Défense: le F-47 de Boeing va-t-il bouleverser le secteur des avions de combat?

Le président américain Donald Trump a attribué vendredi à Boeing le contrat pour la construction du F-47, le chasseur le plus sophistiqué à ce jour de l'armée de l'air américaine, dans le cadre du programme Next Generation Air Dominance (NGAD). Le programme NGAD doit remplacer le F-22 Raptor de Lockheed Martin par un avion conçu pour combattre aux côtés de drones. Le contrat d'ingénierie et de développement s'élève à plus de 20 milliards de dollars.
Le 47ème président des États-Unis, a confirmé que le nouveau jet s'appellerait le F-47. "Nous avons passé commande d'un grand nombre (d'appareils). Nous ne pouvons pas vous dire le prix", a-t-il déclaré aux journalistes dans le Bureau ovale.
"Nos alliés nous appellent constamment", a ajouté Donald Trump, précisant que les ventes à l'étranger pourraient être une option. "Ils veulent aussi les acheter".
Donald Trump, qui est également à l'offensive envers l'Union européenne s'agissant des droits de douane, menace régulièrement les pays européens de l'Otan de ne plus les défendre s'ils n'augmentent pas leurs dépenses militaires.
Une victoire pour Boeing
L'action Boeing progressait de 4,2%, tandis que celle de Lockheed Martin reculait de 6,9% après l'annonce. Cette victoire sur Lockheed Martin marque un tournant pour Boeing, qui a récemment connu des difficultés tant dans le secteur commercial que dans celui de la défense, et pour son activité de production d'avions de combat à Saint-Louis, dans le Missouri.
"Comparé au F-22, le F-47 coûtera moins cher et sera plus adaptable aux menaces futures - et nous aurons plus de F-47 dans notre inventaire", a déclaré le chef d'état-major de la Force aérienne des États-Unis, le général David Allvin.
L'adjudicataire du contrat bénéficiera de centaines de milliards de dollars de commandes au cours du contrat, qui s'étend sur plusieurs décennies.
Vingt ans après l'introduction du F-22
Un responsable de l'armée de l'air avait déclaré plus tôt ce mois-ci qu'une étude menée après la suspension du NGAD par l'administration Biden l'année dernière avait insisté sur le fait que "la supériorité (militaire) dans les airs comptait, dans le passé, dans le présent mais aussi dans le futur".
"Ce que nous dit cette étude, c'est que nous avons essayé un tas d'options différentes et qu'il n'y en a pas de plus viable que le NGAD pour atteindre la supériorité aérienne dans cet environnement très contesté", avait affirmé le général de division Joseph Kunkel lors d'un événement rassemblant les acteurs de la défense aérienne dans le Colorado.
Introduite en 2005, la précédente génération - le F-22 - est équipée de technologies qui le rendent furtif et particulièrement maniable. Les performances du nouveau F-47 ne sont pas encore connues, mais Donald Trump a affirmé qu'il serait "quasiment invisible", plus maniable et plus puissant qu'aucun autre appareil, et qu'il pourrait voler "avec de nombreux drones, autant que nous le voulons, ce qu'aucun autre avion ne peut faire".
Le F-35 de Lockheed Martin de plus en plus questionné
L'annonce du F-47 intervient alors que le F-35 fabriqué par Lockheed Martin fait moins l'unanimité dans un contexte de hausse des dépenses militaires, notamment en Europe. Fin novembre, la Roumanie a signé un contrat pour l'achat de 32 avions de combat furtifs F-35 aux États-Unis, un investissement militaire d'un montant estimé à plus de 6 milliards d'euros par le Parlement roumain. Le pays est ainsi devenu le 20ème client international au sein du programme F-35 de Lockheed Martin qui dispose d'un carnet de commandes "record" de 176 milliards de dollars. Mi-février, Donald Trump a aussi annoncé que les États-Unis allaient vendre des avions de combat F-35 à l'Inde au cours d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre indien, Narendra Modi.
Mais plus récemment, le Canada a indiqué réétudier l'achat d'avions de combat F-35 américains dans un contexte de relations tendues avec l'administration Trump et qu'il examinait d'autres options. Le gouvernement canadien a signé un contrat avec le géant américain de la défense Lockheed Martin en 2023 pour l'achat de 88 F-35 et le paiement a déjà été fait pour 16 premiers avions de combat, qui devraient être livrés au début de l'année prochaine. De son côté, le Portugal a également fait savoir qu'il étudiait toutes les options, F-35 américains ou appareils européens, pour remplacer les F-16 américains qui équipent à l'heure actuelle son armée de l'Air et arrivent bientôt en fin de vie.
Outre-Rhin, plusieurs responsables politiques posent la question d'une annulation du projet d'achat de 35 avions de combat F-35 pour remplacer une partie de la flotte allemande de Tornado vieillissante. Des interrogations qui illustrent la crainte de renforcer la dépendance à la technologie et aux logiciels américains au moment où les États-Unis de Donald Trump sont plus imprévisibles que jamais. L'été dernier, le chancelier sortant Olaf Scholz a par ailleurs promis l'achat de 20 chasseurs Eurofighter supplémentaires en plus des 38 déjà commandés.
La France peut toujours compter sur ses Rafale
Peu dépendante des avions furtifs F-35 contrairement à d'autres grands pays européens comme le Royaume-Uni ou l'Italie, la France jouit d'un avantage de taille dans le secteur des avions de combat : les Rafale fabriqués par Dassault Aviation. Le pays a triplé ses exportations d'armes en Europe par rapport à la période 2015-2019, entre autres grâce à la vente de Rafale à la Grèce et à la Croatie, l'Inde était désormais son premier client.
Au 31 décembre 2024, le carnet de commandes de Dassault Aviation était rempli à hauteur de 43,2 milliards d'euros, un niveau inédit selon l'entreprise. Trente avions Rafale ont été commandés à l'étranger en 2024 (18 par l'Indonésie et 12 par la Serbie) ainsi que 26 jets Falcon, pour un total de près de 11 milliards d'euros, contre un peu plus de 8 milliards en 2023. Au total, le carnet de commandes se compose de 164 Rafale pour l'étranger, 56 pour la France, et 79 jets Falcon.
Pour 2025, le fabricant s'attend à voir son chiffre d'affaires encore progresser, à 6,5 milliards d'euros. Il espère livrer 40 Falcon et 25 Rafale. Des prévisions qui pourraient toutefois être revues à la baisse, a prévenu le groupe, qui craint que les droits de douane sur les produits européens annoncés par Donald Trump ne viennent réduire les ventes de Dassault Aviation aux États-Unis, où le groupe vend entre un tiers et la moitié de ses Falcon.