BFM Business
Agriculture

La pétition contre la loi Duplomb approche le million: pourquoi ces signatures ne permettront sans doute pas d'abroger la loi

placeholder video
Le cap des 500.000 signatures sur le site de l'Assemblée nationale ouvre la voie à une discussion sur la pétition en séance publique, mais pas au réexamen de la loi Duplomb ni à son abrogation.

C'est inédit. La pétition contre la loi Duplomb cumule ce dimanche 20 juillet à midi à plus de 800.000 signatures. Cette loi "est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire", dénonce la pétition.

Adoptée le 8 juillet au Parlement, la loi Duplomb prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France, mais autorisé en Europe.

Samedi, la pétition, lancée par une étudiante de 23 ans, a atteint l'objectif qu'elle s'était fixé de réunir 500.000 signatures, du jamais-vu sur le site de l'Assemblée nationale. Pour autant, si les écologistes et les partis de gauche se sont réjouis de cet engouement, ce cap décisif ne veut pas dire que la loi va être abrogée.

Car le cumul de signatures a beau être symbolique, il n'en devient pas contraignant juridiquement. Alors comment se déroule le parcours d'une pétition déposée auprès de l'Assemblée?

• Plus de visibilité à partir de 100.000 signatures

Le site de l'Assemblée détaille le processus: tout d'abord, une pétition peut être mise en ligne par un citoyen ou une citoyenne. Si elle atteint les 100.000 signatures, elle sera publiée sur le site de l'Assemblée nationale, ce qui lui permet d'acquérir plus de visibilité.

La pétition peut ensuite être examinée ou classée par une commission de l'Assemblée nationale. C'est le rapporteur qui le décide. Dans le cas où une pétition est classée, celle-ci est fermée à la signature. Dans le cas où elle est examinée, un débat sur la pétition est organisé en commission (et non en séance publique).

La pétition contre la loi Duplomb a atteint les 100.000 signatures en quelques jours à peine.

• Le seuil décisif des 500.000 signatures ouvre la voie à un débat

La pétition comptabilisait encore 200.000 signatures vendredi, et a franchi le cap des 500.000 le lendemain samedi 19 juillet. Le texte publié par Eléonore Pattery a suscité un engouement inédit, abondamment relayé sur les réseaux sociaux par des personnalités comme l'acteur Pierre Niney et des députés de gauche.

Lorsqu'une pétition dépasse le demi-million de signatures, comme c'est le cas ici, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale peut (et non pas doit) décider d’organiser un débat en séance publique (c'est-à-dire devant tous les députés).

Qu'est-ce que l'acétamipride, ce pesticide agricole en passe d'être réautorisé en France?
Qu'est-ce que l'acétamipride, ce pesticide agricole en passe d'être réautorisé en France?
4:28

Par ailleurs, les signataires de la pétition doivent être domiciliés dans 30 départements ou collectivités d’outre-mer au moins. Mais attention le débat portera sur la pétition, et pas sur la loi elle-même.

Ainsi la conférence des présidents de l’Assemblée nationale (composée de la présidente de l'Assemblée et les présidents des groupes parlementaires), se réunira à la rentrée pour décider si un débat doit se tenir en séance publique. Ça serait une première car aucune pétition n'a jamais été débattue dans l'hémicycle dans l'histoire de la Ve République.

"Nous pourrons organiser un débat dès la rentrée parlementaire sur ce sujet. C'est un sujet qu'on abordera en conférence des présidents, mais j'y suis évidemment favorable", a déclaré la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet ce dimanche sur France info.

Dans tous les cas, la loi ne sera pas réexaminée sur le fond et encore moins abrogée. En effet, une loi ne peut être abrogée que par une autre loi, en vertu du principe selon lequel les lois ou règlements administratifs ne peuvent être abrogés que par un texte de même valeur (une loi par une loi, un décret par un décret etc.).

• Bientôt un million symbolique ou une possibilité d'abrogation?

On l'a compris, cette pétition est surtout symbolique et permet plutôt à ses signataires de mettre la pression sur les responsables politiques. Ce qui explique pourquoi les militants écologistes continuent à appeler les citoyens à la signer pour atteindre le million, quand bien même l'objectif des 500.000 signatures est atteint.

Sur le réseau LinkedIn, l'étudiante de 23 ans espère qu'elle atteindra désormais "le million" de signatures pour "révolutionner le monde d'aujourd'hui (...) contre toutes les injustices".

Mais alors une abrogation de la loi est-elle impossible? La pétition réclame notamment "la révision démocratique des conditions dans lesquelles la loi Duplomb a été adoptée". Au Parlement, elle avait en effet connu un parcours expéditif avec une motion de rejet préalable, déposée par son propre rapporteur Julien Dive (LR) pourtant favorable au texte. Le député l'avait justifié en dénonçant l'"obstruction" de la gauche, qui avait déposé plusieurs milliers d'amendements.

L'absence de réel débat dans l'hémicycle est l'un des arguments avancés par les députés de gauche qui ont déposé un recours le 11 juillet devant le Conseil constitutionnel, espérant sa censure pour vice de procédure, ce qui pourrait empêcher sa promulgation.

La députée écologiste des Deux-Sèvres Delphine Batho demande quant à elle à Emmanuel Macron de ne pas promulguer la loi. "Le président de la République avait dit qu'il n'était pas content d'un certain nombre de reculs concernant l'écologie, il a là une occasion de joindre la parole à des actes concrets", a-t-elle déclaré.

Marine Cardot