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Capitulation ou prétexte? Le "big pharma" amorce des relocalisations aux États-Unis pour éviter les droits de douane

 Johnson & Johnson va racheter la biotech Ambrx pour environ 2 milliards de dollars

Johnson & Johnson va racheter la biotech Ambrx pour environ 2 milliards de dollars - MARIO TAMA

Les grands groupes pharmaceutiques ont amorcé un mouvement de relocalisation de leur production aux États-Unis, premier marché mondial du médicament.

Depuis 30 ans, les produits pharmaceutiques sont exemptés de droits de douane, mais une possible remise en cause de ce privilège par Washington a provoqué une chute des cours en Bourse dans le secteur et fait réagir les poids lourds du médicament.

Ainsi, depuis le déclenchement de la guerre commerciale cet hiver, des laboratoires de la "big pharma" ont ainsi pris les devants, annonçant avec tambour et trompettes investir pour renforcer leur production aux États-Unis.

Les entreprises américaines Eli Lilly (27 milliards de dollars), Johnson & Johnson (55 milliards sur les quatre ans à venir) ou encore Merck avec l'inauguration d'une usine de fabrication de vaccins en Caroline du Nord, ont montré la voie.

Des concurrents européens leur ont emboîté le pas en avril: le suisse Novartis a annoncé qu'il comptait investir 23 milliards de dollars aux États-Unis sur cinq ans, et son compatriote Roche 50 milliards de dollars (43 milliards d'euros).

"La question d'un exercice de communication peut se poser en ce moment", observe Nicolas Picard, gérant spécialisé dans la santé chez CPRAM.
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Anticiper les demandes américaines

"Ce qui est particulier dans les annonces des entreprises, c'est qu'elles les communiquent de manière aussi 'bruyante' -ce qu'elles ne faisaient pas par le passé", note Stefan Schneider, analyste chez Vontobel, qui couvre Roche et Novartis.

Et ce, selon lui, afin de fournir au gouvernement américain "les réponses qu'il attend à ses demandes", Washington cherchant à rapatrier des usines aux États-Unis et ainsi créer des emplois.

Mais comme d'autres experts interrogés par l'AFP, Stefan Schneider estime lui aussi que "les plans d'investissement globaux pour les États-Unis étaient déjà en place avant l'arrivée du nouveau gouvernement".

Des incitations à produire aux États-Unis avaient été élaborées sous l'administration Biden.

Le français Sanofi n'a pas annoncé de nouveaux investissements américains, mais a indiqué ce jeudi qu'il pourrait "potentiellement" en réaliser à l'avenir en fonction des besoins. En soulignant que fabriquer davantage aux États-Unis figurait dans ses plans bien avant l'arrivée de la nouvelle administration Trump. Le groupe tricolore réalise, comme nombre de ses concurrents, à peu près la moitié de son chiffre d'affaires aux États-Unis, où seulement 25% de sa production est implantée et répartie dans cinq usines.

Investir davantage ne signifie pas forcément ouvrir de nouveaux sites mais peut passer par un renforcement des capacités de production des usines existantes ou un recours accru à des sous-traitants locaux.

Le prix comme point d'attention

Selon Stefan Schneider, les taux d'utilisation des différents sites de production "pourraient désormais être plus élevés pour les sites américains qu'initialement prévu" et il se pourrait que les fabricants essayent désormais "de produire aux États-Unis les produits destinés au marché américain".

"Le thème du prix des médicaments s'ajoute à la question de savoir où ils sont produits", souligne Nicolas Picard, rappelant que les États-Unis sont "le premier marché en valeur pour tous les laboratoires".

Il est particulièrement intéressant d'y vendre des produits pharmaceutiques car le prix du médicament y est significativement plus élevé qu'en Europe, du fait d'un système de santé où les assureurs privés jouent un rôle majeur.

Les acteurs du secteur font valoir cependant que les prix des médicaments sous brevet sont fixés par les gouvernements ou par des accords sur le long terme. Ce qui ne leur permettra pas, selon eux, de répercuter sur les prix de vente la hausse liée à d'éventuels droits de douane, contrairement à l'industrie du luxe par exemple. Leurs marges pourraient donc en pâtir, même si elles restent très élevées.

En parallèle, les laboratoires européens demandent avec insistance des mesures destinées à renforcer la compétitivité du secteur sur le Vieux Continent, dont une révision à la hausse des prix.

Au-delà des droits de douane, le secteur s'inquiète des risques de retards dans les autorisations de mise sur le marché de nouveaux produits, conséquence du gros coup de rabot dans les effectifs du système de santé aux États-Unis.

HC avec AFP