BFM Business
Entreprises

Comment Boiron s'est reconstruit après le déremboursement de l’homéopathie

placeholder video
Le groupe rhodanien a connu une année compliquée, après la décision du gouvernement Philippe de ne plus rembourser les traitements homéopathiques. Il a récapitulé sur BFM Business ses portes de sortie.

Le couperet est tombé au début de l’été 2019. L’homéopathie ne sera plus remboursée par la Sécurité sociale, annonçait la ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, se rangeant à l’avis de la Haute Autorité de Santé et à "l’efficacité insuffisante" de ce type de produits. Le feuilleton est définitivement clos avec le rejet des recours de Boiron et Rocal par le Conseil d’Etat, fin 2020.

100% de la production homéopathique de Boiron était située en France ; 56% de son chiffre d’affaires, 557 millions d’euros, aussi. Boiron doit donc réagir vite et annonce dès mars 2020 une "réorganisation". Elle doit entrainer la suppression de 646 postes, et la création de 134 autres. Un site de production dans l’Aude est fermé, 12 des 27 établissements de distribution aussi. Les équipes commerciales sont restructurées.

"Quand la crise est arrivée, on était dans une période sociale difficile, on se sépare de 500 personnes cette année, c’est bouleversant", confie aujourd’hui Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale, sur le plateau de BFM Business.

Diversifications naturelles

La première source de rebond pour Boiron vient des probiotiques: le groupe offre dès la fin 2020 une gamme de compléments alimentaires pour bébés, enfants et adultes, rendus disponibles sur ses principaux marchés européens.

Autre axe de diversification, les produits thérapeutiques naturels basés sur des plantes (phytothérapie): en octobre dernier, Boiron a signé un accord de distribution avec l’allemand Bionorica, acteur majeur du secteur, notamment pour un médicament destiné à traiter les troubles urinaires comme les cystites.

Dans le même temps, Boiron fidélise sur l’homéopathie avec de nouveaux produits. Un produit pour bébé et un sirop pour la toux. "Il a eu beaucoup de succès, nous avons presque été en rupture de stock", souligne Valérie Lorentz-Poinsot.

Autotests et cannabis

La troisième vague épidémique et la priorité mise par les pouvoirs publics sur les autotests ouvrent une troisième voie de développement. En avril dernier, le laboratoire de Messimy (Rhône) retient NG Biotech, l’un des pionniers du test de diagnostic rapide, pour fabriquer et distribuer un autotest par prélèvement nasal.

"Nous avions la force commerciale, la proximité avec les pharmacies, et nous nous demandions comment aider", résume sa directrice générale. Elle revendique plus de 150.000 autotests produits chaque mois, et la place de leader dans le domaine.

A long-terme, c’est en outre le cannabis thérapeutique qui pourrait porter la relance de son groupe. Le groupe participe en tant qu’exploitant suppléant à l’étude demandée par le gouvernement fin 2020, aux côtés d’un fabricant britannique, Emmac Life Sciences.

"Nous connaissons la plante, puisqu’elle était dans la nomenclature de l’homéopathie jusqu’en 1979, explique Valérie Lorentz-Poinsot. C’est une chance pour la santé publique d’avoir cette plante et de pouvoir la travailler". Le groupe met la priorité au médicament et au thérapeutique, tout en réfléchissant à un développement sur le CBD (basé sur le chanvre).

Quel bilan financier ?

Le groupe a largement pâti de la fin du remboursement de l’homéopathie, avec une baisse de son chiffre d’affaires de 20% en deux ans. Entre 2018 et 2020, Boiron voyait son chiffre d’affaires passer de 604 millions à 514 millions d’euros. Son résultat opérationnel était en chute libre l’année passée, à 67 millions d’euros (-42,9%).

Et pour cette année, après ces tentatives de diversification? Boiron continue d’anticiper une baisse de son chiffre d’affaires du fait de la fin du remboursement. Mais veut entrevoir un sursaut. "Le début d’année était complexe, à -42%, mais nos deuxièmes et troisièmes trimestres sont positifs", surligne Valérie Lorentz-Poinsot. "Nos nouveautés représentent 9% de notre chiffre d’affaires désormais. Mais on pense être positif en termes de résultat opérationnel. Je ne m’attendais pas à me dire que ça va, finalement, en cette fin d'année, malgré tout ce que l'on a vécu."

Valentin Grille