Droits de douane: les Italiens craignent que les Américains se tournent vers le "parmesan américain" avec la hausse des prix

Des meules de parmigiano reggiano dans une cave d'affinage de Reggio Emilia, dans le nord de l'Italie, le 19 avril 2023 (photo d'illustration). - Marco BERTORELLO / AFP
Icône de la cuisine italienne, le parmesan savoure son plébiscite mondial, gardant toutefois un œil attentif sur les nouveaux droits de douane américains. Réuni à Milan pour présenter son bilan annuel, le Consortium du Parmigiano Reggiano s'est félicité d'un chiffre d'affaires "historique" de 3,2 milliards en 2024, en hausse de 4,9% par rapport à l'année précédente, pour une production d'un peu plus de 4 millions de meules.
Le consortium regroupe l'ensemble des producteurs des cinq provinces du nord de la péninsule (Parme, Modène, Reggio d'Émilie, Bologne et Mantoue) que recouvre le territoire de l'appellation d'origine protégée (AOP) italienne.
Si les Italiens en restent encore d'avides mangeurs, le parmesan aiguise l'appétit des consommateurs étrangers. S'envolant de 13,7%, les exportations de parmesan hors d'Italie représentaient près de la moitié des ventes (48,7%) du fromage transalpin en 2024, avec 72.440 tonnes. "L'avenir du parmigiano reggiano est international", veut croire le consortium, selon ses propres mots dans son communiqué de presse. Sur les marchés internationaux, l'AOP parmigiano reggiano a enregistré de nettes progressions, comme en Allemagne (+13,3%), en France (+9,1%), au Canada (+24,5%), au Royaume-Uni (+17,8%), en Australie (+28,2%) ou encore au Japon (+6,1%).
Plus de 16.000 tonnes
Mais les yeux sont rivés sur les États-Unis. Le marché américain est le premier marché international du parmigiano reggiano, pesant 22,5% des exportations totales. Plus de 16.000 tonnes ont ainsi traversé l'Atlantique en 2024, en hausse de 13,4% d'une année à l'autre. Dans ce contexte, les nouveaux droits de douane de 10% imposés par l'administration Trump sur les produits européens chahutent les producteurs et les distributeurs: avec une telle hausse de 10%, les tarifs douaniers fixes sur les parmesans AOP sont rehaussés de 15% à 25% à l'entrée des États-Unis. De quoi renchérir davantage le prix d'un fromage déjà onéreux outre-Atlantique.
En 2024, le prix moyen du parmesan affiné 24 mois s'élevait à 44 euros/kilo aux États-Unis, contre une quinzaine d'euros en Italie. La mesure de Donald Trump est "décevante", mais "en tant que produit haut de gamme, une augmentation des prix n’entraîne pas mécaniquement une baisse de la demande", observe Nicola Bertinelli, à la tête du consortium, cité par le communiqué de presse. En 2019, au cours du premier mandat de Donald Trump, la mise en œuvre de droits de douane supplémentaires de 25% avait relevé le prix du parmesan AOP aux États-Unis, sans conséquence sur la consommation. Ces surtaxes avaient été finalement retirées en 2021.
"Parmesan cheese"
Cette fois-ci, la nouvelle salve de surtaxes douanières n'en est pas moins accueillie avec méfiance par les producteurs, craignant qu'une augmentation durable des prix ne finisse tout de même par enrayer la consommation outre-Atlantique. "Ces mesures sont injustifiées, d’autant plus qu’il n’existe pas de concurrence directe entre le parmigiano reggiano et les fromages 'parmesan' produits aux États-Unis", regrette Nicola Bertinelli. L'évocation d'un "parmesan américain" fera sourire un Italien, qui n'aura aucun doute: le terme "parmesan" ne désigne qu'un parmigiano reggiano. C'est le cas pour l'Union européenne, mais la réalité est différente sur le terrain américain.
Aux États-Unis, le "vrai" parmigiano reggiano AOP ne représente en effet qu'une petite fraction (7%) du marché concerné et s'adresse aux consommateurs avisés: la majeure partie des ventes sont réalisées par des alternatives locales qui utilisent le terme "parmesan" comme un terme générique désignant des fromages de lait de vache à pâte dure "à l'italienne" – à l'image de ce que l'on peut voir pour le "champagne californien". Ces imitations américaines, deux à trois moins chères que le véritable parmesan, ne respectent généralement pas le strict cahier des charges de l'AOP italienne, à commencer par l'affinage minimum de douze mois ou l'absence d'additifs.