Connecté et robotique: à quoi pourrait ressembler le char du futur de l'armée française

Le 20 octobre à Paris, dans l'enceinte de l'école MIlitaire, l'armée de Terre a organisé la présentation à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (PIHEDN). Cet évènement visait à montrer au public les capacités des forces terrestres françaises. Lors de cet événement, le général Pierre Schill, chef d'état-major de l'Armée de Terre, a accepté de répondre à nos questions.
Il nous a dévoilé les missions de ses troupes lors des conflits d'aujourd'hui et de demain avec des armements de plus en plus perfectionnés comme les drones, les robots, les blindés connectés du programme Scorpion. Il a aussi fait part de sa vision du char du futur, le MGCS. Ce programme franco-allemand remplacera les chars Leclerc et Leopard 2 en 2040.
BFM Business: À quels types de conflits se prépare l'armée de Terre ?
Général Pierre Schill: Nous sommes une armée complète. La France conserve cette ambition et nous nous préparons donc à tous les types de conflits. Les plus durs, très concrètement aujourd'hui ce serait des conflits qu'on pourrait imaginer dans le cadre de la défense collective du continent européen.
Ce sont ceux qui techniquement, sur le plan militaire et opérationnel demanderaient le plus. En suivant l'adage "qui peut le plus peut le moins", ce type de conflit est une priorité, mais de façon à pouvoir également s'engager dans d'autres types de conflits dans d'autres régions du monde.
L'armée de Terre a abordé un gros virage technologique notamment avec les blindés du système Scorpion. Comment imaginez-vous le char du futur?
Je l'imagine d'abord comme un char connecté. La réalité du combat moderne comme on le fait avec les systèmes Scorpion, c'est la connectivité. C'est la question de pouvoir relier les équipements entre eux, d'échanger, collecter et analyser les données dans les postes de commandement de façon à pouvoir décider plus vite que l'adversaire. Ainsi, nous pouvons percer le brouillard de la guerre, c'est-à-dire avoir une forme de transparence du champ de bataille. Et, si c'était possible, de décider et d'agir.
Le char du futur sera donc connecté à un cloud de combat. Ce char va aussi tirer profit de la robotique. La robotique aérienne est déjà en pleine expansion, on le voit dans différents conflits. La robotique terrestre revêt des défis technologiques encore supérieurs compte tenu de la rudesse du terrain. C'est même pour cela que la voiture connectée de "monsieur-tout-le-monde" n'est pas encore totalement à l'ordre du jour.
Le char du futur sera dans un cloud de combat et dans un environnement de véhicules suiveurs ou accompagnateurs robotisés.
Le char en lui-même sera un compromis entre de nombreux impératifs: la puissance de feu, la protection, la mobilité, l'invisibilité qu'il faudra établir. Mais ce n'est pas forcément ce qui sera l'élément discriminant de ce char du futur.
On oppose souvent la masse et la cohérence? Est-ce légitime sachant que vous cherchez à améliorer les deux par le recrutement et le matériel?
Il y a deux réponses. La première, c'est la question de l'articulation entre la cohérence et la masse. Je ne pense pas qu'il faille opposer les deux. C'est une question de distribution dans le temps.
Ce qui est clair pour nous est qu'il vaut mieux avoir un peu moins, mais que ce soit cohérent et efficace que beaucoup, plutôt qu'il manque l'environnement pour transformer cet équipement en capacité réelle.
La solution que nous mettons en avant aujourd'hui, c'est la cohérence avant la masse dans le temps.
Il vaut mieux acquérir progressivement des équipements qui soient immédiatement employables plutôt que d'acheter d'emblée les gros équipements et d'acquérir ensuite l'entraînement et les munitions.
Et sur les effectifs ?
La question de la cohérence et la masse sont les mêmes. Il faut avoir les deux, mais si on ne peut pas, il faut privilégier la cohérence. Ce qu'on a, doit être immédiatement employable et efficace. Pour cette partie ressources humaines, ça signifie que dans la France d'aujourd'hui et compte tenu du marché du travail, de notre ambition géopolitique et de l'environnement extérieur, une classe d'âge de 800.000 jeunes mobilisable pour son armée de Terre, sa Marine, son armée de l'Air, ses corps en uniforme comme la gendarmerie ou la police n'est pas extensible à l'infini.
Mon enjeu est donc d'avoir des recrutements de qualité en termes de scolarité, de condition physique, d'acceptation et de volonté de rejoindre les armées avec un esprit guerrier. C'est plus cohérent que d'avoir à rechercher forcément des masses.
Néanmoins, la question de la réserve permet à des citoyens qui n'ont pas envie d'être militaires de métier, mais qui sont ou seront prêts à défendre leur pays. Mais au-delà de l'efficacité qu'ils apportent à nos armées, il y a un lien avec la société, une diffusion supplémentaire de l'esprit de défense. C'est un espace que nous allons exploiter ces prochaines années.
