Les banques peinent à suivre les nouvelles façons d'acheter et de virer des fonds de leurs clients

Des chaussures en solde dans un magasin parisien, le 20 janvier 2021. - THOMAS COEX / AFP
Une récente étude du comparateur de banques Panorabanques, réalisée avec l’institut Poll&Roll, pointe les comportements bancaires des Français, notamment en matière de paiement.
On y apprend – sans surprise – que la carte bancaire est, de loin, le moyen de paiement le plus utilisé. Nous effectuons avec elle 20 paiements par mois de 28€ en moyenne, de plus en plus sans contact (86% des Français y ont recours) et 1,5 retrait. Toutefois, 64% des Français utilisent encore des espèces chez les commerçants et nous sommes moins nombreux (19%) à utiliser notre mobile pour régler nos achats qu’à faire des chèques au moins une fois par mois (24%). Seulement 37% des 18-24 ans ne font pratiquement plus de chèques ; tandis que 15% des Français se rendent encore en agence pour effectuer des virements.
Au fond, depuis dix ans, le paysage des paiements n’a pas beaucoup changé. En ce domaine, les évolutions sont lentes. Plus de dix ans, c’est le temps qu’aura pris le paiement sans contact – la principale évolution – pour s’imposer.
Conservatisme? Certainement pas. Car, parallèlement, nos modalités de dépense et d’achat évoluent bien plus rapidement. On s’en rend assez peu compte car les banques demeurent focalisées sur les moyens de paiement qu’elles délivrent, plutôt que sur les usages d’achat, qui dépendent beaucoup moins d’elles. Et vis-à-vis desquels elles accusent même un certain retard.
Cagnottes, factures et promotions
Aujourd’hui, ainsi, partager des dépenses à plusieurs est devenu un usage de plus en plus commun et fréquent. Différents sites marchands, notamment dans le secteur du tourisme, reconnaissent – plus ouvertement que nombre de banques – les cagnottes comme des moyens de paiement à part entière.
De même, les perspectives de revente sur des plateformes en ligne sont de plus en plus prises en compte dans les décisions d’achat. La pratique est devenue commune. En France, cependant, combien d’applis de paiement facilitent-elles l’émission de factures par les particuliers?
Les demandes en matière de services associés aux dépenses sont de plus en plus variées: de l’intégration de données contextuelles (photos des objets achetés ou scan de tickets, par exemple) aux garde-fous psychologiques (tels que des filtres anti-addictifs), en passant par la recherche de prix ou de réductions. Toutefois, privilégiant simplicité et sécurité, les banques françaises proposent peu de choses en réponse à ces demandes.
Pour faciliter leurs achats en ligne, plus d’un tiers des internautes enregistrent leurs données bancaires sur les sites marchands qu’ils fréquentent le plus. Mais peu d’établissements ont pensé à développer leurs applis pour fournir la même commodité, tout en sécurisant une pratique qui semble se généraliser.
Du retard dans le paiement social
Les banques proposent de nouveaux moyens de paiement qui sont adoptés lentement dans la mesure où, en eux-mêmes, ils changent peu les usages. Cela, ce sont plutôt de nouveaux acteurs qui s’en chargent. Comme ceux qui ont promu en un temps record les paiements fractionnés. Comme Amazon, avec ses paiements invisibles en magasin ou vocaux en voiture.
Mais c’est surtout Venmo (créé en 2009) qui illustre le mieux l’impact décisif d’une focalisation sur les usages plus que sur les outils. Et qui représente également le meilleur exemple sans doute d’une fintech qui, en dix ans, a réussi à devenir une marque (en France, nous avons néanmoins Lydia).
Aux Etats-Unis, en effet, "to venmo" serait en train d’entrer dans le langage courant pour désigner les paiements entre personnes. Venmo a su changer l’usage des paiements et ceci en traitant les transactions comme de véritables interactions. Apparu en plein essor des réseaux sociaux, Venmo a inventé le paiement social. Il a créé un réseau au sein duquel on peut voir qui paie quoi et à qui. L’idée était audacieuse. Elle a eu du succès parce qu’elle a tout de suite marqué une différence, en même temps que Venmo l’a très vite atténuée (possibilité de payer sur le réseau en mode privatif) et complétée (paiements fractionnés, dont Venmo fut quasiment le pionnier aux Etats-Unis, personnalisation des règlements avec commentaires, émojis, …).
Aujourd’hui, sur Venmo, le paiement social n’est plus qu’une option et la fintech – rachetée par Paypal – propose des solutions de paiement de plus en plus généralistes (y compris par carte). Venmo a conquis 70 millions d’utilisateurs et 2 millions de commerces. Les banques ont dû monter une solution commune comparable: Zelle (en France, il y a également Paylib). Car ce sont les banques qui se sont retrouvées à faire concurrence à Venmo!