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Climat, avortement, santé… les assemblées générales des grandes entreprises se politisent

Les questions climatiques ou sociétales s'invitent de plus en plus dans les assemblées générales des grandes entreprises, que ce soit via des résolutions ou par des coups d'éclat d'activistes.

Le climat s'invite dans les assemblées générales des grandes entreprises, les compagnies pétrolières et gazières au premier plan. Mardi, l'AG de Shell a été chahutée par des dizaines d'activistes climatiques qui ont interrompu le discours du président en chantant "Go to hell Shell!". Et lors de celle tenue par BP, en avril dernier, certains actionnaires étaient remontés contre la décision du groupe britannique de ralentir sa transition énergétique.

De quoi donner des sueurs froides au géant français TotalÉnergies, qui tient son AG ce vendredi. L'année passée, des investisseurs s'étaient déjà publiquement opposés à sa stratégie climatique.

Les assemblées générales d'autres entreprises, accusées de financer des activités polluantes, ont été également perturbées – notamment des grandes banques, comme HSBC, Barclays ou BNP Paribas.

L'avortement enflamme les AG américaines

Aux États-Unis, au-delà du sujet phare du climat, ce sont même d'autres questions politiques et sociétales qui s'y invitent, faisant des AG de véritables tribunes pour les débats de société. Certains groupes d’actionnaires militants s'inspirent des fonds activistes, comme TCI par exemple, pour que les entreprises répondent de leur position sur certaines problématiques.

L’avortement, par exemple, est devenu un vrai enjeu dans certains États américains qui l'ont récemment interdit. Plusieurs groupes d’activistes ont déballé le sujet lors des AG du groupe pharmaceutique Eli Lilly, d'American Express ou encore d'Alphabet, maison-mère de Google, sommant chaque entreprise de se positionner clairement sur le sujet de l'IVG.

De même pour la législation sur les armes: Mastercard a subi des pression d’un groupe d’actionnaires tentant d'obtenir un meilleur suivi des transactions liées aux armes à feu outre-Atlantique.

"Say on climate"

Des questions de société moins présentes en Europe, où le sujet des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au sein des entreprises "est déjà bien avancé", souligne Jehanne Leroy, directrice de la recherche ESG chez Proxinvest, sur le plateau de BFM Business.

Le principe du "say on climate", c'est-à-dire demander aux actionnaires leur avis sur la stratégie climatique du groupe, "est vraiment en train d'émerger, notamment en France", note-t-elle.

Les résolutions "say on climate" s'inspirent du principe plus ancien du "say on pay" sur la rémunération des dirigeants. Le sujet du climat "est très intéressant pour les investisseurs", qui "poussent les sociétés à communiquer sur ce sujet-là de façon beaucoup plus large", avance Jehanne Leroy.

Derrière le bruit, des résolutions souvent rejetées

Mais, jusqu'à présent, la plupart des résolutions sur les questions climatiques ont été rejetées par les assemblées générales, les groupes d'actionnaires portant ces résolutions n'ayant pas un poids suffisant. "Ce n'est pas une spécificité" lié à la question du climat", explique Jehanne Leroy.

"Les résolutions externes, quel que soit le sujet qui est proposé, sont quasiment systématiquement rejetées parce qu'elles ne sont pas soutenues par le management et que beaucoup de petits porteurs suivent les recommandations du management", précise-t-elle.

Dernier exemple en date à l'AG de McDonald's, jeudi. Le roi du fast food était attaqué par un de ses actionnaires, la société de gestion française Amundi qui a proposé une résolution visant à réduire les achats de viande gavées d'antibiotiques. Selon elle, les viandes acheté par McDonald's contiennent certains antibiotiques jugés dangereux qui pourraient mener la population mondiale à une résistance à ces produits et réduire notre capacité à soigner des maladies.

"La résistance aux antibiotiques a été qualifiée par l'OMS parmi les dix plus gros risques auxquels fait face l'humanité. Elle estime que, potentiellement, on pourrait avoir plusieurs millions de morts sur une décennie à cause de cette résistance", avance Caroline Le Meaux, responsable de recherche ESG chez Amundi.

Une menace sanitaire qui fait aussi peser une menace économique sur l'entreprise et c'est avec cet argument qu'Amundi espèrait rallier la majorité des actionnaires à sa cause pour voter en faveur de sa résolution.

Jérémy Bruno et Antoine Larigaudrie