont a indiqué le week-end dernier que l'opération de "divergence" du réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR de (Manche) était "imminente", assurant que les délais se comptaient désormais "en jours ou en semaines".

Avec 12 ans de retard, l'opération de "divergence" du réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR de Flamanville est à présent "imminente" selon les mots de Luc Rémont. Lors des 24èmes Rencontres économiques d'Aix-en-Provence samedi dernier, le patron d'EDF a assuré que les délais se comptaient désormais "en jours ou en semaines". Première réaction de fission nucléaire du réacteur qui entraîne la production d'électricité, il s'agit donc d'une nouvelle étape cruciale du démarrage progressif du plus puissant des 57 réacteurs nucléaires français. Elle survient près de deux mois après le chargement en combustible (uranium) de la cuve de la tranche.

À l'heure où Emmanuel Macron veut construire jusqu'à 14 réacteurs en France, cette opération est une étape majeure pour EDF et toute une filière qui veut tourner la page d'un chantier laborieux de 17 ans, émaillé de multiples problèmes et de surcoûts colossaux. La facture totale estimée par l'électricien aura finalement dépassé les 13 milliards d'euros. Regardant la mer, à côté des deux réacteurs plus anciens de la centrale de Flamanville, sur la pointe du Cotentin, le réacteur de 1.600 MW permettra d'alimenter près de trois millions de ménages.

Se projeter sur les nouveaux EPR dans dix ans

L'exécutif rappelle qu'il s'agit du premier EPR en France et aussi du premier réacteur mis en service dans le pays depuis 22 ans. "C'est un évènement, confirme Christine Goubet-Milhau, présidente de l'Union française de l'électricité (UFE). Cela s'inscrit dans le choix de la France pour un mix énergétique bas carbone qui repose sur plusieurs technologies, à savoir le nucléaire, l'hydraulique et le renouvelable. Ce raccordement est le début d'une série pour préparer la période 2035-2050 puisque notre parc nucléaire mérite d'être renouvelé mais s'il ne faut pas oublier les travaux de maintenance sur les réacteurs existants."

Alors que la demande d'électricité est amenée à augmenter pour sortir des énergies fossiles, les capacités supplémentaires de production bas carbone sont nécessaires. "D'autant plus qu'un réacteur nucléaire est pilotable, ce qui permet d'avoir de la flexibilité aussi bien sur la production que la consommation, insiste la représentante de l'association professionnelle du secteur électrique. On aura quand même besoin de déployer des énergies renouvelables car un bon mix énergétique est un mix développé."

"Ce raccordement est un mouvement de fond pour la filière nucléaire mais qui donne un peu plus de sécurité à court terme."

EPR de Flamanville : enfin la fin du feuilleton – 08/05

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Des effets à relativiser sur les prix et le passage des pics de consommation

De son côté, Nicolas Goldberg reconnaît que ce raccordement d'un nouveau réacteur nucléaire marque "la fin du cauchemar" et était nécessaire "avant de se lancer dans une nouvelle aventure": la construction de six EPR pour 2035 auxquels pourraient s'ajouter huit tranches supplémentaires. "Ces infrastructures auront une puissance équivalente à celle de Flamanville 3 mais auront un design différent qui sera standardisé pour accélérer les chantiers et fluidifier les cahiers des charges avec les prestataires", explique l'expert de l'énergie au sein du cabinet Colombus Consulting.

En revanche, il relativise les changements qu'apportera le raccordement de la troisième tranche de la centrale de Flamanville au réseau électrique. "Sur les marchés, il fera forcément bouger le curseur vers plus d'électricité disponible donc ça pourrait jouer à la baisse sur les prix mais cela dépendra aussi de plein d'autres facteurs comme le niveau de demande et la réaction des marchés", insiste le spécialiste.

"Sur le passage des pics de consommation électrique, ça jouera un rôle mais pas déterminant car le réacteur a une puissance de 1,6 GW mais quand la température baisse d'un degré en dessous des normales, l'appel de puissance supplémentaire est de 2,4 GW."

Une analyse derrière laquelle se range également l'Union française de l'électricité qui estime que l'ajout de 1.600 MW de capacité, soit presque autant que les deux réacteurs fermés de Fessenheim, aidera dans les situations de pointe mais de manière marginale.

Timothée Talbi avec AFP