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Comment l'armée de Terre recrute les soldats qui formeront l'armée de demain

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L'armée de Terre a lancé une grande campagne de publicité pour inciter les jeunes à devenir soldats. Nous nous sommes rendus dans le centre d'évaluation d'Ile-de-France pour suivre le processus de recrutement.

Le soleil n'est pas encore levé et déjà, une vingtaine de jeunes assistent à la levée des couleurs sous la conduite d'un sous-officier. Ils sont en civil et n'ont pas encore l'attitude de vrais soldats. Mais ils sont là pour tenter de le devenir.

La scène se déroule à Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine. C'est ici que le groupement de recrutement et de sélection Île-de-France et Outre-mer prend ses marques dans de nouveaux locaux. Ce centre, l'un des cinq en France, vient tout juste de quitter le Fort de Vincennes -où doit s'installer la DGSE en 2030- pour s'installer dans un bâtiment militaire bâti sous Louis XIV, mais fraichement rénové.

16.000 recrutements chaque année

L'armée doit recruter chaque année 25.000 nouveaux soldats, militaires du rang, sous-officiers et officiers dont 16.000 pour l'armée de Terre. Une nouvelle campagne d'information vient d'être lancée. Pour le général Goujon, sous-directeur du pôle recrutement jeunesse de la direction des ressources humaines de l'armée de Terre, elle "colle mieux à la culture des armées".

"Elle était nécessaire pour adapter nos armées à un nouveau contexte, de nouveaux métiers et de nouveaux théâtres d'opérations", explique à BFM Business le général Goujon.

Nous avons suivi ce cycle de recrutement dans cette garnison de ressources humaines composée de soldats d'expérience sous l'autorité du colonel Simon, chef de corps de ce régiment. Cet officier supérieur est l'ancien patron du Centre d’entraînement au combat (Centac) – 1er bataillon de chasseurs – de Mailly-le-Camp où sont formés les militaires aux combats de haute intensité. Ce Saint-Cyrien est passé par le 1er régiment de tirailleurs avec lequel il a été en Afghanistan puis au Tchad.

"Notre mission est de former l'armée de demain. Les jeunes qui arrivent ici sont déjà passés par un Cirfa où ils ont été coachés pour affiner leur projet et leur donner les moyens d'y parvenir. Ici, nous les évaluons avant de les recruter", nous explique le colonel Simon.

Durant deux jours, les futurs soldats viennent passer des tests de sélection avant d'être recrutés. Ce centre sélectionne non seulement les soldats de l'armée de Terre, mais aussi de la Marine, de l'armée de l'Air et de l'Espace et même des pompiers de Paris. Il accueille les candidats à tous les grades, militaires du rang, sous-officiers ou officiers. Les candidats les plus jeunes ont 17 ans. Ils ont besoin d'une autorisation parentale. Les plus âgés peuvent avoir jusqu'à 39 ans.

"Ils postulent à des postes d'ingénieurs des armées. Ils ont fait de longues études et ont déjà une expérience professionnelle, ce qui explique cet âge qui peut surprendre", explique un officier en charge de la sélection.
L'objectif de l'armée de Terre est de reuter 16.000 soldats par an.
L'objectif de l'armée de Terre est de reuter 16.000 soldats par an. © Armée de terre

La grande majorité des candidats sont des hommes, mais les femmes sont de plus en plus nombreuses aussi bien dans les unités combattantes que dans le cyber, la logistique ou la santé.

Épreuves physiques et entretien psychologique

Mais avant d'être jugé apte à rejoindre une unité, tous doivent passer par les épreuves de sélection. Elles démarrent par des tests physiques. D'abord de l'endurance avec le redoutable test "Luc Léger". Il consiste à parcourir une vingtaine de mètres dans des temps de plus en plus court. Les épreuves se poursuivent avec des squats, des tractions. Tout est observé, non seulement les performances physiques, mais aussi la manière d'aborder ces évaluations.

"On préfère un niveau moyen qui se dépasse, qu'un athlète accompli qui reste dans sa zone de confort", nous précise un évaluateur.

Viennent ensuite des tests cognitifs et psychologiques, puis en entretien avec un psychologue qui cherchera les failles des candidats.

"Quelle que soit leur mission, les soldats devront porter une arme. Mieux vaut s'assurer de leur aptitude à tenir cette responsabilité".

Fidéliser les recrues

Une fois ces deux journées passées, les candidats rentrent chez eux sans connaitre le résultat des évaluations. Les militaires du rang auront un retour en quelques semaines. Ils sauront alors quand rejoindre le régiment qu'ils ont choisi. Pour les sous-officiers, cela prendra plusieurs mois. Ils devront suivre une formation spécifique à leur grade.

90 Minutes Business avec vous du mardi 14 novembre
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28:36

Après cela, chacun pourra gravir ce que les militaires appelle "l'escalier social", comme pour signifier que pour grimper dans la hiérarchie, il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton.

"C'est dans notre ADN. La moitié des officiers sont d'anciens sous-officiers et la moitié des sous-officiers sont issus du rang", note le général Goujon.

Reste encore à fidéliser les troupes afin qu'elles ne quittent pas trop tôt l'institution. La fidélisation est d'ailleurs l'enjeu central du ministère des Armées. En mars dernier, Sébastien Lecornu, ministre des Armées a présenté un plan visant à améliorer les conditions de vie des soldats pour éviter qu'ils n'aillent chercher dans le civil une vie plus compatible avec une vie familiale.

Ces dispositions portent sur les contraintes opérationnelles, la mobilité, les conditions de travail, la rémunération ou encore le parcours professionnel. Actuellement, 10% des militaires quittent "précocement l'armée".

Pascal Samama et Emma Depiot